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Des sœurs de Phaéton il chante la tendresse:
Il chante aussi Gallus, des rives du Permesse
Conduit par une muse à la cour d'Apollon,
Et reçu par ce dieu dans le sacré vallon:

A le combler d'honneurs tout se plaît, tout conspire;
Linus, ce beau berger, inventeur de la lyre,
Sous un habit de fleurs, le front ceint d'un laurier,
Au-devant de Gallus s'avance le premier:
Agréez, lui dit-il, cette flûte champêtre;
Le pasteur Hésiode en fut le premier maître,
Avec elle il chanta les immortelles sœurs,
Quand il fut rajeuni par leurs tendres faveurs :
Attirés par ses sons, du sommet des montagnes
Les cedres descendoient au milieu des campagnes.
Pour charmer comme lui ce séjour adoré,
Héritez, cher Gallus, ce hautbois révéré;

Des bois sacrés du Pinde osez chanter la gloire,
Ils en seront plus chers aux filles de mémoire.
Silene chante aussi ce parricide amour

Qui ravit à Nisus la couronne et le jour.
Il peint cette Scylla, dont les monstres avides
Engloutirent au fond de leurs gouffres perfides
Les nochers gémissants, et les tristes vaisseaux
D'Ulysse poursuivi par le tyran des eaux.

Du barbare Térée il décrit la disgrace;
Il décrit les horreurs et le deuil de la Thrace,
Quand l'innocent Itys, au sortir du berceau,
De son pere coupable eut le sein pour tombeau :

Pour fuir ces lieux sanglants, Philomele vengée
Prend un nouvel essor, en rossignol changée,
Et le funeste auteur de tant de noirs forfaits
S'envole, et traîne au loin d'inutiles regrets.

Qui pourroit bien louer la voix divine et tendre
Qu'aux deux bergers charmés le vieillard fit entendre?
Du souverain des vers tels étoient les accords,
Quand l'heureux Eurotas, arrêté sur ses bords,
Instruisit les échos à redire la plainte

Que Phébus adressoit à l'ombre d'Hyacinthe.
Ainsi mille zéphyrs portoient jusques aux cieux
Du maître de Bacchus les chants mélodieux,
Quand la nuit, terminant ce beau jour avec peine,
Sépara les pasteurs de l'aimable Silene.

NOTES.

Silene instruit deux bergers; il leur chante l'origine et la formation de l'univers, né du concours fortuit des atomes, selon le systême d'Épicure. Il leur raconte ensuite différents traits de l'histoire des siecles fabuleux. Quelques critiques condamnent encore ici Virgile, et prétendent que la matiere de ce poëme est trop élevée pour l'églogue: d'autres justifient le poëte, et pensent qu'aucun sujet n'est au-dessus de la poésie bucolique, quand il est présenté aux yeux sous un voile pastoral. Je me rangerois volontiers à ce dernier sentiment, sur-tout pour le Silene. Cette piece ne renferme rien qui ne soit à la portée des bergers, qu'on doit supposer cultivés, polis, et

d'une imagination exercée aux idées poétiques, tendres et

riantes.

Premier imitateur du berger dont la muse... Théocrite.

Apollon, peu facile à ces hardis projets...

Auguste avoit ordonné à Virgile d'écrire dans le genre pastoral. Ce prince aimoit à se voir désigné sous le nom et les attributs du dieu de la poésie.

Que d'autres, ô Varus, plus chers aux doctes fées...

Quintilius Varus s'étoit acquis quelque réputation dans les armes au temps que Virgile écrivoit ce poëme. Il fut ensuite célebre par ses malheurs et par la perte des trois légions qu'il commandoit en Allemagne, et qu'Arminius défit dans la forêt de Tomberg.

Des filles de Prætus les fureurs sont connues.

Lysippe, Iphianasse, et Iphione, filles de Protus et de Sthénobée, se vanterent d'être plus belles que Junon. La déesse, jalouse et irritée, les frappa d'un genre de folie qui leur fit croire qu'elles étoient métamorphosées en vaches.

Il chante aussi Gallus, des rives du Permesse...

Cornélius Gallus, poëte, ami de Virgile.

Quand l'heureux Eurotas, arrêté sur ses bords...

Fleuve voisin de Lacédémone.

VII.

MÉLIBÉE.

DISPUTE PASTORALE.

CORYDON, TYRCIS, MÉLIBÉE.

MÉLIBÉE.

Sous de frais alisiers Daphnis étoit assis:
Près de lui deux bergers, Corydon et Tyrcis,
Gardoient tranquillement, couchés sur des feuillages,
Leurs troupeaux réunis dans les mêmes herbages;
Tous deux jeunes encor, nés aux mêmes hameaux,
Dans l'art de bien chanter furent toujours rivaux.
Ils alloient commencer leur dispute incertaine ;
Le hasard m'amena vers le lieu de la scene:
(Je cherchois mon belier égaré dans ces champs,
Tandis que je plaçois mes myrtes loin des vents.)
« Venez, me dit Daphnis, j'ai vu dans cette route
<< Un belier vagabond, que vous cherchez, sans doute,
Soyez moins inquiet, il suivra les troupeaux

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« Que le soir va conduire aux sources de ces eaux:

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Partagez avec nous sur ces rives fécondes

« Le plaisir d'un concert et la fraîcheur des ondes.

« Ce beau fleuve, en baignant ce bocage secret, << Coule plus lentement, et s'éloigne à regret ;

<< A nos yeux enchantés son crystal représente

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« D'un ciel riant et pur la peinture flottante: << Là le bruit de l'abeille errante sur les fleurs << Joint aux chants des oiseaux des sons doux et flatteurs. Il dit. De tant d'attraits pouvois-je me défendre? D'autres soins m'appeloient; mais il fallut me rendre. Déja l'heure approchoit de fermer mon bercail; En faveur des bergers je remis ce travail. Soumis aux doctes lois des muses pastorales, Tour-à-tour ils formoient des cadences égales; Dans ses chansons Tyrcis parut trop plein d'aigreur: Le chant de Corydon avoit plus de douceur.

CORYDON.

Vous qui formez Codrus, déités d'Hippocrene,
Formez aussi mon goût aux plus aimables vers;
Je suspends pour toujours ma flûte à ce vieux frêne,
S'il ne m'est point donné d'égaler ses beaux airs.

TYRCIS.

Vous, dont l'art aux beaux vers donne l'ame et la vie,
D'un lierre immortel, muse, parez mon front;
Que le pâle Codrus en expire d'envie;

Que pour lui mes honneurs soient un mortel affront.

CORYDON.

Déesse des chasseurs, agréez mon hommage,
D'un cerf sur votre autel j'ai suspendu le bois;
D'un porphyre brillant j'ornerai votre image,

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