Si commune aux peuples divers Qui régnerent avant la France Sur les arts et sur l'univers, Verrions-nous dans notre indigence Le vil intérêt, l'ignorance, Prévenir les efforts des ans, Et de nos embellissements Précipiter la décadence
Dans ces mêmes jours si brillants Où l'heureuse Paix, l'Abondance, Et tous les Plaisirs renaissants, Vont ranimer d'intelligence Tous les arts et tous les talents? Tandis qu'il en est temps encore, Détournez d'odieuses mains, Vous que l'architecture implore Contre leurs efforts inhumains; Qu'échappée aux premiers outrages Qui menacent ses fondements, Cette colonne à tous les âges Transmette d'illustres images De la splendeur de notre temps, Et pour de plus heureux usages Reçoive d'autres ornements:
Car, dans mes craintes pour sa gloire, Je ne regrette point ici L'astrologique observatoire Que Médicis avoit bâti
Pour le chimérique grimoire De Gauric et de Ruggéri; Non, c'est déja trop de l'histoire Pour ces faits dignes de l'oubli, Sans que le ciseau doive aussi En éterniser la mémoire. Qu'illustré, changé, rajeuni, Ce monument soit enrichi Des attributs de la victoire, Et que Lawfelt ou Fontenoi Y gravent l'immortelle gloire Et les travaux du plus grand roi. La colonne qu'Apollodore Jadis érigea pour Trajan
De celle qui nous reste encore Nous dicte l'usage et le plan; Rivale du culte héroïque Dont Rome honora les vertus, Que la COLONNE LODOÏQUE Offre d'aussi justes tributs. Trop étranger dans l'apanage Et du Bramante et du Bernin, Oserai-je de cet ouvrage Ébaucher un foible dessin?
C'est peut-être une rêverie Que ma muse crayonnera; Mais c'est rêver pour la patrie, Et l'objet me justifiera.
Au lieu de la sphere armillaire Que la colonne éleve aux cieux, Plaçons l'image auguste et chere D'un monarque victorieux, Et que ce phare lumineux Au-dessus du rang ordinaire Des monuments de nos aïeux, Sur le bronze et l'or, à nos yeux Présente l'astre tutélaire De tant de triomphes fameux. Et tandis que ce noble hommage, Trophée unique en nos climats, Et digne du goût de notre âge, Peindra les héros des combats, Qu'ailleurs une place immortelle S'éleve au héros de la paix, Monument brillant et fidele
De l'amour, du respect, du zele, Et des talents de ses sujets; Les ministres de Calliope
Y graveront le nom sacré
D'un monarque, heureux, adoré,
Et le bienfaiteur de l'Europe.
Tout est égal après les dieux. Le même jour, la même argile, Nous donna les mêmes aïeux; Et malgré ces tributs honteux D'une dépendance servile, Que l'opinion imbécille Paie à des titres fastueux, Exempte d'un culte hypocrite, La raison ne connoît de rangs Que ceux que donne le mérite, Et de titres que les talents. Sur la liste qu'elle a des hommes Peu de noms se trouvent écrits. Trop souvent les riches lambris N'enferment que de vains fantômes, Le vil objet de ses mépris; Tandis que sous un toit vulgaire, Loin de l'insolence et des grands,
Aux pieds d'un mortel solitaire Elle va porter son encens.
Toi, qu'elle suit et qu'elle éclaire, Toi, qui ne t'es jamais prêté Aux bassesses de l'imposture; Toi, dont l'inflexible droiture N'a jamais encore écouté Que les regles de la nature Et que l'austere vérité; Viens, ami, fuyons les idoles Que fabriqua la vanité:
Convaincus de l'égalité,
Vengeons contre des dieux frivoles
L'injure de l'humanité;
Et, libres d'un hommage infame, Loin de la foule relégués,
Ne distinguons que ceux que l'ame Et les talents ont distingués.
aux yeux Les talents, ce céleste don? Tout en usurpe les hommages, Et tout en profane le nom. Appartient-il ce nom sublime A tous ces arts laborieux Nés du luxe qui les anime, Et du besoin industrieux? Ainsi donc confondus sans cesse, Le hasard, l'instinct et l'adresse,
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