En vain les sœurs tâchoient de retenir Son ame errante et son dernier soupir; Ce doux excès hâtant sa destinée, Du tendre amour victime fortunée, Il expira dans le sein du plaisir. On admiroit ses paroles dernieres. Vénus enfin, lui fermant les paupieres, Dans l'Élysée et les sacrés bosquets Le mene au rang des héros perroquets, Près de celui dont l'amant de Corine A pleuré l'ombre et chanté la doctrine. Qui peut narrer combien l'illustre mort Fut regretté? La sœur dépositaire En composa la lettre circulaire
D'où j'ai tiré l'histoire de son sort. Pour le garder à la race future, Son portrait fut tiré d'après nature. Plus d'une main, conduite par l'amour, Sut lui donner une seconde vie Par les couleurs et par la broderie; Et la Douleur, travaillant à son tour, Peignit, broda des larmes à l'entour. On lui rendit tous les honneurs funebres Que l'Hélicon rend aux oiseaux célebres. Au pied d'un myrte on plaça le tombeau Qui couvre encor le Mausole nouveau: Là, par la main des tendres Artémises, En lettres d'or ces rimes furent mises
Sur un porphyre environné de fleurs: En les lisant on sent naître ses pleurs:
<< Novices, qui venez causer dans ces bocages << A l'insu de nos graves sœurs,
« Un instant, s'il se peut, suspendez vos ramages; «< Apprenez nos malheurs.
<< Vous vous taisez: si c'est trop vous contraindre << Parlez, mais parlez pour nous plaindre; << Un mot vous instruira de nos tendres douleurs ; << Ci gît Ver-Vert, ci gisent tous les cœurs. >>
On dit pourtant (pour terminer ma glose de mots) que l'ombre de l'oiseau Ne loge plus dans le susdit tombeau; Que son esprit dans les nonnes repose, Et qu'en tout temps, par la métempsycose, De sœurs en sœurs l'immortel perroquet Transportera son ame et son caquet.
Sous un ciel toujours rigoureux,
Au sein des flots impétueux, Non loin de l'armorique plage, Il est une isle, affreux rivage, Habitacle marécageux, Moitié peuplé, moitié sauvage, Dont les habitants malheureux, Séparés du reste du monde, Semblent ne connoître que l'onde, Et n'être connus que des cieux. Des nouvelles de la nature Viennent rarement sur ces bords; On n'y sait que par aventure, Et par de très tardifs rapports,. Ce qui se passe sur la terre, Qui fait la paix, qui fait la guerre, Qui sont les vivants et les morts. De cette étrange résidence Le curé, sans trop d'embarras, Enseveli dans l'indolence D'une héréditaire ignorance, Vit de baptême et de trépas,
Et d'offices qu'il n'entend pas; Parmi les notables de l'isle Il est regardé comme habile Quand il peut dire quelquefois Le mois de l'ane le jour du mois. On va penser que j'exagere, Et que j'outre le caractere :
Quelle apparence? dira-t-on : « Quelle isle assez abandonnée << Ignore le temps de l'année ?
Non, ce trait ne peut être bon << Que dans une isle imaginée << Par le fabuleux Robinson. » De grace, censeur incrédule, Ne jugez point sur ce soupçon. Un fait narré sans fiction
Va vous enlever ce scrupule:
porte la conviction;
Je n'y mettrai que la façon.
Le curé de l'isle susdite Vieux papa, bon Israëlite, (N'importe quand advint le cas) N'avoit point avant les étrennes Fait apporter de nos climats De guide-ànes ni d'almanachs, Pour le guider dans ses antiennes, Et régler ses petits états.
Il reconnut sa négligence;
Mais trop tard vint la prévoyance. La saison ne permettoit pas De faire voile vers la France: Abandonnée aux noirs frimas La mer n'étoit plus praticable, Et l'on n'espéroit les bons vents Qui rendent l'onde navigable, Et le continent abordable, Qu'à la naissance du printemps. Pendant ces trois mois de tempête Que faire sans calendrier?
Comment placer les jours de fête? Comment les différencier?
Dans une pareille méprise Quelque autre curé plus savant N'auroit pu régir son église, Et peut-être dévotement, Bravant les fougues de la bise, Se seroit livré sans remise Aux périls du moite élément; Mais, pour une telle imprudence, Doué d'un trop bon jugement, Notre bon prêtre assurément Chérissoit trop son existence. C'étoit d'ailleurs un vieux routier, Qui, s'étant fait une habitude Des fonctions de son métier, Officioit sans trop d'étude,
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