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Donné en notre palais impérial de Bayonne, le 6 Juin,

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Espagnols,

La Junte suprême de gouvernement, composée en ce jour des premiers magistrats de la nation, vous adresse la parole pour dissiper les erreurs que la malveillance et l'ignorance s'efforcent d'accréditer et de propager parmi vous; erreurs funestes qui pourraient entraîner des malheurs incalculables, si l'autorité suprême ne s'empressait de les anéantir au moment même de leur naissance. La junte se promet que ceux qui ont écouté avec respect dans tous les tems et dans toutes les occasions la voix de leurs magistrats, ne montreront pas moins de soumission quand il s'agit pour eux, ou d'assurer à jamais leur félicité en se réunissant aux premières autorités de l'état, ou de travailler eux-mêmes à la ruine de la patrie en se livraut aux agitations dans lesquelles les éternels ennemis de la gloire et de la prospérité de la nation espagnole cherchent à les précipiter.

Au moment où l'Espagne, ce pays si favorisé de la nature, mais appauvri, épuisé, avili aux yeux de toute l'Europe par les vices et les désordres de son gouvernement, touchait à l'époque de son entier anéantissement; lorsque les efforts même que l'on avait pu faire pour ranimer ses forces abattues n'avaient servi qu'à aggraver ses maux, et à le précipiter dans de nouveaux malheurs; lorsqu'enfin il ne restait plus aucune espérance, la Providence nous a offert un moyen non-seulement de préserver la patrie d'une ruine totale, mais même de T'élever à un degré de bonheur et de splendeur auquel elle n'a pas atteint aux époques même les plus brillantes de sọn histoire. Par une de ces révolutions politiques qui n'étonnent que celui qui ne remarque pas les événemens qui les préparent, la maison de Bourbon dépossédée des trônes qu'elle occupait en Europe, venait de renoncer à celui d'Espagne, le seul sur lequel elle fût encore assise. Après avoir réduit la nation au dernier degré de langueur, privés de l'appui que leur avaient offert jusqu'alors les autres branches de leur fa mille, ne pouvaient conserver les relations qui les avaient unis antérieurement avec la France, les Bourbons étaient dans l'impossibilité de se maintenir sur un trone que tous les changemens survenus dans le systême politique les obligeaient d'abandonuer; le prince le plus puissant de l'Europe a reçu Ja renonciation des Bourbons, non pas pour incorporer votre territoire à son empire déjà si étendu, mais pour fonder sur de nouvelles bases la monarchie espagnole, pour faire

TOME III,

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servir son irrésistible pouvoir à opérer toutes les réformes salutaires après lesquelles nous soupirons depuis long-tems. C'est dans cette vue qu'il a appelé près de son auguste personne, les députés des villes, des provinces, et des corps municipaux de l'état, pour les consulter sur les lois fondamentales qui doivent garantir l'autorité souveraine et la fidélité des sujets. Il placera le diadème d'Espagne sur la tête d'un prince généreux, qui saura se concilier tous les cœurs par la douceur de son caractère; il développera des moyens que nul autre n'aurait en son pouvoir, et replacera bientôt l'Espagne au rang dont elle n'est descendue que par la faiblesse des princes qui l'ont gouvernée jusqu'à présent. Quand l'aurore de notre félicité commence à se faire apercevoir, serait-il possible que des hommes incapables de mesurer la hauteur des destinées qu'on nous prépare, qui aspirent au titre honorable de vrais Espagnols, d'amis sincères de leur patrie, cherchassent à vous séduire et à nous livrer à toutes les horreurs d'une guerre civile, au moment même où le héros qui doit être l'objet de nos bénédictions présentes et de l'admiration des siècles à venir, s'occupe tout entier de l'exécution des projets qu'il a conçus pour le bonheur de l'Espagne. Certes le junte de gouvernement ne devait pas craindre un tel égarement de la part des Espagnols, si recommandables par leur patriotisme; et cependant elle a la douleur d'apprendre aujourd'hui que quelques personnes entraînées par un zèle indiscret et par les scrupules d'une fidélité mal entendue; que quelques autres induits en erreur sur les vrais intérêts de leur pays, et, plus que tout cela, des agens secrets de la nation ennemie par le système de la prospérité du Continent, sout parvenus à égarer une partie des bons habitans de quelques provinces et d'y répandre des semences de sédition et de révolte. Braves Espaguols, vous laisserez-vous séduire par leurs promesses trompeuses? Voudriez-vous devenir les victimes d'erreurs si funestes? La générosité de vos sentimens dont on abuse, doit- elle entraîner votre perte totale, celle de vos biens et de vos familles? Ne concevez-vous pas que ceux qui, dans des circonstances aussi délicates, se rendent les apótres de la rébellion, et vous conseillent la désobéissance à vos chefs, sont les véritables ennemis de votre patrie? Quel est le but que se proposent ces vils moteurs d'agitatations et de desordres? Serait-ce le rétablissement de vos anciens monarques? Ils sont hors de l'Espagne; que doivent-ils attendre de vos efforts impuissans? Voulez-vous défendre des lois dont vous faites dépendre votre félicité future? Qui done pense à les détruire? Au contraire, ne s'occupe-t-on pas de rétablir la nation dans la possession de son ancienne liberté et de sa constitution primitive, bonheur auquel il y a peu de jours encore il ne ini était pas permis de songer? Que prétendez-vous donc, habitans égarés des provinces? Voulez

vous attirer sur vous toutes les calamités de la guerre, voir rai vager vos campagnes, brûler vos cités, renverser vos maisons? Pensez-vous qu'une levée tumultueuse d'habitans braves, mais indisciplinés, sans chefs, sans argent, sans magasins, sans vivres, sans munitions, pourront résister à des armées aguerries, à des soldats vieillis dans l'habitude de vaincre ? La junte se flatte encore que vous réfléchirez sur les fatales conséquences que produiraient infailliblement vos premiers pas, si malheureusement une obstination insensée vous empêchait de reprendre promptement le chemin de l'obéissance et du patriotisme qu'un moment d'erreur vous a fait abandonner. Et pour vous convaincre que son seul désir est de vous désabuser, que le prince qui la préside, que l'empereur des Français qui tient en ses mains nos destinées, n'ont d'autre but que d'opérer votre bonheur, la junte veut bien vous faire connaître les intentions du nouveau souverain qui vient vous gouverner. Ecoutez et jugez.

Les cortès, ces antiques garans de nos libertés et de nos priviléges vont être rétablis, plais puissans et mieux constitués qu'ils ne l'ont été en aucun tems: ils seront assemblés tous les trois ans au moins, et toutes les fois que les besoins de la nation rendront leur réunion nécessaire. La dépense annuelle de la maison royale sera fixée; la somme qui lui sera assignée sur le trésor royal ne pourra être augmentée; elle n'atteindra pas la moitié de celle qui a été dépensée jusqu'à présent pour le même objet.

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La religion catholique sera exclusive en Espagne; il n'en

sera toléré aucune autre.

Enfin la junte de gouvernement a de puissans motifs d'espérer que la contribution personnelle établie pour la présente guerre sera considérablement diminuée par l'effet des améfiorations que le nouveau gouvernement se propose de faire dans le mode de perception, et parce que la situation militaire et politique de l'Europe, en exigeant les plus grands efforts pour l'augmentation de la marine, permettra de diminuer l'armée de terre.

Ajoutez à cela que des réformes utiles s'opéreront graduellement dans toutes les parties; le crédit public sera rétabli, la dette sera consolidée et éteinte dans un petit nombre d'années. L'administration de la justice sera soumise à des règles immuables; l'autorité souveraine n'en pourra pas suspendre le cours. L'agriculture sera encouragée; le commerce et l'industrie reprendront une nouvelle vigueur; la population sera augmentée, l'armée et la marine seront rétablies dans leur ancien éclat; tous les moyens qui peuvent assurer la félicité publique seront dévelopés en même tems.

Jugez maintenant s'il est de votre intérêt de prendre les armes pour détruire l'œuvre qui doit consolider votre bonheur, celui de vos enfans et de vos neveux, et si ceux qui

soufflent parmi vous le feu de la sédition sont de vrais Es pagnols, des amis de leur patrie. Eh bien! Espagnols, tel, cependant, est le sort qui vous est préparé si vous maintenez parmi vous la tranquillité et le bon ordre, si vous vous unissez de cœur à votre gouvernement et à vos autorités locales, Animés tous du desir de faire le bien, vous touchez au moment d'être heureux; mais si vous méprisez cet avis salutaire que vous donne la junte de gouvernement, craignez la juste colère d'un monarque aussi sévère quand il faut punir une obstination aveugle et inutile, que généreux et prompt à pardonner un moment d'erreur Ignorez-vous que déjà de nombreuses armées françaises sont entrées en Espagne? Ne savez-vous pas que d'autres armées aussi nombreuses s'achéminent vers vos frontières? Les provinces qui ne rentreront pas sur-le-champ dans leur devoir, seront occupées par les troupes françaises et traitées avec toute la rigueur des lois militaires. Déjà le lieutenant-général du royaume a donné des ordes pour faire marcher plusieurs divisions et punir les soulevés; mais la junte de gouvernement à voulu soustraire à des dangers inévitables les provinces dans lesquelles il a été commis quelques désordres; elle a démandé pour elles, elle a offert en leur nom de reconnaître leur erreur et de rentrer dans l'ordre. S. A. I. et R. a daigné accueillir ses prières avec bonté; elle a suspendu le châtiment des coupables; mais il sera terrible si les insinuations perfides des malveillans ont plus de pouvoir sur les esprits des Espagnols que la voix paternelle de leurs magistrats, de leurs ministres, et de tous leurs chefs suprêmes, militaires et civils. Madrid, ce 3 Juin, 1808.

(Signés)

Don Sebastian Pinuella, conseiller d'état, ministre de grâce et de justice; don Gonzalo Ofarrill, conseiller d'état, ministre de la guerre; le marquis Caballero, conseiller d'état, gouverneur du conseil des finances; le marquis de las Amarillas, conseiller d'état, doyen du conseil de la guerre; don Pedro Mendinueta, conseiller d'état, lieutenant-général des armées; don Arias Antonio Mon et Velarde, doyen du conseil de Castille et gouverneur par interim; le duc de Grenade, président du conseil des ordres; don Gonza-Josef de Vilches, membre du conseil et chambre de Castille; don Josef de Navarro et Vidal et don Francisco-Xavier Duran, membres du même conseil, le premier avec les honneurs de la même chambre; don Nicolas de Sierra, fiscal du conseil de Castille; don Garcias Gomez Xara, membre du conseil des Indes; don Manuel-Vicente Torres, consul, fiscal du conseil des finances; don Ignacio de

Alava, lieutenant-général et membre du conseil de marine; don Joaquin Maria Sotelo, fiscal du susdit conseil de la guerre; don Pablo Aribas, fiscal de la salle des Alcaldes de Corte; et don Pedro de Mora et Lomas, corregidor de Madrid.

Adresses des députés à la junte générale extraordinaire, Chers Espagnols, dignes compatriotes !

Vos familles, vos foyers, votre fortune, vos propriétés, votre vie nous sont aussi chers et aussi précieux que les nôtres mêmes, et nous voudrious vous avoir tous sous nos yeux pour vous détromper.

Nous avons été autant que vous, fidèles et dévoués à notre ancienne dynastie jusques au terme fixé par la Providence, maîtresse absolue des couronnes et des sceptres. Les plus grands états vous offrent mille exemples de son pouvoir illimité, et notre pays même ne présente pas peu de ces exemples dans son cistoire.

Un devoir irrésistible et un but aussi sacré que celui de votre bonheur nous a fait quitter nos foyers, et nous a con duits auprès de l'invincible empereur des Français.

Nous vous l'avouons, la vue de sa gloire et de sa puissance peut en imposer, mais nous arrivious déterminés à lui adresser nos suppliques réitérées pour le bien général d'une monarchie dont le sort est nécessairement lié avec le nôtre. Mais quelle a dû être notre surprise quand S. M. I. et R. nous a prévenus par des témoignages de bienveillance et d'humanité d'autant plus admirables, que son pouvoir est plus grand; il n'a d'autre désir que celui de notre conservation et de notre bonheur. S'il nous donne un souverain pour nous gouverner, c'est son auguste frère Joseph, dont les vertus faisaient l'admiration de ses sujets.

S'il s'occupe de modifier, de corriger notre ancienne légis lation, dans les parties défectueuses, c'est afin que nous vivions selon la raison et l'équité.

S'il veut que nos finances reçoivent une nouvelle organisation, c'est afin de rendre notre marine et notre armée puissantes et redoubtables à nos ennemis, en évitant les dépenses superflues, en créant une administration sage et correctrice des abus, en ranimant l'industrie nationale, en détruisant les entraves qui paralisent notre commerce, et en nous soulageant le plus possible du poids des impôts onéreux qui, jusqu'à présent, nous ont écrasés, et ont détruit notre agriculture, et

toutes nos ressources.

Enfin, connaissant votre attachement à la religion, et la loyauté de votre caractère, il ne veut point gêner la ferveur de votre zèle religieux: il vous assure que vous conserverez comme vos ayeux notre sainte religion catholique dans toute sa pureté, et qu'elle sera, comme jusqu'à ce jour, la seule et

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