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<«<< dans toute la pureté avec laquelle le siége aposto<«<lique les leur a transmises. Cette grâce ne leur << manquera pas s'ils sont disposés à défendre la religion par l'effusion de leur sang, à l'exemple des << saints apôtres et des autres grands défenseurs de << la foi chrétienne, dont la mort, loin d'arrêter ou « de retarder les progrès de l'Évangile, ne fit au <«< contraire que rendre la vigne du Seigneur plus flo<< rissante et la moisson des âmes plus abondante. De <«< notre côté, autant qu'il dépend de nous, nous supplions Dieu de leur donner cette force d'âme que << rien n'abat et la puissance du zèle apostolique. << Enfin nous leur rappellerons à la mémoire qu'en << se destinant à l'œuvre sainte des missions ils doi<< vent se regarder comme de vrais disciples de Jé<< sus-Christ, envoyés par lui non à la recherche des joies temporelles, mais à de grands combats; non << aux honneurs, mais à l'ignominie; non à l'oisiveté, << mais au travail; non au repos, mais à la pénible << tâche de produire beaucoup de fruit par la patience (1)...

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Cet éloquent appel aux sentiments apostoliques des prédicateurs de l'Évangile se trouve dans la célèbre bulle Ex quo singulari, par laquelle Benoît XIV termina enfin cette controverse à jamais mémorable par les maux qu'elle a occasionnés non-seulement dans les missions, mais encore dans l'Église tout entière. On en tira un grand parti, dit monseigneur Luquet, pour décrier des religieux respectables, qui purent commettre des erreurs et quelques-uns même se

(1) Ben. XIV, Bull., p. 203.

T. III.

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rendre coupables d'une résistance inexcusable aux ordres du souverain pontife sans que pour cela on ait eu le droit d'attaquer le corps entier avec la violence et la passion que les partis y ont mises (1).

Benoît XIV, après avoir fait dans sa bulle l'historique de la controverse, à partir des décrets de 1645, rapporte en entier celui de 1710, rendu pour confirmer le mandement du cardinal de Tournon; il donne également la constitution de Clément XI en 1715, le mandement de monseigneur de Mezzabarba avec les huit permissions, enfin le bref de Clément XII qui annule les lettres pastorales de l'évêque de Péking. Cette bulle fut envoyée immédiatement dans les missions, où elle éprouva encore quelques obstacles avant d'être reçue par certains missionnaires partisans des cérémonies. Mais enfin le pontife acheva d'écarter, par un bref adressé à l'évêque de Péking, tous les prétextes qu'on pouvait opposer à l'exécution des constitutions apostoliques, dont il démontrait dans cette pièce la convenance et la nécessité. Dans ce bref Benoît XIV répond à quelques observations du prélat au sujet des cérémonies, l'engage à observer les décrets pontificaux avec la plus grande fidélité. Il lui montre aussi que les raisons de convenance alléguées contre l'opportunité de ces décisions n'étaient pas suffisantes quand il s'agissait de pratiques évidemment idolâtriques. Enfin il lui fait voir que des décrets aussi nécessaires et aussi convenables ne pouvaient pas nuire, comme on le prétendait, au maintien et à la propagation de notre sainte foi dans les provinces

(1) Lettres à monseigneur l'évêque de Langres, p. 177.

de la Chine. C'est ainsi qu'on est enfin parvenu à faire de la bulle Ex quo singulari la règle invariable et uniforme sur laquelle tous les missionnaires doivent maintenant baser leur conduite et dont ils jurent solennellement de maintenir l'observation.

«<< Que si maintenant, dit l'évêque d'Hésebon, nous jetons un coup d'œil sur toute cette longue suite de discussions dont l'Église eut tant à gémir, nous y trouverons un exemple déplorable de ce que peut la faiblesse humaine, lors même qu'elle agit dans les vues les plus droites et guidée par les intentions les plus pures. Nous voyons, en effet, les missionnaires de la Compagnie de Jésus, après être partis d'un principe que nous serons toujours disposé à adopter toutes les fois que la conscience pourra nous le permettre ; nous voyons, dis-je, ces grands missionnaires tomber dans des erreurs dont les suites furent si funestes par suite de l'opiniâtreté avec laquelle ils les ont défendues. Mais voici une considération qui peut leur servir en quelque manière d'excuse dans cette conduite. Nous croyons que, s'ils fussent restés seuls à la Chine, ou que les autres missionnaires eussent pu adopter leur pratique à cet égard, il eût été possible, dans un temps plus ou moins rapproché, de faire perdre aux cérémonies contestées le caractère superstitieux qu'on leur reprochait. Ainsi, en tolérant pour un temps un mal purement matériel, et alors seulement probable, on aurait ménagé les esprits et fait faire par ce moyen des progrès plus rapides à notre sainte religion dans ces contrées. Telles étaient certainement les vues des missionnaires de la Compagnie de Jésus. S'ils se trompaient en cela, du moins ne pouvait-on

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LÉGATION DE MONSEIGNEUR DE MEZZABARBA.

leur reprocher aucune mauvaise intention, et c'est là un fait qu'il est important de rétablir, parce qu'on l'a trop souvent méconnu.

<< Nous le confessons de nouveau, les Jésuites cherchèrent trop longtemps à éluder les décrets des souverains pontifes, dans un moment surtout où il eût été si glorieux pour leur compagnie de donner au monde un exemple dont l'Église avait alors le plus grand besoin. Mais nous disons aussi que, dès l'instant où le jugement solennel fut rendu de manière à ne plus laisser aucun doute, ils obéirent fidèlement et avec courage. Leurs convictions personnelles cédèrent à la toute-puissante autorité en face de laquelle toute intelligence humaine doit s'incliner et toute volonté se tracer des bornes qu'elle ne doit jamais franchir. Malgré les suites qu'ils prévoyaient pour la religion et pour eux en particulier, ils se soumirent et donnèrent ainsi une nouvelle preuve d'une vérité constamment vérifiée dans tous les temps, que la Compagnie de Jésus, forte des lumières et des vertus de ses membres, pourra quelquefois lutter contre les plus sublimes puissances de ce monde, en présence de qui elle se tiendra toujours dans les limites d'une défense juste et courageuse, mais en même temps qu'elle saura toujours se soumettre lorsque la voix de Dieu aura parlé par l'organe de son représentant sur la terre (1). »

(1) Luquet, etc., p. 180.

CHAPITRE VIII.

I. Malheureux résultat de la division des missionnaires.- Noblesse chi

noise. Les princes du sang. Leur organisation.

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II. Le prince Sourmia.

Tribunal tartare. Mœurs des princes à ceinture jaune. Un lettré dans la famille Sourmia. Il découvre des livres chrétiens. Ses relations avec le célèbre P. Parennin. - III. Le dixième fils de Sourmia accompagne à la guerre l'héritier de l'empire. - Avant son départ il se fait baptiser sous le nom de Paul. - II évangélise ses compagnons d'armes. - Baptême du prince Jean avec toute sa famille. Préface d'un livre chinois. - IV. Colère du vieux prince Sourmia à la vue des nombreuses conversions dans sa famille. - Le prince Paul se consacre à l'œuvre du baptême des petits enfants. Les fils de Sourmia travaillent à la conversion de leur père. - V. Mort de l'empereur Khang-Hi. Son testament. VI. Coup d'œil sur le règne de Khang-Hi. - Khang-Hi et Louis XIV.

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I.

Les discussions qui divisèrent si longtemps les prédicateurs de l'Évangile dans l'empire chinois furent, il faut en convenir, bien plus préjudiciables aux succès de la propagation de la foi que les persécutions les plus violentes des mandarins. Dans les pays qui ne sont pas encore convertis au christianisme ce qui fait principalement la force et l'influence des néophytes, c'est l'union et la concorde qu'on voit régner parmi eux. Les infidèles sont moins touchés des raisonnements et des dissertations théologiques qu'on

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