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Des sages faux évitant la tristesse,
Il badina sans s'écarter du beau,
Et sans jamais effrayer la sagesse ;
Ainsi les traits de son heureux pinceau
Plairont toujours, et de races en races
Vivront gravés dans les fastes des Graces;
Et les censeurs, obstinés à ternir
Son art chéri, par l'ennui pédantesque
D'un françois fade, ou d'un latin tudesque,
Endormiront les siecles à venir.

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POURQUOI de ma sage indolence
Interrompez-vous l'heureux cours?
Soit raison, soit indifférence,
Dans une douce négligence,
Et loin des muses pour toujours,
J'allois racheter en silence
La perte de mes premiers jours;
Transfuge des routes ingrates
De l'infructueux Hélicon,
Dans les retraites des Socrates
J'allois jouir de ma raison,

Et m'arracher, malgré moi-même,
Aux délicieuses erreurs

De cet art brillant et suprême
Qui, malgré ses attraits flatteurs,
Toujours peu sûr et peu tranquille,
Fait de ses plus chers amateurs

L'objet de la haine imbécille
Des pédants, des prudes, des sots,
Et la victime des cagots:

Mais votre épître enchanteresse,
Pour moi trop prodigue d'encens,
Des douces vapeurs du Permesse
Vient encore enivrer mes sens.
Vainement j'abjurois la rime,
L'haleine légere des vents
Emportoit mes foibles serments.
Aminte, votre goût ranime
Mes accords et ma liberté;
Entre Uranie et Terpsichore
Je reviens m'amuser encore
Au Pinde que j'avois quitté;
Tel, par sa pente naturelle,
Par une erreur toujours nouvelle,
Quoiqu'il semble changer son cours,
Autour de la flamme infidele
Le papillon revient toujours.
Vous voulez qu'en rimes légeres
Je vous offre des traits sinceres
Du gîte où je suis transplanté.
Mais comment faire, en vérité ?
Entouré d'objets déplorables,
Pourrai-je de couleurs aimables
Egayer le sombre tableau
De mon domicile nouveau?

Y répandrai-je cette aisance,
Ces sentiments, ces traits diserts,
Et cette molle négligence

Qui, mieux que l'exacte cadence,
Embellit les aimables vers?

Je ne suis plus dans ces bocages
Où, plein de riantes images,
J'aimai souvent à m'égarer;

Je n'ai plus ces fleurs, ces ombrages,
Ni vous-même pour m'inspirer.
Quand, arraché de vos rivages
Par un destin trop rigoureux,
J'entrai dans ces manoirs sauvages,
Dieux! quel contraste douloureux!
Au premier aspect de ces lieux,
Pénétré d'une horreur secrete,
Mon cœur, subitement flétri,
Dans une surprise muette
Resta long-temps enseveli.
Quoi qu'il en soit, je vis encore;
Et, malgré vingt sujets divers
De regrets et de tristes airs,
Ne craignez point que je déplore
Mon infortune dans ces vers.
De l'assoupissante élégie
Je méprise trop les fadeurs;
Phébus me plonge en léthargie
Dès qu'il fredonne des langueurs;

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Je cesse d'estimer Ovide

Quand il vient sur de foibles tons
Me chanter, pleureur insipide,
De longues lamentations:

Un esprit mâle et vraiment sage,
Dans le plus invincible ennui,
Dédaignant le triste avantage
De se faire plaindre d'autrui,
Dans une égalité hardie

Foule aux pieds la terre et le sort,

Et joint au mépris de la vie

Un égal mépris de la mort;
Mais sans cette âpreté stoïque,
Vainqueur du chagrin léthargique,
Par un heureux tour de penser,
Je sais me faire un jeu comique
Des peines que je vais tracer,
Ainsi l'aimable poésie,
Qui dans le reste de la vie
Porte assez peu d'utilité,
De l'objet le moins agréable
Vient adoucir l'austérité,
Et nous sauve au moins par
Des ennuis de la vérité.

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