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Dévoile la brillante image
De ce trône que vous parez.
Dans tous les climats honorés
De l'éclat de votre apanage,
En vain, grand roi, vous desirez
Échapper au public hommage;
En vain sous un nom emprunté
L'ineffaçable majesté

Veut se voiler et disparoître;
L'auguste et tendre humanité,
Les graces, l'affabilité,

Vous font aisément reconnoître,
Et d'un peuple toujours vanté
Nomment l'ornement et le maître.
Vers de nombreuses régions,
Guidé par les heureux rayons
Du sentiment qui vous inspire,
Au vrai livre des nations

Votre génie a voulu lire

Ces traits premiers, sûrs, et profonds, Que tant de dissertations

N'ont pu que foiblement décrire.

Malgré les beaux raisonnements
De tant de rêveurs à systême
Qui prônent en longs arguments
Que l'homme par-tout est le même,
Tous les peuples sont différents;
Chaque climat a ses nuances:

Vos regards sûrs et pénétrants
En saisissent les différences.

Il n'est qu'un point dans ce moment
Qui les égale et les rallie;

Oui, ces contrastes de génie,
Et d'opinions, et de goûts,
Prince aimable, s'éclipsent tous
Quand on vous voit paroître et plaire;
Et par-tout, ainsi que chez nous,
Tous les peuples n'auront pour vous
Qu'un suffrage et qu'un caractere.

ÉPITRE X.

AU ROI DE PRUSSE.

Du trône et des plaisirs voler à la victoire,
Par soi-même asservir des peuples belliqueux;
Au sein de la puissance, au faîte de la gloire,
Penser en homme vertueux;

Aux arts anéantis donner un nouvel être,
Les protéger en roi, les embellir en maître;
Éclairer les mortels, et faire des heureux;
Aux jours de gloire et de génie
Des Césars et des Antonins

C'étoit l'ouvrage de la vie,

Et les destins divers de divers souverains:
Mais le héros nouveau de l'Europe étonnée
Sait faire des vertus, des talents, des travaux
De tant de différents héros,

L'histoire d'un seul homme, et celle d'une année.

ÉPITRE XI.

L'ABBAYE.

A M. LE CHEVALIER DE CHAUVELIN, alors à l'armée de Westphalie,

SUR L'ÉLECTION D'UN MOINE ABBÉ.

Facit indignatio versum. Juv.

D'UNE taverne monacale,

Où tout fermente en ce moment

Pour la patente abbatiale

Et le premier bât du couvent,
Très indifférent que l'on nomme
Don Luc, don Priape, ou don Côme,
Rempli d'un plus cher souvenir,
Dans la longue mélancolie
De ta fangeuse Westphalie,
Ami, je viens t'entretenir;
Et, malgré les ennuis extrêmes
Où tes beaux jours sont arrêtés,
Mon amitié dans ces lieux mêmes

Voit le plaisir à tes côtés.

Tandis que de l'urne fatale
Va sortir le destin brillant
De l'automate révérend
Que prétend mitrer sa cabale
Pour s'enivrer impunément
Sous sa crapule pastorale;
Échappé de la pesanteur
Des moines au ton flagorneur,
Aux maussades cérémonies,
Et délivré de la longueur
De leurs assommantes orgies,
Je parcours ces bois, ces prairies,
Dont on va nommer le seigneur.
Oh! qu'ici de l'erreur commune
Mon cœur moins que jamais épris,
Des miseres de la fortune
Conçoit aisément le mépris!
Quoi! ces vergers, ces belles plaines,
Ces ruisseaux, ces prés, ces étangs,
Ces forêts de l'âge des temps,
Ces riches et vastes domaines,
Tout sera dans quelques instants,
A qui?... Charmante solitude,
Séjour fait pour n'être habité,
Que par l'heureuse liberté,
L'amitié, l'amour, et l'étude,
La sagesse, et la volupté,

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