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ODE V.

SUR LA CANONISATION

Des Saints Stanislas Kostka, et Louis de Gonzague.

Q

UEL Dieu, quelle nouvelle aurore
Nous ouvre les portes du jour ?

Un plus beau soleil vient d'éclore,
Et dévoile un brillant séjour.
Que vois-je ? ce n'est plus la terre :
Dans les régions du tonnerre
Je porte mes regards surpris;
Un temple brille au sein des nues;
Là, sur des ailes inconnues

J'éleve mes libres esprits.

De l'Eternel vois-je le trône ?

Les anges,

saisis de respect,

De la splendeur qui l'environne

Ne peuvent soutenir l'aspect :

Mais quoi! vers ce trône terrible,
A tout mortel inaccessible,

Dans un char plus brillant que l'or,

Par une route de lumiere,

Quittant la terrestre carriere,

Deux mortels vont prendre l'essor.

Volez, vertus, et sur vos ailes Enlevez leur char radieux; Jusqu'aux demeures immortelles Portez ces jeunes demi-dieux : Ils vont ; la main de la victoire Les conduit au rang que la gloire Au ciel dès long-temps leur marqua: Frappé de cent voix unanimes, L'air porte au loin les noms sublimes Et de Gonzague et de Kostka.

Sur des harpes majestueuses

A l'envi les célestes chœurs
Chantent les flammes vertueuses

Qui consumerent ces beaux cœurs;
Leur jeunesse sanctifiée,

La fortune sacrifiée,

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Les sceptres foulés sous leurs pas :
Plus héros que ceux de leur race,
A l'héroïsme de la grace

Ils consacrerent leurs combats.

Tout le ciel, ému d'alégresse,
Chante ces nouveaux habitants;
La religion s'intéresse

A leurs triomphes éclatants;
La vérité leur dresse un trône;
La candeur forme leur couronne
De myrtes saints toujours fleuris;
Et, dans cette fête charmante,
Chaque vertu retrouve et vante
Ses plus fideles favoris.

Qu'offrois-tu, profane Elysée?
Des plaisirs sans vivacité,
Dont la douceur bientôt usée
Ne laissoit qu'une oisiveté;
Vains songes de la poésie!

Le ciel offre à l'ame choisie

Un bonheur plus vif, plus constant,

Dans les délices éternelles

Qui conservent, toujours nouvelles,
Le charme du premier instant.

Là, goûtant de l'amour suprême
Les plus délicieux transports,

Les cœurs,

dans le sein de Dieu même...

Mais quel bras suspend mes accords?

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Une secrete violence

Force ici ma lyre au silence;
Tous mes efforts sont superflus:
Sous des voiles impénétrables
Dieu cache les dons adorables
Qui font le bonheur des élus.

Nouveaux saints, ames fortunées,
Ce Dieu, l'objet de vos desirs,
Abrégea vos tendres années

Pour hâter vos sacrés plaisirs :
Jaloux d'une plus belle vie,
La fleur de vos jours est ravie
Sans vous coûter de vains regrets;
Vous tombez dans la nuit profonde
Trop tôt pour l'ornement du monde,
Trop tard encor pour vos souhaits.

Dans les célestes tabernacles
Transmis des portes du trépas,
Touchez, changez, par vos miracles,
Ceux qui n'en reconnoissent pas;
Que Dieu, par des lois glorieuses,
Change en palmes victorieuses
Les cyprès de vos saints tombeaux;
Et que vos cendres illustrées,

De la foi, morte en nos contrées,
Viennent rallumer les flambeaux!

Fiers conquérants, héros profanes,
Pendant vos jours dieux adorés,
Que peuvent vos coupables mânes?
Vos sépulcres sont ignorés ;
Par le noir abyme engloutie,
Votre puissance anéantie
N'a pu survivre à votre sort;
Tandis que, de leur sépulture,
Les saints régissent la nature,
Et brisent les traits de la mort.

Tout change. Des divins cantiques
Je n'entends plus les sons pompeux;
Le ciel me voile ses portiques
Dans un nuage lumineux.

Tout a disparu comme un songe :
Mais ce n'est point un vain mensonge

Qui trompe mes sens éblouis;

Rome a parlé; tout doit l'en croire: Son oracle a marqué la gloire

De Stanislas et de Louis.

Peuples, dans des fêtes constantes

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