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O vains attraits de délices mortelles !

Tous les dortoirs étoient jonchés de fleurs ;
Café parfait, chansons, course légere,
Tumulte aimable et liberté pléniere;
Tout exprimoit de charmantes ardeurs,
Rien n'annonçoit de prochaines douleurs :
Mais, de nos sœurs ô largesse indiscrete!
Du sein des maux d'une longue diete
Passant trop tôt dans des flots de douceurs,
Bourré de sucre, et brûlé de liqueurs,
Ver-Vert tombant sur un tas de dragées,
En noirs cyprès vit ses roses changées.
En vain les sœurs tâchoient de retenir
Son ame errante et son dernier soupir;
Ce doux excès hâtant sa destinée,
Du tendre amour victime fortunée,
Il expira dans le sein du plaisir.
On admiroit ses paroles dernieres..
Vénus enfin, lui fermant les paupieres,
Dans l'Élysée et les sacrés bosquets
Le mene au rang des héros perroquets,
Près de celui dont l'amant de Corine
A pleuré l'ombre et chanté la doctrine.
Qui peut narrer combien l'illustre mort
Fut regretté! La sœur dépositaire
En composa la lettre circulaire

D'où j'ai tiré l'histoire de son sort.
Pour le garder à la race future,

Son portrait fut tiré d'après nature.
Plus d'une main, conduite par l'amour,
Sut lui donner une seconde vie

Par les couleurs et par la broderie;

Et la douleur, travaillant à son tour,
Peignit, broda des larmes à l'entour.
On lui rendit tous les honneurs funebres
Que l'Hélicon rend aux oiseaux célebres.
Au pied d'un myrte on plaça le tombeau
Qui couvre encor le Mausole nouveau :
Là, par la main des tendres Artémises,
· En lettres d'or ces rimes furent mises
Sur un porphyre environné de fleurs:
En les lisant on sent naître ses pleurs :

Novices, qui venez causer dans ces bocages
A l'insu de nos graves sœurs,

Un instant, s'il se peut, suspendez vos ramages;
Apprenez nos malheurs.

Vous vous taisez : si c'est trop vous contraindre,
Parlez, mais parlez pour nous plaindre ;

Un mot vous instruira de nos tendres douleurs :
Ci gît Ver-Vert, ci gisent tous les cœurs.

On dit pourtant (pour terminer ma glose

En

peu

de mots) que l'ombre de l'oiseau

Ne loge plus dans le susdit tombeau;
Que son esprit dans les nonnes repose,
Et qu'en tout temps, par la métempsychose,
De sœurs en sœurs l'immortel perroquet
Transportera son ame et son caquet.

FIN DE VER-VERT.

LE CARÊME

IN-PROMPTU.

Sous un ciel toujours rigoureux,
Au sein des flots impétueux,
Non loin de l'armorique plage,
Il est une isle, affreux rivage,
Habitacle marécageux,
Moitié peuplé, moitié sauvage,
Dont les habitants malheureux,
Séparés du reste du monde,
Semblent ne connoître que l'onde,
Et n'être connus que des cieux.
Des nouvelles de la nature

Viennent rarement sur ces bords;

On n'y sait que par aventure,

Et

par

de très tardifs rapports,

Ce qui se passe sur la terre,

Qui fait la paix, qui fait la guerre,

Qui sont les vivants et les morts.

De cette étrange résidence Le curé, sans trop d'embarras, Enseveli dans l'indolence

D'une héréditaire ignorance,
Vit de baptême et de trépas,
Et d'offices qu'il n'entend pas;
Parmi les notables de l'isle

Il est regardé comme habile
Quand il peut dire quelquefois
Le mois de l'an, le jour du mois.
On va penser que j'exagere,
Et que j'outre le caractere :

«

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Quelle apparence, dira-t-on ?
Quelle isle assez abandonnée

Ignore le temps de l'année?

<< Non, ce trait ne peut être bon

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Que dans une isle imaginée

« Par le fabuleux Robinson. »
De grace, censeur incrédule,
Ne jugez point sur ce soupçon.
Un fait narré sans fiction
Va vous enlever ce scrupule:

Il porte la conviction;

Je n'y mettrai que la façon.

Le curé de l'isle susdite,

Vieux papa, bon israélite,
(N'importe quand advint le cas )
N'avoit point avant les étrennes
Fait apporter de nos climats

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