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à traiter; il avoit parlé de l'opéra, des ballets, du vaudeville : tout cela fut trouvé plus que profane; on dénonça son ouvrage comme scandaleux. Il fut obligé de se défendre, et on a dans ses papiers les notes d'après lesquelles il composa son apologie.

Il n'osoit pas encore se l'avouer, mais son dégoût se déguisoit sous d'autres formes; et l'on peut croire que déja ce sentiment avoit beaucoup influé sur les dispositions qui lui dicterent son ode sur l'amour de la patrie, faite à Tours en 1730, et dans laquelle il exprime si vivement son regret d'être éloigné des bords de la Somme par un destin jaloux. Cette ode, son début sur le Parnasse françois, fut suivie de deux autres; l'une qu'il adressa de Tours à sa mere, à l'occasion de la mort de sa sœur, décédée en mars 1731 dans l'Hôtel-Dieu d'Amiens où elle étoit religieuse; l'autre est l'ode à Louis XV sur la guerre, imprimée à Rouen en 1733. Dans cette derniere la critique releva justement les Ris que l'auteur faisoit paroître en casques de roses; mais on

applaudit à l'éloge du maréchal de Villars qui fait le sujet de la même strophe.

«

Bientôt après Gresset prit tout son essor, et fixa son nom au temple de mémoire en y plaçant celui d'un perroquet. Le poëme de Ver-Vert fut imprimé à Rouen en 1734. « Ce « poëme, dit M. d'Alembert, n'eût été entre << les mains d'un autre qu'une plaisanterie insipide et monotone, destinée à mourir dans « l'enceinte du cloître qui l'avoit enfantée. « Gresset eut l'art de deviner dans sa retraite << la juste mesure du badinage qui pouvoit << rendre piquant pour les gens du monde un << ouvrage dont le sujet devoit leur paroître «< si futile; il y répandit, avec intelligence et << avec sagesse, ces graces délicates et légeres, qui, dans les détails dont il a égayé ses tableaux, empêchent la gaîté d'être ignoble «et fastidieuse. »

«

L'auteur n'avoit que vingt-six ans, et il étoit jésuite, circonstances qui ajoutoient à la singularité. Les premiers pas du jeune poëte surprirent et le monde qui ne le con

noissoit

pas, et l'ordre qui l'avoit nourri. VerVert produisit l'effet d'un phénomene littéraire; on en fit trois éditions; on le traduisit en vers latins. Raux, artiste habile, représenta en émail les aventures du perroquet; M. Bertin, secrétaire d'état, qui eut pour Gresset une amitié et un attachement tout particuliers, lui fit présent d'un cabaret en porcelaine exécuté à la manufacture de Sevres, et dont les tasses et autres pieces retraçoient aussi l'histoire du héros chanté par Gresset. Voilà, disoit le poëte, l'édition de mes ouvrages faite à Sevres. Enfin, pour combler son succès, Jean-Baptiste Rousseau fit le plus grand éloge de ce poëme; il y trouvoit le naturel de Chapelle, mais son naturel épuré, embelli, orné et étalé dans toute sa perfection. «< Si jamais, << ajoutoit-il, l'auteur peut parvenir à "faire << des vers un peu plus difficilement, je pré« vois qu'il nous effacera tous tant que nous << sommes: c'est un génie des plus heureux et « des plus beaux qui aient jamais existé ». Ces éloges honorerent également et le vieil

auteur de l'ode à la Fortune, et le jeune auteur de Ver-Vert. Mais cette époque de la gloire de Gresset fut aussi celle d'une persécution plus sérieuse que la premiere: VerVert avoit fait rire le public un peu aux dépens des religieuses; un ministre d'état avoit une sœur supérieure générale de la Visitation; les visitandines se trouverent ainsi être des puissances. Le ministre, sans inimitié personnelle contre Gresset, dont il devint depuis l'ami, fit du badinage de Ver-Vert une affaire d'état: il n'étoit pas dévot, mais il épousa la querelle de l'amour-propre offensé de sa sœur ; il porta ses plaintes à la Compagnie de Jésus. La politique des jésuites, quoique très flattée du succès de leur jeune confrere, voulut sur-tout ne pas déplaire; et l'auteur de l'innocent badinage de Ver-Vert fut exilé à La Fleche,

Cet exil le choqua beaucoup, et l'ennuya bien plus encore; il s'en plaint, avec autant de naturel que d'agrément, dans une relation de son voyage de Tours à La Fleche, lettre

mêlée de prose et de vers, écrite, à ce qu'il paroît, currente calamo, et adressée à madame Du Perche de Tours. Cette piece, publiée pour la premiere fois dans sa vie écrite par le P. Daire, bibliothécaire des Célestins, Paris, 1779, in-12, a été insérée dans toutes les éditions de ses oeuvres faites depuis une quinzaine d'années. Il écrivit au provincial, ne reçut point de réponse satisfaisante; enfin, n'y pouvant tenir, il demanda sa sortie des jésuites, leur fit des adieux généreux et poétiques, et rentra dans le monde, en 1735. Ces adieux aux jésuites lui attirerent deux réponses, dont l'une est plate et indécente; et toutes deux sont maintenant oubliées.

Il étoit encore attaché à cette Société, lorsqu'il publia à Blois, en 1734, un recueil de ses poésies, dans lequel on trouve une imitation libre des six premieres églogues de Virgile; il ajouta les quatre autres dans une seconde édition faite à Amsterdam, en 1741.

Cette traduction des bucoliques n'est pas un des titres poétiques de Gresset; mais s'il

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