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Sur ces rives fécondes

Quand Flore est de retour,
Quel charme sous les ondes
Fixe encor ton séjour?

De l'alcyon tranquille
Zéphire au sein des airs
Soutient d'une aile agile
Le berceau sur les mers;
Cette jeune fougere
Où paissent mes moutons
A plus droit de te plaire
Que l'antre des Tritons.

Sous ces ombres nouvelles
Tout conspire aux beaux jours;
Des nuits encor plus belles
Conspirent aux amours.
Des grottes d'Amphitrite,
Climene, entends ma voix :
Le mois des fleurs t'invite
A rentrer dans nos bois.

LYCIDAS.

Un soir, dans ces vallons, sur des tons plus sublimes,
Chantant d'un nouveau dieu les honneurs légitimes,
Vous vantiez les beaux jours promis à l'univers :
Je n'en sais que le chant, rappelez-m'en les vers.

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«

MOERIS.

« Des astres trop connus n'observons plus les routes; « L'ame du grand César, astre plus radieux,

Répand ses feux brillants sur les célestes voûtes,

« Et la fécondité sur ces aimables lieux.

<< Sous l'aspect bienfaisant de ce signe propice

<< Nos côteaux s'orneront de raisins plus nombreux, « Et les arbres plantés sous son fertile auspice,

« Auront encor des fruits pour nos derniers neveux. »
Pardonnez, je ne puis rien chanter davantage;
Ma mémoire s'éteint, tout s'éteint avec l'âge :
Des Muses, jeune encor, quand je suivois la cour,
Je savois assez d'airs pour chanter tout le jour;
Ce bel âge n'est plus, tout cede à la vieillesse.
Non, je n'ai plus de voix comme dans ma jeunesse ;
Dans ces gracieux jours, sous mes doigts plus légers,
Mon chalumeau docile enfantoit de beaux airs:
Mais par le froid des ans ma main trop engourdie
N'est plus propre à former de vive mélodie;
Des vers que je savois le souvenir m'a fui:

Au retour de mon fils vous les saurez de lui.

LYCIDA S.

Non, Moris, c'est de vous que je veux les entendre;

Je sais que votre chant est encor vif et tendre:
Le silence des vents endormis dans ces bois,
Et le calme des eaux, favorisent nos voix ;
Reposons-nous ici, chantons sous ce feuillage:
Nous avons déja fait la moitié du voyage;

Déja de Bianor j'aperçois le tombeau;

Des bergers pour l'orner dépouillent un ormeau :
Si pourtant vous craignez que cet épais nuage
N'amene avec la nuit quelque subit orage,

Cédez-moi ce fardeau, chantez même en marchant; L'ennui du voyageur se charme par le chant.

MOERIS.

Cessez de m'arrêter, arrivons à la ville
Avant que le soleil s'ouvre l'onde tranquille;
Il va finir sa course, et son char plus penchant
Semble déja toucher aux portes du couchant.

NOTES.

Cette églogue nous rappelle la premiere. Le pere de Virgile ne put long-temps jouir en repos du bienfait de César, ni du privilege dont il est parlé dans le Tityre. Il fut chassé de sa terre par Arius, officier des légions de Marc-Antoine. Sous le nom de Moeris il raconte ici son infortune au berger Lycidas, tandis que Virgile son fils, parti pour Rome, est allé porter sa plainte à ses protecteurs sur cette nouvelle violence.

Quel sujet, cher Maris, vous conduit à la ville?

Mantoue.

Par votre fils Ménalque au dieu de Rome offerts.

Virgile.

Sont un essai de ceux qu'il fera pour Varus.

C'est le même dont il est parlé dans la sixieme églogue.

Si vous étiez, hélas! moins voisins de Crémone.

Après la victoire remportée sur Cassius et Brutus, les triumvirs distribuerent à leurs soldats les territoires des villes qui avoient suivi le parti des meurtriers de Jules-César : Crémone étoit de ce nombre; ses campagnes ne suffisant pas, on étendit le partage des terres jusqu'aux villes voisines, à celles même qui n'étoient point coupables; Mantoue en souffrit, quoiqu'elle n'eût point armé contre le triumvirat.

« L'ame du grand César, astre plus radieux...

Après la mort de Jules-César une comete parut au ciel; le peuple crédule la prit pour l'ame de César.

Déja de Bianor j'aprçois le tombeau.

Le fondateur de Mantoue.

Cédez-moi ce fardeau, chantez même en marchant.

Les chevreaux dont Mœris a parlé.

X.

GALLUS.

NYMPHE,
YMPHE, autrefois propice au pasteur de Sicile,
A mes derniers accords daignez être facile :
Aux soupirs de Gallus mêlons de tristes airs;
De ma muse champêtre il exige des vers:
Puis-je les refuser? il les veut d'un goût tendre,
Et tels que Lycoris se plaise à les entendre.
Commencez, consolez de funestes amours,
Aréthuse; et, pour prix de vos heureux secours,
Dans les champs d'Amphitrite et des ondes ameres
Que vos ondes toujours coulent douces et claires;
Puissiez-vous sans mélange, au sein des vastes flots,
A l'amoureux Alphée unir vos belles eaux !

Chantons: tout s'attendrit; mes brebis attentives
Semblent s'intéresser à mes chansons plaintives;
L'amante de Narcisse, oubliant ses malheurs,
Dans ses antres profonds redira nos douleurs.

Des secrets de Phébus, Nymphes, dépositaires, Sur quels bords étiez-vous, dans quels bois solitaires, Quand l'aimable Gallus, prêt à perdre le jour, Dans un triste désert exhaloit son amour?

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