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qu'auront donc dû

crime irrémissible à la Chine produire une habitude continuelle d'opposition à ses désirs et un manque soutenu de complaisance. Nous avons pu empêcher quelquefois les mécontements du prince d'éclater; mais l'avons-nous pu toujours ? Ce que nous avons obtenu par un effort de crédit, c'est que la libéralité du prince ne manquât jamais à M. de Tournon et qu'il fût reconduit de Péking aux frais de la cour comme il avait été défrayé en venant ici de Canton.

II.

CONSTITUTION

DE NOTRE SAINT-PÈRE LE PAPE CLÉMENT XI

AU SUJET DES CÉRÉMONIES CHINOISES.

Depuis que par la providence de Dieu, sans aucun mérite de notre part, nous avons pris le gouvernement de l'Église catholique, c'est-à-dire une charge qui par sa vaste étendue est d'un poids immense, nous n'avons rien eu tant à cœur, dans l'application que nous avons donnée à nos devoirs, que de décider avec une sagesse convenable et par l'exacte sévérité d'un jugement apostolique les vives contestations qui se sont élevées il y a longtemps dans l'empire de la Chine entre les prédicateurs de l'Évangile, et qui n'ont fait que croître et s'échauffer tous les jours de plus en plus, tant à l'égard de quelques termes chinois dont on se servait pour exprimer le saint et ineffable nom de Dieu que par rapport à certains cultes ou certaines cérémonies de la nation

que quelques missionnaires rejetaient comme superstitieuses, pendant que d'autres les permettaient comme les croyant purement civiles, afin que, toutes les dissensions qui troublaient et qui interrompaient la propagation de la religion chrétienne et de la foi catholique étant ôtées, tous eussent le même sentiment et parlassent le même langage, et qu'ainsi Dieu fût glorifié dans une parfaite conformité de pensées et de paroles par ceux qui sont sanctifiés en Jésus-Christ. C'est dans ce dessein que, dès le 20 de novembre de l'année 1704, nous confirmâmes et approuvâmes par l'autorité apostolique les réponses que la congrégation de nos vénérables frères les cardinaux de la sainte Église Romaine, commis et députés par la même autorité dans toute la république chrétienne en qualité d'inquisiteurs généraux contre l'hérésie, donna sur diverses questions qui avaient été agitées touchant la même affaire de la Chine, après un long examen commencé sous le pontificat de notre prédécesseur Innocent XII, d'heureuse mémoire, et après avoir entendu les raisons des deux parties aussi bien que les sentiments d'un grand nombre de théologiens et de qualificateurs.

Or, les décisions portées dans ces réponses sont celles qui suivent: Que, comme dans la Chine on ne peut pas signifier d'une manière convenable le Dieu trèsbon et très-grand par les noms qu'on lui donne en Europe, il faut se servir, pour exprimer le vrai Dieu, du mot Tien-Tchou, qui veut dire le Seigneur du Ciel et qu'on sait être depuis longtemps reçu et approuvé par l'usage des missionnaires et des fidèles de la Chine, mais qu'il faut rejeter absolument les

noms Tien, ciel, et Xang-Ti, souverain empereur. Que pour cette raison il ne faut pas permettre qu'on expose dans les églises des chrétiens les tableaux avec l'inscription chinoise King-Tien, adorez le ciel, ni qu'on y garde à l'avenir ceux qui y sont déjà exposés. Qu'il ne peut non plus en aucune manière ni pour quelque cause que ce soit être permis aux chrétiens de présider, de servir en qualité de ministres, ni d'assister aux sacrifices solennels ou oblations qui ont coutume de se faire à Confucius et aux ancêtres, dans le temps de chaque équinoxe de l'année, comme étant imbus de superstition. Que de même il ne faut point permettre que dans les édifices de Confucius les chrétiens exercent les cérémonies, rendent les cultes et fassent les oblations qui se pratiquent en l'honneur de Confucius, soit chaque mois, à la nouvelle et à la pleine lune, par les mandarins ou les principaux magistrats et autres officiers et lettrés, soit par les mêmes mandarins ou gouverneurs et magistrats, avant que de prendre 'possession de leur dignité; et enfin, par les lettrés qui, étant reçus aux degrés, se transportent sur le champ, dans le temple ou édifice de Confucius.

Que, de plus, il ne faut pas permettre aux chrétiens de faire les oblations moins solennelles à leurs ancêtres dans les temples ou édifices qui leur sont dédiés, ni d'y servir en qualité de ministres ou de quelque autre manière que ce soit, ni d'y rendre d'autres cultes ou faire d'autres cérémonies.

Qu'on ne doit point encore permettre aux chrétiens de pratiquer ces sortes d'oblations, de cultes et de cérémonies en présence des petits tableaux des an

cêtres, dans les maisons particulières, ni à leurs tombeaux, ni avant que d'enterrer les morts de la manière qu'on a coutume de les pratiquer en leur honneur, soit conjointement avec les gentils, soit séparément, ni d'y servir en qualité de ministres, ni d'y assister. A quoi faut il ajouter que, comme, après avoir pesé de part et d'autre et examiné avec soin et avec maturité tout ce qui se passe dans toutes ces cérémonies, on a trouvé qu'elles se font de manière qu'on ne peut les séparer de la superstition, on ne doit pas les permettre à ceux qui font profession de la religion chrétienne, même en faisant une protestation publique ou secrète qu'ils ne les pratiquent point à l'égard des morts par un culte religieux, mais seulement par un culte civil et politique, et qu'ils ne leur demandent rien ni qu'ils n'en espèrent rien. Que néanmoins par ces décisions on ne prétend pas condamner la présence ou l'assistance purement matérielle selon laquelle il arrive quelquefois aux chrétiens de se trouver avec les gentils lorsqu'ils font des choses superstitieuses, pourvu qu'il n'y ait de la part des fidèles aucune approbation ni expresse ni tacite de ce qui se passe et qu'ils n'y exercent aucun ministère, lorsqu'on ne peut autrement éviter les haines et les inimitiés, après avoir fait toutefois, s'il se peut commodément, une protestation de foi et hors de tout péril de subversion. Qu'enfin on ne doit point permettre aux chrétiens de garder dans leurs maisons particulières les petits tableaux de leurs parents morts, suivant la coutume de ces pays-là, c'est-à-dire avec une inscription chinoise qui signifie le trône ou le siége de l'esprit ou de l'âme d'un tel,

non plus qu'avec une autre inscription qui marque simplement le siége ou le trône, et qui, pour être plus abrégée que la première, ne paraît néanmoins signifier que la même chose. Qu'à l'égard des petits tableaux où le nom seul du défunt serait écrit, on peut en tolérer l'usage, pourvu qu'on n'y mette rien qui ressente la superstition et qu'ils ne donnent point de scandale, c'est-à-dire pourvu que les Chinois qui ne sont pas encore chrétiens ne puissent pas croire que ceux qui le sont gardent ces petits tableaux dans le même esprit que les païens, et ajoutant de plus à côté une déclaration qui fasse entendre quelle est la foi des chrétiens à l'égard des morts et quelle doit être la piété des enfants et des descendants envers leurs ancêtres.

Que néanmoins on ne prétend pas, par tout ce qui vient d'être dit, défendre de faire à l'égard des morts d'autres choses, s'il y en a quelques-unes que ces peuples aient coutume de faire qui ne soient point superstitieuses et qui n'aient point l'apparence de superstition, mais qui soient renfermées dans les bornes des cérémonies civiles et politiques. Or, pour savoir quelles sont ces choses et avec quelle précaution elles peuvent être tolérées, il faut s'en rapporter au jugement tant du commissaire et visiteur général du saint-siége qui sera pour lors dans la Chine ou de celui qui tiendra sa place que des évêques et des vicaires apostoliques de ces pays-là, qui, de leur part, seront obligés d'apporter tout le soin et toute la diligence possible pour introduire peu à peu parmi les chrétiens et mettre en usage les cerémonies que l'Église catholique a pieusement prescrites pour les morts, en ôtant tout à fait les cérémonies païennes.

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