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<< grace,

lettres, que l'auteur s'est acquis une célébrité d'autant mieux méritée que la religion et la décence, toujours respectées dans ses écrits, n'y ont jamais reçu la moindre atteinte. «<Cette dit un de ses panégyristes, cette << grace, l'une des premieres que le monarque « eût accordées, n'étoit pas le trait le moins digne de signaler les commencements d'un «regne sur lequel la nation fondoit de si « douces espérances. »

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L'évêque d'Amiens, dont j'ai parlé plus haut, avoit voué à Gresset l'amitié la plus. sincere. Une grande conformité de caracteres et de goûts les avoit attachés l'un à l'autre. Ils étoient tous deux fort gais; ils aimoient les contes plaisants, les épigrammes, et ils avoient beaucoup de talent pour en faire. On assure que Gresset avoit composé une foule de contes, qui étoient autant de petits poëmes,

(1) Eloge de Gresset qui a concouru au prix proposé par l'académie d'Amiens, par Max. Roberspierre. Londres (Paris), Royez, 1785, in-8o.

variés à l'infini, et une quantité innombrable d'épigrammes, à quelques unes desquelles le marquis de Chauvelin avoit contribué. On n'a aucun espoir de rien recouvrer de ces petits ouvrages, connus seulement des personnes qui les entendoient réciter dans les sociétés dont ils faisoient les délices. L'évêque étoit le seul qui fût en état de lutter contre Gresset dans le genre du conte. Dans leur jeunesse ils se trouvoient souvent ensemble chez le duc de Chaulnes, et y faisoient assaut à cette sorte d'escrime poétique pendant plusieurs heures de suite. Et c'est cet homme qui a contraint Gresset à brûler l'Ouvroir, etc. etc.

Avec tant de moyens de briller dans le monde, personne ne s'y montra plus simple que Gresset, ni plus modeste: aussi ses talents n'effarouchoient personne; loin d'exciter la jalousie, il étoit généralement aimé, et les sarcasmes de Voltaire et de Piron sont les seuls traits satiriques qui aient été dirigés contre sa personne ou ses ouvrages.

Il jouissoit sur-tout du bonheur au milieu

d'une famille nombreuse qu'il chérissoit. Dans un des voyages que, pendant ses quinze années de séjour à Paris, il faisoit de temps à autre à Amiens, il avoit pris de l'inclination pour une demoiselle de beaucoup d'esprit, et d'un caractere doux et enjoué. Il obtint sa main en 1751. Charlotte Galland étoit fille d'un négociant d'Amiens, et de la même famille qu'Antoine Galland, célebre par sa traduction ou imitation des Mille et une Nuits:

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De toutes les personnes qui composoient la famille de Gresset, ce fut une de ses sœurs, mariée à M. de Toulle, capitaine de cavalerie, qu'il aima le plus, et dont il fut le plus chéri; et Madame de Toulle étoit, à tous égards, digne de cette préférence. Aux vertus, aux qualités d'un esprit vif et juste, elle réunissoit les charmes d'une beauté rare. Son goût exquis l'avoit rendue le juge-né des ouvrages de son frere, qui les soumettoit à son examen avant de les publier. Cette femme intéressante, que Gresset a en quelque sorte associée à sa gloire en l'appelant sa Minerve, a eu la douleur de

le voir mourir, et elle ne lui a pas survécu

d'un an.

En 1777 le roi nomma Gresset écuyer, chevalier de l'ordre de S.-Michel, et historiographe de l'ordre de S.-Lazare. Sa santé, depuis plusieurs années chancelante, ne le laissa pas jouir long-temps de ces titres. Dans les premiers jours de juin 1777 il fut surpris par quelques accès de fievre; et, le 16 du même mois, au quatrieme accès, il mourut, à l'âge de soixante-huit ans, d'un abcès qui lui creva dans la poitrine. Il n'a point laissé d'enfants.

Lorsque ses scrupules religieux le déterminerent à sacrifier plusieurs des ouvrages qu'il avoit achevés, et à en abandonner d'autres qu'il avoit commencés, il recommanda que l'on ne publiât jamais ce qui pourroit en rester après sa mort. Ses volontés n'ont été que trop scrupuleusement exécutées, et on auroit dû se souvenir que Virgile mourant avoit ordonné aussi qu'on jetât au feu les matériaux de son Enéide; qu'Auguste ordonna, au con

traire, que ces matériaux fussent rassemblés et rendus publics. On connoît les beaux vers sur ce sujet, attribués à Auguste:

Frangatur potius legum veneranda potestas...

De plusieurs comédies achevées, et qui furent alors détruites, l'une, intitulée le Secret de la Comédie, avoit été lue par l'auteur à deux de ses amis, qui pensent que jamais rien de plus gai et de plus plaisant n'a été donné au théâtre. D'une autre, le Monde comme il est, on ne connoît que le titre.

Avec les ouvrages de Gresset publiés avant sa mort, cette édition contient encore tout ce qui,depuis,a été donné d'après ses manuscrits, plusieurs odes, épîtres, enfin le Chartreux, qui n'est qu'un fragment, et l'Abbaye, pieces dont la derniere copie auroit pu être l'objet de ses scrupules religieux, bien plutôt que les comédies et les deux chants si regrettés de Ver-Vert. J'aurois desiré pouvoir donner quelques unes des nombreuses pieces que l'on prétend exister encore en manuscrit dans diverses mains.

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