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retraite et l'éloignement des affaires, les purifications et les bains, afin d'avoir communication avec leurs esprits le jour de la cérémonie, comme si ces esprits étaient présents. L'auteur ajoute que les Chinois offrent le sang et le poil des animaux, et qu'ils avertissent avant la cérémonie les esprits des défunts, condition nécessaire au sacrifice. Le prélat reconnaît qu'ils conservent dans leurs maisons les tablettes des ancêtres; qu'ils les visitent tous les jours, qu'ils leur font des salutations profondes, qu'ils leur rendent compte de leurs affaires; que, lorsqu'un enfant leur est né ou qu'ils veulent marier leurs filles, ils en donnent avis à leurs parents défunts; qu'ils font servir des viandes devant leurs tablettes le premier et le cinquième jour de la lune. Enfin, Lopez ne nie pas qu'au moment de ces offrandes les Chinois ne fassent des prières et ne rendent des actions de grâces aux esprits, afin que ceux-ci leur procurent du bien et détournent d'eux toute sorte de mal.

Grégoire Lopez partage dans son écrit les Chinois en trois classes: 1° celle des lettrés du premier ordre; 2o celle des lettrés ordinaires, des fonctionnaires et des bourgeois; 3° celle du peuple et des ignorants. Il dit que quelques-uns des lettrés du premier ordre n'admettent point les erreurs qui sont mêlées aux cérémonies en l'honneur des ancêtres ni la présence des âmes des morts dans les tablettes, mais que d'autres adoptent toutes ces erreurs, persuadés que les ancêtres défunts ont plus de pouvoir qu'ils n'en avaient durant leur vie ; qu'ils peuvent faire du bien à leurs familles et en détourner les maux, qu'ils sont présents dans les tablettes pour jouir des offrandes qu'on leur

fait, que cette croyance est établie depuis deux mille ans, et que les commentateurs ont expliqué le texte des livres classiques dans ce sens, quoique les passages cités ne soient pas formels ni tout-à-fait clairs. Le prélat en dit aut ant des lettrés de la seconde classe; et il avoue que presque toutes les personnes qu'il a rangées dans la troisième catégorie partagent ces er

reurs.

L'évêque de Basilée ne pouvait sans doute ignorer quelles étaient les cérémonies usitées dans sa nation; on doit donc supposer qu'il était plus instruit qu'un autre de tout ce qui regarde le fait. Mais, comme il n'avait jamais été habile théologien, on n'en saurait dire autant du droit. C'est pourquoi, après avoir parlé des offrandes faites à Confucius et de la manière dont on se préparait à la cérémonie, il se contente de dire que « tout cela paraît d'abord passer les « bornes des honneurs civils et paraît être supersti<< tieux. » Les plus savants d'entre les Dominicains, qu'un long exercice du saint ministère en Chine avait mis à même d'être instruits avec exactitude de ce qui s'y pratiquait, pensaient et parlaient tout autrement.

Grégoire Lopez, dont nous avons dû exposer les sentiments sur la question des rites, fit avec le même zèle et les mêmes succès, pendant les cinq ou six dernières années de sa vie, ce qu'on l'avait vu faire avec tant d'édification durant trente années, avant sa promotion à l'épiscopat. Les regrets des missionnaires de tous les ordres éclatèrent à sa mort, arrivée à Nan-King en 1687. Voici ce qu'en a écrit un évêque franciscain qui l'avait connu particulièrement : « Après une longue infirmité et une patience admirable, est mort sain

tement le très-illustre seigneur frère Grégoire Lopez, évêque de Basilée et vicaire apostolique. On ne saurait représenter en peu de mots ses grands travaux ni les grands services dont toute cette mission lui est redevable, non plús que soh fidèle attachement au saint ordre des Frères-Prêcheurs, dont il faisait depuis longtemps profession. Nous devons, à la vérité, nous réjouir dans le Seigneur de ce que le ciel a déjà couronné cet évêque, le premier de sa nation, prélat dont on aura peine à trouver le semblable dans l'esde plusieurs siècles et qui a été encore plus utile à sa patrie après sa mort qu'il ne l'avait été pendant sa vie. Je ne puis cependant ne pas m'affliger de ce qu'il nous a été ravi dans un temps où la vigne du Seigneur semblait avoir le plus besoin d'un homme comme lui. Il est juste de penser que Dieu l'a glorifié dans le ciel. Pour moi, je ne saurais trop honorer sa mémoire, et je ne doute pas que tous les missionnaires ou plutôt tous les chrétiens ne conservent à jamais les mêmes sentiments de vénération (1)..... »

pace

(1) Touron, Histoire des hommes illustres de l'ordre de Saint-Dominique, t. V, p. 599.

CHAPITRE IV.

I. Les missionnaires français sont reçus par l'empereur.

du palais impérial. Portrait de Khang-Hi.

Description

- Deux missionnaires

- II. Pre

sont attachés à la cour et trois envoyés dans les provinces. mières relations des Moscovites avec les Sibériens. Les Moscovites envahissent la Sibérie jusqu'aux frontières des Tartares Mantchous.— Contestations entre les deux peuples. Ambassade chinoise en Sibérie.-Le P. Gerbillon négocie le traité de paix de Niptchou.-III. L'empereur étudie les sciences de l'Europe avec les Jésuites. - Persécution. Proclamation d'un vice-roi.

les tribunaux. V. Le prince Sosan se Redoublement de persécution.

res.

IV. Le P. Intorcetta devant déclare pour les missionnaiHéroïsme d'un médecin. Khang-Hi se Requête présentée à l'empereur par les

VI. Les missionnaires ont recours à l'empereur.

montre peu favorable.

missionnaires.

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I.

Lorsque les missionnaires français étaient arrivés à Péking, ils n'avaient pu se mettre en rapport avec les mandarins ni être présentés à l'empereur, parce que la cour et la mission se trouvaient également en deuil par la mort presque simultanée de l'impératrice mère et du P. Verbiest. On sait qu'en ces circonstances il est rigoureusement interdit par les rites de faire ou de recevoir des visites pendant un certain nombre de jours. Aussitôt que le deuil impérial fixé par la loi eut cessé, Khang-Hi envoya un officier du palais à la mission pour voir les cinq missionnaires nouvelle

ment arrivés et leur adresser diverses questions. Il est curieux de voir combien à cette époque l'empereur de la Chine était peu indifférent, grâce à l'influence des missionnaires, aux événements de l'Europe. Nonseulement il aimait à se tenir au courant de ce qui se passait dans les royaumes de l'Occident, mais encore il se préoccupait volontiers de l'opinion que les souverains étrangers pouvaient avoir des succès militaires et de la gloire du Fils du Ciel.

L'officier du palais impérial demanda aux missionnaires ce qu'on pensait en France des voyages militaires et scientifiques de l'empereur en Tartarie; de la longue guerre qu'il avait soutenue contre Ou-SangKoui et des nombreuses victoires qui avaient amené l'entière pacification de l'empire. Il demanda aussi dans quel état ils avaient laissé les sciences en Europe; si elles étaient en progrès, s'il y avait eu quelque invention nouvelle ou quelque découverte imporlante. Durant cette conversation les missionnaires français ne manquèrent pas, sans doute, d'exalter avec patriotisme la France et Louis XIV; car, peu de jours après, le même officier retourna à la mission par ordre de l'empereur, qui désirait avoir des explications sur la guerre de Hollande et sur le fameux passage du Rhin. Tout ce qu'on lui en avait dit lui paraissait incroyable. Il pensait que peut-être ce fleuve était moins large, moins profond, moins rapide qu'on le disait, ou que peut-être aussi les Hollandais avaient eu leurs raisons pour ne pas s'opposer avec vigueur au passage des Français.

Le P. Le Comte, qui nous a conservé ces détails intéressants, fait voir dans sa relation combien, à cette

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