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La police de Buonaparte avoit envoyé en Angleterre et en Allemagne des espions qui se présentèrent comme des hommes persécutés et mécontents du gouvernement françois : ils avoient la double mission d'observer et de rendre compte de tous les mouvements des émigrés, et notamment de ceux du comte d'Artois, du duc d'Enghien, de Pichegru, de Willot et de Georges Cadoudal; de se plaindre amèrement du premier consul; d'écrire des libelles contre lui; de représenter la France dans l'état d'un extrême mécontentement, et prête à se soulever dès qu'un prince de la maison de Bourbon auroit passé le Rhin ou la Manche..

Tandis que, trompés par ces manœuvres, les François d'outre-mer prenoient de fausses mesures pour rentrer dans leur pays, la police de Paris en prenoit de plus sûres pour les faire tomber dans ses filets. Elle leur faisoit écrire lettres sur lettres par des hommes connus et respectables, dont on contrefaisoit merveilleusement l'écriture; on leur faisoit de la France les tableaux les plus séduisants et les plus propres à redoubler leur zèle pour la cause du roi; on les pressoit de venir accélérer, par leur présence, l'élan généreux qui portoit tous les cœurs aux pieds des Bourbons (1). Il n'étoit pas difficile de tromper ces hommes francs, mais crédules, et plus accoutumés à se battre qu'à négocier.

(1) «On alla jusqu'à leur parler d'une réconciliation semblable à celle qui devoit s'effectuer un jour entre les républicains et les royalistes constitutionnels, sous les auspices de Louis XVIII, et à l'aide d'une charte copiée sur celle d'Angleterre. On leur montra un traité de paix conçu dans ces intentions, et signé des noms les plus imposants. Toutes les signatures étoient fausses." GARAT.

1804.

1804.

Ils étoient fatigués de leur exil; ils pensèrent que l'heure du retour étoit arrivée; et, se livrant aux chimère de l'espérance, ils passèrent la mer, arrivèrent à Paris, et furent pris comme dans un trébuchet.

Le 17 février 1804, Murat, gouverneur de Paris, fit publier à l'ordre les nouvelles suivantes:

Soldats, cinquante brigands, reste impur de la guerre civile, que le gouvernement anglois tenoit en réserve pendant la paix, parcequ'il méditoit de nouveau le crime qui avoit échoué le 3 nivose, ont débarqué par petits pelotons, et de nuit, sur la falaise de Beville. Ils ont pénétré jusque dans la capitale. Georges et le général Pichegru étoient à leur tête; leur arrivée avoit été provoquée par un homme qui compte encore dans nos rangs, par le général Moreau, qui fut remis hier aux mains de la justice nationale.

« Leur projet, après avoir assassiné le premier consul, étoit de livrer la France aux horreurs de la guerre civile et aux terribles convulsions de la contre-révolution.

« Les camps de Boulogne, de Montreuil, de Bruges, de Toulon, de Brest, auroient cessé de commander la paix notre gloire périssoit avec notre liberté.

<< Mais tous ces complots ont échoué; dix de ces brigands sont arrêtés. L'ex-général Lajollais, l'entremetteur de cette trame infernale, est aux fers. La police est sur les traces de Georges et de Pichegru.

« Un nouveau débarquement de vingt de ces brigands doit avoir lieu des embuscades sont dressées ; ils seront arrêtés.

« Dans cette circonstance, si affligeante pour le cœur du premier consul, nous, soldats de la patrie, nous

serons les premiers à lui faire un bouclier de nos corps, et autour de lui nous vaincrons les ennemis de la France et les siens (1).

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Signé MURAT. »

Le lendemain, MM. Regnault de Saint-Jean-d'Angely, de Segur et Berlier allèrent, par ordre du premier consul, au corps législatif; et le premier de ces trois conseillers d'état fit à l'assemblée la lecture du rapport que M. Regnier, ministre de la justice, avoit fait de cet événement au consul lui-même.

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« De nouvelles trames ont été ourdies par l'Angle terre; elles l'ont été au milieu de la paix qu'elle avoit jurée : et quand elle violoit le traité d'Amiens, c'étoit bien moins sur ses forces qu'elle comptoit, que sur le succès de ses machinations.

« Mais le gouvernement veilloit: l'oeil de la police suivoit tous les pas des agents de l'ennemi; elle comptoit les démarches de ceux que son or ou ses intrigues avoient corrompus.

« Enfin la toile paroissoit achevée : déja, sans doute, on s'imaginoit à Londres entendre l'explosion de cette mine qu'on avoit creusée sous nos pas. On y semoit du moins les bruits les plus sinistres, et l'on s'y repaissoit les plus coupables espérances.

Tout-à-coup les artisans de la conspiration sont sasis; les preuves s'accumulent, et elles sont d'une telle

(1) On est moins fâché de la manière funeste qui a terminé les jours & Murat dans la Calabre quand on a lu cette proclamation.

1804.

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force, d'une telle évidence, qu'elles porteront la conviction dans tous les esprits.

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Georges et sa bande d'assassins étoient restés à la solde de l'Angleterre ; ses agents parcouroient encore la Vendée, le Morbihan, les Côtes-du-Nord, et y cherchoient en vain des partisans, que la modération du gouvernement et des lois leur avoit enlevés.

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Pichegru, dévoilé par les événements qui précédèrent le 18 fructidor an 5, dévoilé sur-tout par cette correspondance que le général Moreau avoit adressée au directoire; Pichegru avoit porté en Angleterre sa haine contre sa patrie.

« En l'an 8, il étoit avec Willot à la suite des armées ennemies pour se rallier aux brigands du midi.

<< En l'an 9, il conspiroit avec le comité de Bareuth. Depuis la paix d'Amiens, il est le conseil et l'espoir des ennemis de la France.

« La perfidie britannique associe Georges à Pichegru, l'infame Georges à ce Pichegru que la France avoit estimé, qu'elle avoit cru long-temps incapable d'une trahison.

« En l'an

une réconciliation criminelle rapproche Pichegru et le général Moreau, deux hommes entre lesquels l'honneur devoit mettre une haine éternelle. La police saisit à Calais un de leurs agents, au moment où il retournoit pour la seconde fois en Angleterre.

« A cette nouvelle, le général Moreau parut un mment agité, et fit des démarches obscures pour sissurer si le gouvernement étoit instruit; mais to se taisoit; et lui-même, rendu à sa tranquillité, il crut

devoir taire au gouvernement un fait qui pouvoit compromettre sa tranquillité. Il se tut alors même qu'il savoit que Pichegru assistoit publiquement au conseil du ministère britannique.

« Le gouvernement ne voulut voir dans son silence que la crainte d'un aveu qui l'auroit humilié; comme il n'avoit vu dans son éloignement de la chose publique, dans ses liaisons équivoques, dans l'indiscrétion de ses discours, que de l'humeur et un vain mécon

tentement.

« Le général Moreau, qui devoit être suspect, puisqu'il traitoit secrètement avec l'ennemi de sa patrie ; qui, sur ce soupçon plus que légitime, eût été arrêté à toute autre époque, jouissoit tranquillement de ses honneurs, d'une fortune immense, et des bienfaits de la république.

« Cependant les événements se pressent. Lajollais, l'ami, le confident de Pichegru, va furtivement de Paris à Londres, revient de Londres à Paris, porte à Pichegru les pensées du général Moreau, rapporte au général Moreau les pensées et les desseins de Pichegru. Les brigands de Georges préparent, dans Paris même, tout ce qui est nécessaire à l'exécution des projets

communs.

« Un lieu est assigné entre Dieppe et Tréport: c'est là que les brigands, conduits par des vaisseaux de guerre anglois, débarquent sans étre aperçus; c'est là qu'ils trouvent des hommes corrompus pour les recebir, des hommes payés pour les conduire, pendant la nit, de stations en stations convenues, jusqu'à Paris.

A Paris, des asiles leur sont ménagés dans des

1804.

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