Quelle étrange bizarrerie
Traîna ces stoïques errants, Quj, méconnoissant la patrie, Firent gloire d'en vivre absents? Du nom de citoyens du monde En vain leur secte vagabonde Crut se faire un titre immortel; L'Erreur adora ces faux sages; La Raison, juste en ses hommages, N'encensa jamais leur autel.
Que tout le Lycée en réclame, Je ne connois point pour vertu Un goût par qui je vois de l'ame Le plus cher instinct combattu. S'il faut t'immoler la nature, Je t'abhorre, sagesse 'dure,
A mes yeux tu n'es qu'une erreur: Insensé le mortel sauvage
Qui, pour avoir le nom de sage, Ose cesser d'avoir un cœur!
Bords de la Somme, aimables plaines, Dont m'éloigne un destin jaloux, Que ne puis-je briser les chaînes
Qui me retiennent loin de vous! Que ne puis-je, exempt de contrainte, Échapper de ce labyrinthe
Par un industrieux essor,
Et jouir enfin sans alarmes
D'un séjour où regnent les charmes Et les vertus de l'âge d'or!
DE SAINT-AIGNAN,
Ambassadeur de France à Rome.
UITTE ces bois, Muse bergere, Vole vers une aimable cour:
Tu n'y seras point étrangere,
Tes sœurs habitent ce séjour.
Leur art divin dans les beaux âges Charmoit les plus fiers conquérants: Il est encor l'amour des sages; Mais il n'est plus l'amour des grands.
Art chéri, si Plutus t'exile, Si les cours ignorent ton prix, Il te reste un illustre asile, Un Parnasse à tes favoris.
De tes beautés arbitre juste,
Un héros chérit tes lauriers; Tel Pollion, aux jours d'Auguste, Joignoit le goût aux soins guerriers.
Des chantres vantés d'Ausonie Mécene fut le protecteur;
Mais de leur sublime harmonie Il ne fut point l'imitateur.
L'ami des chantres de la Seine Unit dans un éclat égal Au plaisir d'être leur Mécene Le talent d'être leur rival.
Tu sais, Muse, de quelle grace
Sa lyre anime une chanson; On croit entendre encore Horace, Ou l'élégant Anacréon.
Du Romain il a la justesse, Du Grec l'atticisme charmant; Comme eux il offre la sagesse Sous les attraits de l'enjoûment.
Oseras-tu de ta musette Lui répéter les simples airs? Ose; ta candeur, ta houlette, Excusent tes foibles concerts.
On t'a dit sous quel titre illustre Le Tage autrefois l'admira;
A des succès d'un plus grand lustre Bientôt le Tibre applaudira.
Sur les campagnes de Neptune Tu verras partir ton héros. Si tu peux, sans être importune, Ose lui parler en ces mots :
Digne fils d'un aimable pere, Héritier de ses agréments, Imitateur d'un sage frere*, Héritier de ses sentiments;
Chargé des droits de la couronne, "Allez, montrez dans cet emploi Que, sans être né sur le trône, On peut penser et vivre en roi.
Quand votre esprit tranquille et libre Se permettra quelques loisirs, Aux beaux lieux que baigne le Tibre Je vois quels seront vos plaisirs.
* M. le duc de Beauvilliers, gouverneur des duchés de Bourgogne, d'Anjou, et de Berri.
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