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s'il faut les considérer comme un frivole déguisement destiné à tromper l'opinion publique et à revêtir l'agonie de l'empire ottoman du prestige éphémère d'une feinte renaissance.

E. DE VALMY,

ANCIEN DÉPUTÉ.

P. S. Ces lignes étaient écrites lorsque les tristes événements d'Alep sont venus appeler l'inquiète attention de l'Europe sur la situation de l'empire ottoman et sur le progrès de ses réformes. L'occasion de donner une éclatante preuve de justice et d'autorité a été offerte et, il faut en convenir, acceptée sans aucune hésitation à Constantinople. Les rapports officiels déjà publiés nous ont appris que les mesures les plus énergiques ont été mises à exécution avec un louable empressement; si le mal a été grand, il est heureusement loin d'avoir atteint les proportions que la crédulité publique lui avait données, et, si la réparation mérite quelque reproche, ce n'est pas celui d'avoir été insuffisante. Ce qui est certain, c'est que le sultan n'a pas trompé la confiance qui était accordée à ses intentions, et que les populations chrétiennes, pouvant compter désormais sur la protection du gouvernement turc, ne seront plus dans la dure nécessité de faire un appel trop souvent inutile au patronage méconnu d'une puissance étrangère.

DE LA REFORME UNIVERSITAIRE

PAR M. A. DE MARGERIE 1
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE AU LYCÉE DE POITIERS.

Voici une brochure qui serait destinée à faire sensation dans le monde intellectuel, si le public (même le public lisant et raisonnant) avait l'habitude de mesurer ses sympathies et son intérêt à l'importance des questions, au talent avec lequel elles sont traitées. Mais il n'en va pas ainsi; une question est à l'ordre du jour de l'opinion, pendant un nombre restreint de mois ou de semaines, tant qu'elle reparaît chaque matin dans le premier-Paris des journaux, et qu'elle est de nature à exercer une influence quelconque sur le cours de la Bourse. Puis, elle cède la place à une autre qui la fait oublier, comme une vague efface la vague qui la précède dans le flux régulier de l'Océan.

La question de l'enseignement! qui en parle encore? Est-ce que la loi du 15 mars 1850 n'a pas terminé tout cela? Est-ce que depuis nous n'avons pas eu l'importante question du Sleswig, et la question des voyages du Président, et la question de la Hesse, qui est déjà devenue la question d'Allemagne, et celle des solutions, qui menace de durer jusqu'en 1852? Mais la Réforme universitaire! quelle vieillerie !

D'ailleurs vous savez bien que l'Université n'a que faire de se réformer. M. Thiers, dans son discours du 18 janvier 1850, a déclaré que la nouvelle loi avait spécialement pour but de consolider l'Université.

M. de Parieu, dans son allocution au grand concours, à côté des banalités traditionnelles sur l'unité nationale et cette grande institution de l'enseignement de l'Etat qui ne périra point (applaudissements prolongés), M. de Parieu a-t-il laissé entrevoir seulement que cette 1 Chez J. Lecoffre, 29, rue du Vieux-Colombier.

grande institution songeât à se réformer?-M. Artaud, inspecteur général de l'Université, présidant la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand, a-t-il fait autre chose que de rappeler les titres de l'Université à la reconnaissance nationale, que de vouer à l'exécration publique les odieuses calomnies dont elle a été l'objet, que de lui confier solennellement le soin de régénérer la société ?—Y a-t-il là la plus petite place pour la réforme d'une institution si parfaite, et envers laquelle (c'est M. Artaud qui parle) nous voyons redoubler la confiance des pères de famille.

Nous savons tout cela. Aussi M. de Margerie n'écrit-il pas, ni nous non plus, pour ce public qui vit et pense (lorsqu'il pense) au jour le jour, et qui n'hésite jamais à mettre en oubli les grands et durables intérêts de la société pour le moindre chien d'Alcibiade dont il plaît aux bâbleurs politiques de lui conter gravement l'histoire. Nous savons que ce faux public est loin, et depuis longtemps, de la question de l'enseignement. Mais nous écrivons pour le vrai public, pour ces hommes qui savent accorder aux questions secondaires toute l'indifférence qu'elles méritent, mais qui, s'ils viennent à aborder une de ces questions primordiales qui portent dans leurs flancs la paix et la guerre, ne l'abandonneront pas qu'ils ne l'aient pleinement et sérieusement résolue.-Ces hommes ne voient point une solution définitive dans ce qui n'est qu'un ajournement ou un compromis, tout au plus un premier pas dans une longue carrière. En ce qui touche l'enseignement, ils ont compris que la loi nouvelle, quelque favorablement qu'on la veuille juger, a posé deux questions plutôt qu'elle n'en a résolu une seule, ou, si on l'aime mieux, a transformé la question de la liberté de l'enseignement en deux questions nouvelles : la question de l'établissement de l'enseignement libre; la question de la réformation de l'enseignement public.

Cette seconde question fait l'objet de la brochure de M. de Margerie. Bien loin d'être usée, elle est toute neuve; M. de Margerie explique parfaitement pourquoi. «Peut-être, dit-il, les longues années << pendant lesquelles la monarchie de 1830 a suspendu l'exécution « des promesses de la Charte, en matière d'enseignement, eussent « été utilement employées à déterminer d'avance les conditions. nou<< velles dans lesquelles l'Université doit se placer, et à la réformer «< intérieurement, de manière à la rendre capable de soutenir la con<< currence avec avantage. Soit qu'on espérât prolonger indéfiniment

«<le statu quo, soit que la prospérité apparente de l'Université don<< nåt à ses chefs de grandes illusions sur son état réel, on ne l'a pas « fait, on n'a pas sérieusement tenté de le faire. Ce qui eût été bon << alors est urgent aujourd'hui, etc. »

Quant à cette autre objection que l'Université se trouvant très-bien comme elle est, c'est peine perdue que de la convier à se réformer elle-même, nous aurons occasion d'y revenir dans le courant de cet article.

Qu'il nous suffise d'avoir établi la parfaite opportunité, aux yeux d'une critique judicieuse, d'un travail sur cette question encore trop peu explorée de la Réforme universitaire.

Le Mémoire de M. de Margerie est divisé en trois parties, intitulées :

Les faits;

Les causes;

Les remèdes.

I

Les faits, que l'auteur ne s'arrête pas à démontrer, qu'il constate seulement, ce sont :

L'affaiblissement des croyances religieuses;

L'affaiblissement du sens moral;

L'affaiblissement des études.

II

Les causes, M. de Margerie les trouve:

1o Dans l'éducation livrée aux mains des maîtres d'études, c'està-dire d'hommes qui, n'ayant point le dévouement religieux pour mobile, remplissent comme un métier, mal par conséquent, des fonctions qui constituent un véritable apostolat ;

2o Dans le déplorable système connu sous le nom d'enseignement mixte, système qui conduit à ériger en principe la perpétuelle neutralité du professeur relativement à toutes les questions religieuses. Or cette neutralité du professeur qui, si elle était possible, mènerait forcément l'élève à l'indifférence, est complètement impraticable, surtout dans les classes d'histoire et de philosophie, où pas une question ne se présente dont la solution n'implique ou l'affirmation ou la négation formelle d'une des vérités du Christianisme, ou d'un des

faits divins qui lui servent de base. D'où M. de Margerie conclut très-bien: « Il n'y a point d'enseignement neutre en des matières où « sont engagées les questions religieuses; mais il y a un enseigne<«<ment qui donne au scepticisme le nom d'impartialité, à l'hostilité « le nom d'indépendance. Et cet enseignement, vous le retrouverez << partout où le corps chargé du ministère de la parole sera composé « en majorité d'éléments incrédules. »

3° Quant à l'affaiblissement des études, M. de Margerie signale comme causes principales: l'absence de croyances religieuses, d'où résulte pour les élèves l'absence des motifs de travail de l'ordre le plus élevé, et par conséquent les plus efficaces; la préoccupation de plaisirs sensuels ou d'une indépendance prématurée qui ne peuvent manquer d'envahir des âmes que rien de grave ne remplit; le régime énervant auquel la neutralité des maîtres condamne l'intelligence des élèves; enfin le peu de sérieux des épreuves subies à l'entrée de chaque classe, et les vices que présente l'examen du baccalauréat, tel qu'il est constitué aujourd'hui.

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Les remèdes sont indiqués d'eux-mêmes par ce qui précéde : 1° Suppression des maîtres d'études, par suite de la suppression de l'internat, ou leur remplacement par des religieux, animés de ce mobile qui manque aux surveillants actuels le dévouement.

2° Abolition de l'enseignement mixte; création de colléges spéciaux pour les dissidents, protestants ou israélites, et rétablissement de l'Université sur les bases que l'Empereur lui avait données, c'est à-dire un enseignement exclusivement et hautement catholique.

3o Examen sérieux à l'entrée de chaque classe; division de l'examen du baccalauréat en deux examens : l'un, classique et plus élémentaire, se subirait à l'âge de quinze ans, et serait à la fois la condition sine quâ non du second et le certificat d'aptitude pour certaines carrières publiques; l'autre, d'un degré supérieur, et condition de rigueur pour l'admission aux professions savantes, ne pourrait être abordé que deux ans après le premier.

Telles sont, résumées succinctement, c'est-à-dire dépouillées du charme et de l'éclat que leur prêtent des développements pleins d'intérêt et un style remarquable, les idées de M. de Margerie sur la réforme universitaire.

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