Vous le trouverez enterré.
O vous donc qui vivez encore, Vous, le dernier de ces Romains, De vos jours rendus plus sereins N'obscurcissez aucune aurore Dans l'antre noir où le Chagrin, Parmi Lactée et Métrodore, Et Fonseque et Cassiodore, Tient les Ennuis en marroquin: A vos amis toujours aimable, Toujours vertueux et charmant, Dédaignant la voix misérable De cette envie inaltérable Du délateur et du pédant, Vivez; et si, chemin faisant, Vous passez jusqu'au manoir sombre Où gît Brumoi, loin des vivants,
En mon nom offrez à son ombre
Des fleurs, ces vers, et mon encens.
ET DE CHAULNES,
A L'ARMÉE DE FLANDRE. 1747.
que la nature entiere Rappeloit pour la rajeunir,
Ce printemps, qui dans sa carriere Devroit ne voir que le plaisir,
Vient donc de rouvrir la barriere Des fureurs et du repentir
A l'extravagance guerriere! Quand Vénus, Vertumne, Zéphyr, La Volupté, que tout respire, Et qui réveille l'univers, Devroient n'offrir que les concerts De la musette et de la lyre, La trompette trouble les airs; Et l'Amour s'alarme et soupire
En voyant sortir des enfers Des cyprès, des lauriers, des fers, La Mort, la Gloire, et le Délire. Ces masses de bronze et d'airain, Où l'art sinistre de la guerre Renferme les feux du tonnerre, Déja sur leur affreux chemin Écrasent dans le sein de Flore Les myrtes, les roses, le thym, Qu'un ciel plus doux faisoit éclore. Déja le laboureur déplore
Ses sillons foulés et détruits. Au lieu des plantes et des fruits Dont elle alloit être parée, La terre aride et déchirée Se couvre d'un horrible amas De tentes, d'armes, de soldats; Et cette mere languissante Gémit en voyant ses enfants Étouffer la moisson naissante Pour se creuser des monuments.
O vous qu'à regret j'envisage
Dans ces dangers et ces travaux, Vous qui les cherchez en héros, Et les voyez des yeux du sage, Quand reverrai-je l'heureux temps Où, la paix calmant les ravages, Et laissant vivre les vivants,
Vous reviendrez sur nos rivages Cueillir les fleurs de vingt printemps, Et partager sous nos ombrages Le sort sensé des bonnes gens, Loin des querelles d'Allemands, Des pandoures antropophages, Et tels autres mauvais plaisants! Hâtez-vous sous l'astre propice D'un roi que suivent constamment L'Amour, la Victoire, et Maurice: Consommez l'asservissement
De ces fiers et foibles Bataves Qui, craignant leur dernier moment, Viennent tumultuairement
De se redonner des entraves
Proscrites solennellement
Par leurs ancêtres moins esclaves; A notre destin immortel Ramenez ces moments illustrés, Ces conquêtes dont le Texel
Tremble encore après quinze lustres. Quel boulevard résistera
Au vainqueur qui le redemande? Le même Mars regne, commande;
Le même sort obéira.
Sur les remparts de la Hollande Allez, arborez la guirlande
Des lis qu'ils ont portés déja;
Et ramenez à l'opéra
Les présidentes de Zélande
Et les baronnes de Bréda;
Afin que, si l'effroi, la haine, Ou le vain désespoir entraîne Les époux à Batavia,
On puisse, comme il conviendra, Consoler la haute puissance De leurs veuves pendant l'absence; Et que jonquille et nacara Fassent les honneurs de la France A la sotte qui les prendra.
Mais quelle vaine et chere image M'entretient déja du retour, Quand nous sommes si loin du jour Qui doit finir votre esclavage? Jusque-là quel affreux tourment! Quel vuide! quel désœuvrement! Que d'ennui, qu'en vain on évite, Et qu'on retrouve à tout moment, Vous attend, vous suit, vous agite! Que le camp le plus triomphant Pese au vrai sage qui l'habite!. Au milieu des sots embarras, Des longs dîners et du fracas De tant de gens braves et plats Que l'éternelle Flandre assemble, Je ne vous plaindrai pourtant pas,
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