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que des plus récentes: bát imprimé sans accent circonflexe, eucraisie au lieu d'eucrasie, le masculin indiqué pour le féminin à excision; laisser-aller écrit à l'article Laisser sans trait d'union, et à l'article Désinvolture avec un trait d'union; les expressions suivantes, imprimées tantôt en deux mots, tantòt en un seul blanc-seing et blanc seing, libre-échange et libre échange, maitre-autel et maître autel, contrepoint et contrepoint, entre-sol et entresol, chien-dent et chiendent; Mathieu par un seul t à Évangéliste et par deux t à Évangile, etc.

La langue parlée n'y perdrait rien non plus; quantité de mots, au lieu d'attendre, pour obtenir leurs lettres de naturalisation, que la période trentenaire ou quarantenaire fût complètement révolue, figureraient au répertoire officiel aussitôt qu'ils y auraient leur place marquée.

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C'est depuis sa dernière édition seulement, qui le croirait? que le Dictionnaire de l'Académie a également (1) reconnu des expressions devenues depuis longtemps indispensables, comme artistique, buvard, cigarette, féerique, internat, international, journalisme, kilométrique, légitimiste, lycéen, métrer, métreur, milligramme, porte-monnaie, porte-plume, sous-lieutenant, etc.

(1) C'est à dessein que j'emploie et que je souligne le mot légalement. J'ai été personnellement témoin du fait suivant le mot retélégraphier, refusé dans une dépêche par un employé des postes et télégraphes, sous prétexte que cette expression ne figure pas au Dictionnaire de l'Académie.

Ouvrez l'édition de 1835 aucun de ces mots n'y figure; par contre, vous y verrez s'épanouir à l'aise des barbarismes pommés, comme calonière, crapaudaille, mirlirot, vagabonner (1). Ici, je crois devoir rappeler, à titre de correctif, cette phrase de Quicherat: « Il est facile de réunir contre un ouvrage si étendu un certain nombre de critiques de détail : ces petites imperfections ne sauraient déformer l'ensemble Ubi plura nitent, non ego paucis offendar maculis. »

Aussi bien, les critiques ci-dessus ne s'adressent pas à l'œuvre ou plutôt au chef-d'œuvre, monument impérissable élevé à la gloire de notre langue. Ces critiques n'ont qu'un but montrer que les erreurs et les omissions étant inévitables dans un travail de ce genre, il importe de ne pas écarter à priori un moyen très simple de les réparer au plus tôt.

A mon avis, les premières anomalies à faire disparaître, non toutes à la fois, bien que dans beaucoup de cas, il n'y ait qu'un mot à dire pour supprimer de nombreuses exceptions - les premières anomalies. à faire disparaître, ce sont les suivantes, signalées par le ministre de l'instruction publique dans sa circulaire du 27 avril 1891 :

10 LE PLURIEL DE CERTAINS MOTS ÉTRANGERS.

(1) Pour crépodaille et mieux créponaille; car pourquoi crapaudaille ne serait-il pas français dans le sens où il a été employé par Froissart: Allez en Angleterre, orde crapaudaille; que jamats pied n'en puisser retourner. »>

M. Lebaigue demande que le pluriel de ces mots soit soumis à une règle fixe, c'est-à-dire à la règle de l's; on dit des duplicata, des errata, des maxima et non des duplicatas, des maximas, des erratas, attendu, paraît-il, que ces pluriels latins ne sauraient être par surcroît pluralisés en français; pourquoi ne pas agir de même pour les agendas? A ce compte, pourquoi un duplicata (1)? C'est comme si l'on écrivait un doubles; cela n'est pas plus admissible qu'un concetti. Pourquoi encore gratifier de l's macaroni, puisque maccheroni est un pluriel italien? Pourquoi tolérer cette marque faisant également double emploi pour lazzi, pluriel de lazzo (badinage)? Pourquoi pluraliser uléma, pluriel arabe (oulemá) d'alim (savant), et de même chérubin, séraphin, pluriels (à part le changement de menn) des mots hébreux cherub (ou khéroub) et seraph.

(1) Je n'ai pu comprendre, par exemple, pourquoi Littré oppose à des duplicata sans des opéras avec s. Pour ce dernier mot, la terminaison a indiquant un nom singulier en italien, lui appliquer la règle française de l's, voilà qui est fait pour choquer un Philausone; mais cela ne peut se rattacher à la réitération du pluriel comme pour duplicata, ou comme s'il s'agissait du latin opera. Jusqu'en 1798, le Dictionnaire de l'Académie écrivait des opéra. Quoi qu'en dise le Dictionnaire raisonné des difficultés (3o édition, 1846), Boileau a fait varier ce substantif, mais en s'excusant pour ainsi dire de prendre une telle licence. D'Alembert revendi. qua le droit de l'écrire au pluriel conformément à la prononciation usitée alors, qui déjà allongeait l'a final. On ne saurait l'en blâmer, pas plus que d'avoir proposé l'orthographe: des numéros, adoptée en 1835 c'était franciser non du latin, comme il le croyait, mais de l'italien. Napoléon Landais, commettant la même erreur, s'inscrivait au contraire en faux contre la décision de 1835 relativement à l's, et contre la prescription centenaire de l'accent aigu; il écrivait des numero.

Touareg étant le pluriel de Targui, sera-t-on admis à écrire des Touaregs? Pourquoi dit-on au singulier mérinos et non merino comme les Espagnols, imités en cela par les Anglais, les Allemands, les Italiens et les Portugais?

Si, comme de l'autre côté du détroit, nous avions les formes datum, data; desideratum, desiderata ; memorandum, memoranda (1); speculum, specula; radius, radii; index, indices; oasis, oases; criterion, criteria; automaton, automata; cherub, cherubim; seraph, seraphim (2); oh! alors nous aurions quelque apparence de raison, dans certains cas, à vouloir en français parler grec, latin, arabe, voire même hébreu, et à généraliser le pédantesque distinguo introduit en 1798 entre erratum et errata (3); mais ne vautil pas mieux appliquer aux expressions empruntées

(1) Les Anglais ont aussi le pluriel memorandums.

(2) Outre les pluriels cherubim, seraphim, les Anglais ont aussi les suivants: cherubs, seraphs.

(3) Lorsqu'il ne s'agissait que d'une faute à relever, d'après le Dictionnaire de l'Académie de 1793, il fallait dire un erratum; en 1835, l'Académie n'imposait plus cette forme du singulier, mais la considérait toujours comme permise. De sorte que ce mot, disait le Dictionnaire raisonné des difficultés de Laveaux (3o édition, 1846) a deux singuliers, un errata quand il indique plusieurs fautes, et un erratum quand il n'en contient qu'une. Voilà les déclinaisons latines introduites dans la langue française par les soins de l'Académie. D'après ce principe, je suis surpris que cette Académie n'ait pas décidé que facta est le pluriel de factum, fratres celui de frater, patres celui de pater... » Il n'y aurait pas de raison non plus, pour ne pas dire des accesserunt pour des accessils (orthographe de 1878) et des satisfecerunt lorsqu'il s'agit de plusieurs élèves, des exeant pour des exe at lorsqu'ils sont délivrés à plusieurs personnes.

par nous soit aux langues anciennes, soit aux langues vivantes, ce conseil de Ronsard relativement aux mots de provenance grecque : « Lorsqu'ils auront long-temps demeuré en France, les recevoir en notre megnie, puis... monstrer qu'ils sont nostres, et non plus incogneus estrangers. >>

En 1878, l'Académie a pris un parti tout opposé à l'égard de bravo (assassin à gages), carbonaro, dilettante, lazarone, lady, tory, que nous aurions pu, sans inconvénient, « recevoir en notre megnie »; elle en a fait, au contraire, des «incogneus estrangers >> en admettant les pluriels: bravi, carbonari, dilettanti, lazaroni (1), ladies, tories.

Autrefois, alderman prenait l's: alderman, alḍermans; maintenant, l'Académie n'indique plus que le singulier, en vue, sans doute, de l'adoption ultérieure de la forme aldermen. Alors, nous écrirons, selon toute vraisemblance, comme les Anglais, pennies, pour indiquer la nature des pièces, et pence, quand on voudra simplement exprimer une somme; au lieu de dire les opéras, on dira à l'italienne opere, et de même libretti, maestri pour librettos, maestros.

Ce traitement accordé à la nation la plus favorisée, - et il serait permis de demander ce qui justifie cette préférence, amènera, de toute nécessité, d'autres

(1) Ces pluriels en i ne sont pas chose nouvelle en France; SaintSimon, dans ses Mémoires, parle des propositis de Vendôme. J'ajoute que je serais assez disposé à admettre grammaticalement les bravi, afin d'éviter une confusion avec les bravos (applaudissements).

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