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naux, et les réunissant tous à grands frais, est représenté rongé de goutte, de rhumatismes, et assiégé de tous les maux qui font le triste cortege de la vieillesse. Cet homme a surtout en horreur les vents coulis: chaises longues, bergeres, fauteuils à larges oreilles, tous les moyens usités ont été employés tour-àtour. Enfin il s'avise de faire démonter la caisse de sa chaise de poste, et de l'établir au coin de son feu: là, tranquille avec ses cheres gazettes entassées les unes sur les autres, il se livre à son goût favori, et brave le souffle des vents.

Ses commensaux sont une niece à la fleur de l'âge, un domestique assez entendu, et un jeune chien. Le caractere de ces trois compagnons, les soins que les deux premiers prodiguent au vieillard, leur assiduité surtout à lui lire les papiers, et les jeux, les bonds, les caresses du petit chien, rem

bulletin de nouvelles, est employé par Gresset pour désigner un homme maniaque de ces sortes d'écrits, et en faisant sa lecture continuelle.

plissent tout le second chant, et la plus grande partie du troisieme.

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Au quatrieme, le Gazetin est encore dans son lit; on l'a mis sur son séant. Il est environ neuf heures du matin; les nouvelles étrangeres sont déja arrivées. La niece et le domestique sont sortis, le petit chien reste seul dans la chambre; il grimpe sur le lit, bondit, aboie, fait cent tours, cent gentillesses qui réjouissent le bon homme: mais sa joie est bientôt troublée; le chien saute sur les gazettes, en disperse, en fait voltiger les feuilles, et travaille si bien des ongles et des dents, que le lit n'offre bientôt plus que de tristes débris; il s'acharne principalement sur la gazette de Hollande, et la met en pieces. Le nouvelliste impotent, presque immobile, prodigue vainement au perturbateur de ses plaisirs les noms les plus doux, les signes les plus flatteurs à la fin il se fâche, il tonne, il crie au secours; et c'est au plus fort de son désespoir qu'on lui apporte la gazette de France, qui appaise sa colere, et le console de ses pertes.

On croyoit que le prince Henri de Prusse conservoit un manuscrit des deux chants de l'Ouvroir, etc., envoyé, disoit-on, à Frédéric II par l'auteur, en lui demandant la permission de lui dédier Ver-Vert. En 1796, l'Institut, s'étant occupé de l'examen de plusieurs manuscrits de Gresset, crut devoir en écrire au prince Henri, qui s'empressa de répondre, et de témoigner tous ses regrets de n'avoir point le manuscrit qu'on espéroit retrouver auprès de lui.

On a dit et imprimé que ces deux chants avoient été furtivement imprimés en Hollande. Si le fait étoit vrai, il n'eût pas tardé à être bien connu du public; et si peu qu'il eût été tiré d'exemplaires d'une édition, même clandestine, il en seroit resté assez pour servir au moins à conserver l'ouvrage, et à le multiplier par des réimpressions ulté

rieures.

Dans sa lettre sur la comédie, Gresset promettoit une édition de ses OEuvres, faite avec le plus grand soin, et d'après les prin

cipes religieux qui lui dicterent sa rétractation. Cette édition n'a jamais été faite, et on doit le regretter; parceque les mutilations. que trop de scrupule auroit commandées à l'auteur, eussent été pour le public facilement réparées par les éditions précédentes; et on n'auroit pu que gagner à la publication d'une édition à laquelle auroit présidé le goût sévere et délicat de Gresset. Soit esprit de religion, soit amour du repos, qui, après tout, est bien préférable à une célébrité orageuse, Gresset, loin de conserver la volonté de réimprimer ses ouvrages, étoit au contraire devenu sur ses vers d'une telle indifférence qu'il a laissé imprimer et circuler vingt éditions de ses OEuvres réputées complettes, toutes plus ou moins imparfaites, et auxquelles il n'a jamais eu la moindre part. Il paroît même certain que, peu avant sa mort, Gresset détruisit lui-même les manuscrits que depuis long-temps il avoit préparés et corrigés pour la nouvelle édition annoncée dans sa lettre de l'année 1759.

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Pendant les années 1771 et 1772, Gresset fut occupé d'un travail littéraire pénible et sans gloire, mais qui exigeoit beaucoup de sagacité et de goût, et plus de modestie et de discrétion encore. Le président de Rosset avoit achevé son poëme de l'Agriculture, lui préparoit des gravures magnifiques, et desiroit qu'il pût être exécuté à l'Imprimerie Royale, avec l'élégance et le luxe des plus beaux livres. M. Bertin, alors ministre, et que sa bienveillance pour l'auteur ne pouvoit empêcher de voir combien le poëme étoit foible, voulut qu'au moins il reçût avant l'impression toutes les corrections et les changements qui pourroient en faire un ouvrage moins médiocre. Il proposa d'envoyer le manuscrit à l'examen d'un de ses amis vivant en province, littérateur sans prétention, plein de goût, et sur-tout extrêmement discret; la proposition fut acceptée, et Gresset reçut le poëme, qu'il renvoya ensuite chant par chant avec ses critiques, observations et changements, écrits sur des cahiers séparés. Comme

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