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nuit étoient déja venus, fans qu'on eût fongé à se détourner pour demander de la lumiere. M. de Vermont en étoit aux détails les plus curieux de fes-longs voyages, lorfqu'on entendit frapper rudement à la porte. Les enfans se rassemblerent bientôt en peloton derriere le fauteuil de leur pere, qui attendoit toujours que l'un d'eux allât ouvrir. Il en avoit donné l'ordre à Lucien fon fils aîné, mais Lucien l'avoit fait passer à Charlotte Charlotte à Denise, & Denise à S. Félix. Durant le cours de ces négociations, on avoit frappé une seconde fois, & aucun d'eux ne bougeoit de sa place. M. de Fréville les regarda d'un œil qui sem

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bloit leur demander fi c'étoit à lui ou à ses amis de prendre la peine de se lever de leur fiege. Enfin, ils se mirent en marche tous les quatre ensemble dans l'ordonnance guerriere d'un bataillon carrré, bien tapis les uns contre les autres. Quand ils furent près de la porte, Lucien se détacha d'un pas craintif, & la pouffa brusquement, en se repliant avec précipitation fur le petit corps d'armée. Mais le petit corps d'armée eut bien une autre peur au tintamarre foudain qui fe fit alors entendre, & à l'apparition d'un corps blanchâtre qui rampoit à quatre pattes, avec des grogneries étouffées. Les quatre nouveaux Sofies prirent la fuite,

en pouflant des hurlemens d'effroi. Qui est la donc, s'écria M. de Fréville, d'un ton d'impatience? Moi, Monfieur, répondit une voix fourde, qui sembloit fortir du plancher. Et qui êtes-vous ? - C'est le garçon perruquier, Monfieur, qui cherche votre perruque qu'on vient de faire tomber. Je vous laisse à penser, mes amis, quels éclats de rire fuccéderent au morne filence qui venoit de régner un moment. On tira la fonnette pour avoir des flambeaux; & bientôt on apperçut à leur clarté la boëte à perruque

toute en pieces, & la malheureuse

perruque renversée à terre

qui

chaufsoit, comme une large pan

touffle, l'un des pieds du garçon.

Lorsque le premier tumulte de cette scene rifible fut appaifé, M. de Fréville plaisanta ses enfans fur leur poltronnerie, & leur demanda de quoi ils avoient eu peur. Ils ne le savoient pas eux-mêmes; car ils étoient accoutumés dès le berceau à ne pas s'effrayer de l'obfcurité, parce qu'on les y avoit laiffés quelquefois seuls pour les aguerrir, & qu'il avoit été expreffément défendu à tous les domeftiques de leur faire de ridicules histoires de spectres & de re

venans.

La conversation générale, détournée de fon premier sujet, vint à rouler fur ce point; & l'on examina d'où pouvoit provenir la frayeur dont les enfans font ordinairement saisis dans les ténebres.

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C'est un effet naturel des ténebres elles-mêmes, dit M. de Vermont. Comme ils ne peuvent diftinguer avec justesse les objets qui les environnent, l'imagination qui ne demande que du merveilleux, les leur présente sous des formes extraordinaires, les grossissant ou les rappetissant à son gré. Alors le sentiment de leur foiblesse leur perfuade qu'ils ne peuvent résister à ces monftres chimériques. La terreur s'empare de leurs esprits, & les frappe d'impreffions quelquefois mortelles.

Ils feroient bien honteux, dit M. de Fréville, s'ils voyoient au

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