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Ta vaillance commande au destin des conquêtes,

Et ton goût aux plaisirs.

O ciel! quel changement! Nymphe immortelle, arrête!
Quel coup de foudre annonce un orage imprévu!
Tes rayons sont éteints; tout cede à la tempête:
Le jour a disparu.

Aux acclamations des fêtes renaissantes
Quel silence profond fait succéder l'horreur !
Il cesse; le tumulte et des voix gémissantes
Redoublent la terreur.

Quelque fléau subit frappe-t-il la patrie?
Le cri de sa douleur s'éleve dans les airs,
Tel qu'il part d'un vaisseau que les vents en furie
Vont plonger dans les mers.

Une foible lueur a percé les ténebres :

Quel spectacle! quel deuil, citoyens et guerriers!
Tout gémit, tout frissonne, et des ombres funebres
Entourent nos lauriers.

Quel sombre égarement! où court ce peuple en larmes?
Que vois-je! un tombeau s'ouvre; ô douleur! je frémis.
Quel tombeau! je succombe aux plus vives alarmes ;
Il est près de Louis.

Ciel! peux-tu l'ordonner! eh! quels sont donc les crimes
D'un peuple humain, fidele aux vertus comme aux lois,
Pour frapper d'un seul coup cet amas de victimes
Qui t'adresse sa voix?

Occupé de Louis plus que du diadême,
L'État n'offre à mes yeux qu'une famille en pleurs
Près d'un pere expirant, qu'on pleure pour lui-même
Du plus profond des cœurs.

De l'empire des lis tutélaire génie,

Viens, suspends tes lauriers, fruit d'un temps plus serein:
Un siecle de succès nous est moins que la vie
Du plus cher souverain.

Tu veillois sur ses jours quand son ardeur guerriere
Sous les foudres de Mars l'exposoit en soldat;
Sauve ces mêmes jours, le trésor, la lumiere,
Et l'ame de l'état.

O bonheur! quelle aurore a dissipé les ombres?
L'Espérance descend vers ce peuple abattu;

Le plus beau jour succede aux voiles les plus sombres:
Louis nous est rendu!

Respirez, renaissez, provinces alarmées,
Couronnez-vous de fleurs, signalez vos transports;

Employez vos clairons, triomphantes armées,
Aux plus tendres accords.

Pour chanter l'heureux jour qui ranime la France De Pindare ou d'Horace il ne faut point la voix; Le cri d'un peuple heureux est la seule éloquence Qui sait parler des rois.

S'il falloit, ô Destin! cette épreuve cruelle

Pour peindre tout l'amour dans nos cœurs imprimé,
Quel peuple fut jamais plus tendre, plus fidele?
Quel roi fut plus aimé?

Réduits au froid bonheur de l'austere puissance, Les maîtres des humains, au sommet des grandeurs, Ignorent trop souvent quel rang on leur dispense Dans le secret des cœurs.

S'ils savent être aimés, suivis de la Contrainte,
Ont-ils de ce bonheur la douce sûreté?
L'Esclavage, autour d'eux établissant la Feinte,
Chassa la Vérité.

Ainsi, toujours glacés, toujours inaccessibles
Au premier des plaisirs pour qui l'homme est formé,
Ils meurent sans aimer, et sans être sensibles

Au bonheur d'être aimé.

A peine quelques pleurs honorent leur poussiere ;
Leur fin expose au jour les cœurs de leurs sujets:
Le flambeau de la mort est la seule lumiere

Qui ne trompe jamais.

Vous jouissez, grand roi, d'un plus heureux partage;
L'instant qui juge tout, et qui ne flatte rien,
A dévoilé pour vous et l'ame et le langage
De chaque citoyen.

Un bonheur tout nouveau va vous suivre sans cesse, Don plus satisfaisant, plus cher que la grandeur, Pour un roi qui connoît le charme et la tendresse Des sentiments du cœur.

Vous saviez

que dans vous tout respectoit le maître, Que par-tout le héros alloit être admiré:

Goûtez ce bien plus doux, ce bonheur de connoître Que l'homme est adoré.

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X.

SUR LA MÉDIOCRITÉ.

SOUVERAINE de mes pensées,

Tes lois sont-elles éffacées ?

Toi, qui seule régnois sur les premiers mortels,
Dans cette race misérable,

Sur cette terre déplorable,
Heureuse Liberté, n'as-tu donc plus d'autels?

De mille erreurs vils tributaires,

Les cœurs, esclaves volontaires,

Immolent ta douceur à l'espoir des faux biens:
Là je vois des chaînes dorées,

Là d'indignes, là de sacrées;

Par-tout je vois des fers et de tristes liens.

N'est-il plus un cœur vraiment libre

Qui, gardant un juste équilibre,

Vive maître de soi, sans asservir ses jours?
S'il en est, montre-moi ce sage;

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