Que le plus haut cyprès sur les buissons stériles.
Quel espoir vous porta vers ces aimables lieux ?
La Liberté, berger, s'y montroit à mes vœux: D'elle j'obtiens enfin des regards plus propices; Mes derniers ans pourront couler sous ses auspices. Mantoue à mes desirs refusoit ce bonheur; Par d'inutiles soins je briguois sa faveur; Sans aucun fruit pour moi ces fréquents sacrifices. Dépeuploient mon bercail d'agneaux et de génisses; Vainement j'implorois l'heureuse Liberté:
Mais enfin j'ai fléchi cette divinité.
J'osai porter ma plainte au souverain du Tibre: J'étois alors esclave; il parla, je fus libre.
Lorsque vous habițiez ce rivage charmantı Tout s'affligeoit ici de votre éloignement: Pendant ces sombres jours la jeune Galatée. Du plus tendre chagrin me parut agitée:
yeux s'ouvroient à peine à la clarté du jour, Sa plainte attendrissoit les nymphes d'alentour; Les échos des vallons, les pins, et les fontaines, Rappeloient à l'envi Tityre dans nos plaines ; Vos fruits dépérissoient dans le plus beau verger, Et vos troupeaux plaintifs demandoient leur berger.
Si je n'avois quitté ma triste solitude
Je souffrirois encor la même servitude.
Dans ces maux Rome étoit mon unique recours, Et ses dieux pouvoient seuls me faire d'heureux jours. Là j'ai vu ce héros que chante ma tendresse;
Il est dans le printemps d'une belle jeunesse : Allez, bergers, dit-il; conservez en repos Votre séjour natal, vos champs, et vos troupeaux. Bientôt, par un retour d'hommages légitimes, Je lui sacrifierai mes plus belles victimes; Ses fêtes reviendront douze fois tous les ans, Douze fois ses autels recevront mon encens. MÉLIBÉE.
Ainsi donc, cher Tityre, exempt de nos miseres, Vous finirez vos jours aux foyers de vos peres; Vos troupeaux, respectés du barbare vainqueur, Demeureront ici sous leur premier pasteur; Ils ne sortiront point de ces gras pâturages Pour périr de langueur dans des terres sauvages; Vos abeilles encore, au retour du matin, Picoreront la fleur des saules et du thym.. Nos champs abandonnés vont rester inutiles; Les vôtres par vos soins seront toujours fertiles; Vous pourrez encor voir ces bocages chéris, Ces gracieux lointains, ces rivages fleuris; Les amoureux soupirs des rossignols fideles Les doux gémissements des tendres tourterelles, Vous livreront encore aux douceurs du sommeil Dans ces antres fermés aux regards du soleil.
L'amour saura toujours me retracer l'image Du dieu qui me procure un si doux avantage! Le cerf d'un vol hardi traversera les airs,
Les habitants des eaux fuiront dans les déserts, La Saône ira se joindre aux ondes de l'Euphrate, Avant qu'un lâche oubli me fasse une ame ingrate. MÉLIBÉE.
Que ne puis-je avec vous célébrer ce héros, Et ranimer les sons de mes tristes pipeaux? Nos pasteurs pleurent tous une même disgrace: Nous fuyons dispersés. Les uns aux champs de Thrace Vont chercher des tombeaux sous ces affreux climats
Qu'un éternel hiver couvre d'âpres frimas; D'autres vont habiter une contrée aride,
Et les déserts voisins de la zone torride. Compagnon de leurs maux, et banni pour toujours, Sous un ciel inconnu je traînerai mes jours; Quoi! je ne verrai plus ces campagnes si cheres, Ni ce rustique toit hérité de mes peres!
O Mantoue! oh! du moins si ces riches sillons
Devoient m'être rendus après quelques moissons! Non, je ne verrai plus ces forêts verdoyantes, Ni ces guérets chargés de gerbes ondoyantes; D'avides étrangers, des soldats inhumains, Désoleront ce champ cultivé de mes mains:
Étoit-ce donc, grands Dieux! pour cette troupe indigne Que j'ornois mon verger, que je taillois ma vigne?
C'en est fait; pour toujours recevez mes adieux, Bords si chers à mon cœur, et si beaux à mes yeux! O guerre! ô triste effet des discordes civiles! Champs, on vous sacrifie à l'intérêt des villes. Troupeau, toujours chéri dans des jours plus heureux, Mon exil te prépare un sort bien rigoureux; Du fond d'un antre frais, bordé d'une onde pure, Je ne te verrai plus bondir sur la verdure: Suivez-moi, foible reste, infortunés moutons; Pour la derniere fois vous voyez ces cantons.
Dans ces lieux cependant on vous permet encore D'attendre le retour de la premiere aurore. Regagnons le hameau: berger, suivez mes pas. Thestile nous apprête un champêtre repas: Le jour fuit, hâtons-nous; du sommet des collines L'ombre descend déja dans ces plaines voisines, Les oiseaux endormis ont fini leurs concerts, Et le char de la nuit s'éleve sur les airs.
Tranquille, cher Tityre, à l'ombre de ce hêtre...
Le pere de Virgile, sous le nom de Tityre, chante les louanges et les bienfaits d'Octavien César, qui, dans le partage des campagnes de Mantoue, lui conservoit une paisible possession de sa métairie d'Andès. Sous le nom de Mélibée, un berger du Mantouan, banni de sa patrie, déplore ses disgraces.
L'ASTRE brûlant du jour sur nos paisibles rives Répandoit du midi les ardeurs les plus vives, Quand Corydon, errant dans l'horreur des forêts, Aux déserts attendris confia ses regrets.
Il adoroit Iris; d'une plaine étrangere
Il vouloit dans son champ attirer la bergere: Iris étoit promise aux feux d'un autre amant, Et plaignoit Corydon sans calmer son tourment. Cet amoureux berger fuyoit les jeux champêtres; Solitaire, il venoit se cacher sous des hêtres; C'est là qu'ayant conduit ses troupeaux languissants, Il soupiroit un jour ces douloureux accents:
Hâtez-vous, sombres jours d'une odieuse vie; Puisque toute espérance à mes vœux est ravie, Puisqu'un autre berger emporte vos amours, Pourquoi, cruelle Iris, voudrois-je encor des jours? Du moins plaignez les maux que ma langueur me cause: Il est l'heure du jour où tout ici repose;
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