Maudissant leurs efforts stériles, Dépérissent dans la douleur! Ils craignent le titre de pere, N'ayant à laisser que des pleurs Aux héritiers de leurs malheurs; Ils te privent dans leur misere D'un peuple de cultivateurs, De tes biens le plus nécessaire. Ami, je devine aisément Que, pour dérider la morale De ce sérieux argument,
Tu me réponds en ce moment Que, sans le sceau du sacrement Et de la couche nuptiale, A l'état ordinairement On voit l'espece monacale Fournir aussi son contingent: Je le sais; mais dis-moi toi-même Que servent au bien de l'état Ces fruits impurs du célibat Nés dans l'opprobre et l'anathême ? Quels sont les monuments honteux De tous ces sacrés adulteres? Des fils plus vils, plus paresseux, Et plus abrutis que leurs peres. A l'aspect de leurs biens nombreux, Si l'on pouvoit sans injustice Se consoler de voir ces lieux
Livrés par nos simples aïeux A l'héréditaire avarice De ces possesseurs odieux, On seroit consolé sans doute De les voir vivre sans jouir, Sans sentiment et sans plaisir : Tout s'anéantit sur leur route;
Sous leurs mains tout vient se flétrir. En vain ces asiles champêtres
Ne demandent qu'à s'embellir,
Leur sauvage état peint leurs maîtres. Ah! que dans ces lieux enchantés, Mais où les pas de l'Ignorance Sont imprimés de tous côtés, Le Goût, l'heureuse Intelligence, Pourroient ajouter de beautés! La nature sur ces rivages Répandant ses dons au hasard, Y semble encore inviter l'art A la servir dans ses ouvrages. A travers ces vastes forêts Quelle scene, quelle étendue, Si de tous ces chênes épais Qui vont se perdre dans la nue Perçant, divisant les sommets, On laissoit errer notre vue!! Vingt sources des plus vives eaux Qui descendent de ces montagnes
Jailliroient au sein des campagnes, Si par de faciles canaux
L'art en rassembloit les ruisseaux : En desséchant ces marécages D'où sortent d'épaisses vapeurs, Un gazon couronné de fleurs Enrichiroit ces pâturages, Et d'un air sain et sans nuages Tout respireroit les douceurs. Mais, grace à l'ame avare et dure De ces possesseurs abrutis, Les plus beaux dons de la nature Sont dégradés, anéantis, Par-tout où gît leur race obscure. Pour l'honneur de l'humanité,
Malgré cet empire durable Des erreurs que l'antiquité Marque de son sceau vénérable, J'ose croire qu'un temps viendra Où tant de richesses oisives, Que le monachisme enterra, Cesseront de rester captives, Et qu'on reverra de ces biens Couler enfin les sources vives Sur les utiles citoyens.
O toi, l'arbitre de mes rimes, Ami d'Homere et de Platon, De ces lumineuses maximes
Tu ne peux qu'approuver le ton: Un bigot y verra des crimes; Tu n'y verras que la raison. Tu sais qu'à la religion Toujours sincèrement fidele, Rempli de respect et de zele, Je briserois tous mes pinceaux Plutôt que d'offrir des tableaux Indignes de l'honneur et d'elle. Eh! qu'ai-je en effet prétendu? Je n'attaque point les asiles Où le Savoir et la Vertu Ont réuni leurs domiciles. Que l'intérêt de l'univers, Que l'estime de tous les âges, Conservent dans leurs avantages Ces établissements divers A qui la patrie illustrée
Doit Bourdaloue et Massillon, Calmet, Sanlecque, Mabillon, Malbranche, Vaniere, et Porée; C'est de ces temples permanents, Dépôts sacrés et vénérables, Que toujours les doctes talents, Les sciences, les monuments, Les lumieres inaltérables, Et quelquefois les dons brillants Du génie et des arts aimables
Se transmettront à tous les temps:
Qu'ils vivent! qu'au bien de la France Concourant sans division,
Ils mettent tous d'intelligence
Une barriere à l'ignorance, Un frein à l'irréligion!
Mais pour toutes ces abbayes, Ces ruineuses colonies,
Que sous les belgiques climats Nous rencontrons à chaque pas, Gouffre où des êtres inutiles Entassent de leurs mains stériles Tant de biens qui n'en sortent pas; Quand verrai-je une loi nouvelle, Appliquant mieux leur revenu, En ordonner sur le modele D'un apologue que j'ai lu ?
Dans je ne sais quelle contrée, Au temps du monde encor païen, Un peuple (le nom n'y fait rien), Voyant diminuer son bien Par une disgrace ignorée, D'un dieu de la voûte azurée Un jour réclama le soutien. En vain l'active Vigilance, Tous les Travaux et tous les Arts Avoient tout fait d'intelligence
Pour ramener de toutes parts
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