Images de page
PDF
ePub

En s'obstinant à poursuivre ses pas,
Crurent troubler le calme de sa vie,
Et l'attirer dans de honteux combats;
Mais conservant sa douce indifférence,
Et retranché dans un noble silence,
De ses rivaux il trompa les projets;
Pouvant les vaincre, il leur laissa la paix.
D'affreux corbeaux lorsqu'un épais nuage
Trouble en passant le repos d'un bocage,
Laissant les airs à leurs sons glapissants,
Le rossignol interrompt ses accents,
Et, pour reprendre une chanson légère,
Seul il attend que le gosier touchant
D'une dryade ou de quelque bergère
Réveille enfin sa tendresse et son chant.

Prends le burin, et grave ces maximes;
Muse, à ce prix je suis encor tes lois;
A ce prix seul, nous pouvons à nos rimes
Promettre encor des honneurs légitimes,
Et les regards des sages et des rois.
Toujours j'entends les échos de nos rives
Porter au loin ces redites plaintives,

Que l'Hélicon n'est plus qu'un vain tombeau,
Que pour Phébus il n'est plus de Mécène,
Et qu'éloigné du trône de la Seine

En soupirant il éteint son flambeau.
Oui, je le sais, de profondes ténèbres
Ont du Parnasse investi l'horizon;
Mais s'il languit sous ces voiles funèbres,
Allons au vrai quelle en est la raison ?
Peut-on compter qu'un soleil plus propice
Ramènera sur l'empire des vers

Ces jours brillants nés sous le doux auspice
Des Richelieux, des Séguiers, des Colberts,
Quand, ne suivant que les muses impies,
Prenant la rage et le ton des harpies,
Mille rimeurs, honteusement rivaux,
Par leurs sujets dégradent leurs travaux ?
Ces noirs transports sont-ils la poésie ?
Hé quoi! doit-on couronner les forfaits,
Parer le crime, armer la frénésie ?
Et pour le Styx les lauriers sont-ils faits?
N'accusons pas les astres de la France:
Pour ranimer leurs rayons éclatants
Qu'au mont sacré de nouveaux habitants,
Rivaux amis, rendent d'intelligence
La vie aux mœurs, la noblesse aux talents;
Ainsi bientôt nos rivages moins sombres,
D'un jour nouveau parés et réjouis,
Reverront fuir le sommeil et les ombres

Où sont plongés les arts évanouis.

Pour toi, pendant que de nouveaux Orphées,
Vouant leurs jours aux plus savantes fées,
Et s'élevant à des accords parfaits,
Mériteront de chanter près d'un trône
Toujours paré des palmes de Bellone,
Et couronné des roses de la paix;
Muse, pour toi, dans l'union paisible
De la sagesse et de la volupté,
Nymphe badine, ou bergère sensible,
Viens quelquefois, avec la Liberté,
Me crayonner de riantes images,
Moins pour l'honneur d'enlever les suffrages,
Que pour charmer ma sage oisiveté.

ÉPITRE IV.

A M. LE COMTE

DE TRESSAN.

Je suis persuadé, monsieur, que vous ne dontez

pas

de l'empressement que j'ai de répondre à votre lettre charmante :

Mais comment écrire à Paris?
Toujours le dieu des vers aima la solitude :
Dans cet enchaînement d'amusements suivis,
De choses et de riens unis,

Où trouver le silence, où fuir la multitude?
Comment être seul à Paris ?

Pour cueillir les lauriers et les fruits de l'étude
Aux premiers rayons du soleil,

Je veux dès son coucher me livrer au sommeil :
la naissante aurore

Je me dis chaque jour que
Ne retrouvera pas mes yeux appesantis ;
Dix fois je me le suis promis;
Je promettrai dix fois encore ;
Comment se coucher à Paris ?

On veut pourtant que je réponde
Au badinage heureux d'une muse féconde :
On croit que les vers sont des jeux,

Et qu'on parle, en courant, le langage des dieux
Comme on persifle ce bas monde.

Par les Graces, dit-on, si vos jours sont remplis, Par les Muses du moins commencez vos journées. Oui, fort bien ; mais est-il encor des matinées ? Comment se lever à Paris?

Des yeux fermés trop tard par le pesant Morphée
Sont-ils si promptement ouverts?

De l'antre du Sommeil passe-t-on chez Orphée,
Et du néant de l'ame à l'essor des beaux vers?
N'importe, cependant; malgré l'ombre profonde
Qui couvre mes yeux obscurcis,

Dès que je me réveille, à peine encore au monde,
Je m'arrange, je m'établis ;

« PrécédentContinuer »