Lui seul obtiendra mon hommage, Et mon cœur sous sa loi se range pour toujours. Tu m'exauces, nymphe ingénue; Aux bords d'une mer furieuse, Où la Fortune impérieuse Porte et brise à son gré de superbes vaisseaux, Il est un port sûr et tranquille, Qui maintient dans un doux asile Des barques à l'abri du caprice des eaux. Sur ces solitaires rivages D'où l'œil, spectateur des naufrages, S'applaudit en secret de la sécurité; Dans un temple simple et rustique, Ce climat voit régner la Médiocrité. Là, conduite par la Sagesse, Loin des palais bruyants du fastueux Plutus; Tu rassemblas, loin du tumulte, Le vrai, les plaisirs purs, les sinceres vertus. Séduits par d'aveugles idoles, Du bonheur fantômes frivoles, Le vulgaire et les grands ne te suivirent pas: Qui doivent l'estime des âges A la sagesse acquise en marchant sur tes pas. Tu vis naître dans tes retraites Dont la voix n'eût jamais formé de sons brillants, Ou si l'indigence importune Eût troublé leur silence, ou caché leurs talents. Mais en vain tu fuyois la gloire; La Renommée et la Victoire Vinrent dans tes déserts se choisir des héros, Aux vertus, aux faits héroïques, Que parmi la noblesse et l'orgueil des faisceaux. Pour Mars tu formois, loin des villes, Et ces sages vainqueurs, philosophes guerriers, Descendant à l'agriculture, Sur tes secrets autels rapportoient leurs lauriers. Trop heureux, déité paisible, Le mortel sagement sensible Qui jamais loin de toi n'a porté ses desirs! Sauvé de l'humaine folie, Dans la vérité seule il cherche ses plaisirs. Ignoré de la multitude, Libre de toute servitude, Il n'envia jamais les grands biens, les grands noms; Il n'ignore point que la foudre A plus souvent réduit en poudre Le pin des monts altiers, que l'ormeau des vallons. Sourd aux censures populaires, Il ne craint point les yeux vulgaires, Son œil perce au-delà de leur foible horizon; Quelques bruits que la foule en seme, Il est satisfait de lui-même S'il a su mériter l'aveu de la Raison. Il rit du sort, quand les conquêtes Promenent de têtes en têtes Les couronnes du nord, ou celles du midi : Et les derniers instants du monde' N'épouvanteroient point son cœur encor hardi. Amitié, charmante immortelle, Peu d'amis, mais constants, vertueux comme lui : Que l'intérêt les désunisse, Ou verse sur leurs jours les poisons de l'ennui. Ami des frugales demeures, Qui, parmi l'effroi des ténebres, C'est pour ce bonheur légitime Et plus heureux qu'il ne sut l'être C'est par ces vertus pacifiques, Par ces plaisirs philosophiques, Que tu sais, cher R***, remplir d'utiles jours |