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>> pues : ce qui est clair; parcequ'il s'en est con- Ce qu'il dit dans le Système de l'Eglise est » servé dans le règne même de l'Antechrist et encore plus fort, puisqu'il entreprend d'y prou» dans celle de toutes les religions, qui, sans ver par l'Apocalypse : « que l'Eglise peut être » avoir renoncé aux principes de la religion, » dans Babylone, et que Babylone peut entrer » est pourtant la plus antichrétienne. Saint » dans l'Église'. Il est vrai, poursuit-il, nous >> Paul nous dit expressément que l'Antechrist » soutenons, et nous avons raison de soutenir, » doit être assis dans le temple de Dieu, c'est-│» que l'Église romaine est la Babylone spiri» à-dire, dans une Église qui sera chrétienne,» tuelle dépeinte dans l'Apocalypse; mais Dieu >> et qui aura assez de reste du véritable chris- >> dit de cette Babylone: Sortez de Babylone, >> tianisme pour conserver le nom d'Église et de » mon peuple; de peur que participant à ses » temple de Dieu. Ces cent quarante-quatre » péchés, vous ne participiez à ses peines. » » mille de l'Apocalypse sont représentés être Voilà donc encore une fois le peuple de Dieu » dans l'empire de l'Antechrist, comme les Israé- dans Babylone; et cela jusqu'au moment où ses >>> lites étoient dans l'Égypte; où les poteaux de crimes sont montés si haut, qu'elle n'a plus à >> leurs maisons furent marqués, afin que l'ange attendre que la dernière sentence, et qu'il n'y a » destructeur ne les touchât point '. » Voilà, ce plus aucun délai à son supplice. me semble, des élus en assez grand nombre, et assez bien marqués, dans l'Église de l'Antechrist, c'est-à-dire, selon le ministre, dans la romaine, sans que son antichristianisme les en empêche. Mais achevons le passage, puisque nous y sommes : « Les Églises de l'Orient et du Midi sont » assurément dans une grande décadence. »Sans doute selon les principes du ministre; puisqu'on y voit bien assurément tout le culte et des images et des saints, qu'on nous impute à idolatrie. L'Église des Abyssins n'est pas trop pure, » puisque, outre ces idolâtries, on y suit les erreurs de Dioscore, et on y déteste la sainte doctrine du concile de Chalcédoine. « Cependant, » poursuit le ministre, il n'y a pas lieu de nou» TER que Dieu ne s'y conserve un résidu selon » l'élection de la grace; car jamais la parole » n'est préchée en un pays, que Dieu ne lui» de la captivité de Babylone; et pendant que » donne efficace à l'égard de quelques uns. » Voilà toujours son grand principe, qui est la fécondité de la parole de Dieu partout où elle est prêchée.

Mais, afin que cette parole ait cette fécondité et cette efficace, il ne faut pas s'imaginer qu'elle doive être prêchée dans sa pureté; puisque, comme on voit, ces Églises ne sont guère pures. Il n'y a point d'Église moins pure que celle de l'Antechrist; et néanmoins on y trouve cent quarante-quatre mille élus. Votre ministre a écrit ces choses; vous les voyez, vous les lisez de vos propres yeux; et toutefois, mes chers Frères, il se tient si assuré de vous faire croire tout ce qu'il voudra, qu'il ose nier qu'il les ait écrites, et il se fait fort de vous persuader que jamais il n'a songé à mettre des élus parmi nous, ni à confesser qu'on se sauve dans notre communion, parceque c'est la communion de l'Antechrist.

Avis à tous les Chrét, avant l'Acc. p. 48, 49. Préj. légit. I. part. ch. 1, p. 46.

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Entreprenez sa défense, imaginez tout ce qu'il peut dire ; et lui-même au mème moment il le réfutera. Vous pourriez croire que ce peuple, qui est renfermé dans Babylone jusqu'à ce moment fatal, n'est appelé le peuple de Dieu que selon la prédestination éternelle. Mais, non, dit M. Jurieu 2, « il ne faut pas dire que le peu» ple de Dieu sorte de Babylone, comme les » chrétiens sortent du milieu des païens quand » ceux-ci se convertissent: car Dieu n'appelle >> point son peuple des gens en état de damna» tion; et si le peuple de Dieu renfermé dans » Babylone étoit lui-même un peuple babylo

nien, Dieu ne le pourroit plus appeler son » peuple. Il est plus clair que le jour que Dieu » dans ces paroles, Sortez de Babylone, mon » peuple, fait allusion au retour du peuple juif

» les Juifs furent dans Babylone, ils ne cessè>> rent pas d'être Juifs, et le peuple de Dieu. » Vous le voyez, mes chers Frères: il ne dit pas seulement, mais il prouve, par tous les principes dont on convient dans la réforme, que le vrai peuple de Dieu, le peuple justifié, le peuple saint et séparé des méchants par la grace qu'il a reçue, se trouve dans sa Babylone, qui est l'Église romaine, jusqu'au moment de sa chute: et cet homme ose dire encore qu'il n'a jamais enseigné qu'on se sauvât parmi nous.

Mais, dit-il, ceux qui s'y sauvent, ce sont les enfants: car il avoue dans sa Lettre, qu'il dit bien que « dans l'Église romaine il y a une infinité » d'ames sanctifiées par la vertu du christia»> nisme; » mais qu'il a ajouté, que « ces ames sont >> celles des enfants qui ont été baptisés au nom » de Jésus-Christ, et qui étant morts avant l'âge » de raison, n'ont pris aucune part aux abomi

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quoi le confondre plus démonstrativement. Le ministre propose deux voies dont Dieu se sert pour sauver son peuple au milieu de la corruption de Babylone: la première est la voie de | tolérance, parcequ'il supporte les erreurs et les superstitions en ceux qui y vivent de bonne foi, et qui d'ailleurs ont beaucoup de piété et de charité '; la seconde, est la voie de séparation : parcequ'il éclaire ceux qu'il veut sauver, jusqu'à leur faire séparer la doctrine divine des additions humaines 2. C'est ainsi, dit-il, qu'on se sauve dans le règne même de l'Antechrist. Or constamment ce n'est pas ainsi que Dieu veut sauver les enfants: ni il ne supporte leurs erreurs, ni il ne leur donne de discernement. Ce n'est donc pas eux qu'on entend par ce peuple sauvé dans Babylone, ce sont les adultes: ce sont, dis-je, ceux-là qui, selon les principes de votre ministre, sont sauvés dans l'Église romaine, non seulement en rejetant ses prétendues erreurs, mais encore en les croyant de bonne fois

»> nations du papisme '. » Ce qu'il répète encore une fois en ces termes : « Nous ne reconnois» sons d'élus dans l'Église romaine qu'entre les » enfants qui ne sauroient prendre part à ses ido» låtries 2. » Sans doute, c'est aux enfants qui n'ont pas atteint l'âge de raison que s'adresse cette parole: Sortez de Babylone, mon peuple: ils entendront à merveille que Babylone, c'est l'Église romaine; que c'est celle-là d'où il faut sortir, et qu'il faut passer en Hollande pour se joindre au peuple de Dieu. Les enfants entendent cela avant l'usage de la raison, et ils sont le peuple de Dieu à qui s'adresse cette voix du ciel. Qu'on espère de vous faire croire de telles absurdités! Mais si vous n'avez pas oublié ce que votre docteur vient de vous dire, ceux qui se sauvent dans la communion romaine, c'est-àdire dans la Babylone spirituelle, ont été comparés aux Juifs qui étoient dans la Babylone temporelle ou en Egypte, qui sans doute étoient des adultes, et non pas de petits enfants avant l'âge de raison. On attribuoit tout à l'heure le salut Vous ne croyiez pas, mes chers Frères, qu'on de ce grand nombre d'élus, qui se trouve dans en put venir parmi vous dans la conjoncture Babylone et sous le règne de l'Antechrist, à l'ef- présente jusqu'à nous donner cet avantage; mais ficace de la parole, qui n'est jamais prêchée Dieu l'a voulu ainsi : Dieu, qui a soin de votre inutilement 3. Est-ce que ces enfants écouteront salut, a voulu vous donner ce témoignage par la cette parole; et qu'à la faveur des vérités qu'elle bouche d'un ministre, d'ailleurs si implacable contient, ils sauront bien se séparer de la corenvers nous; et il n'a pu s'en défendre. Car il a ruption? Pour qui veut-on vous faire passer, et déclaré formellement que la voie de la tolérance dans quel rang met-on ceux qu'on espère con- pour les erreurs regarde ceux qui y vivent de tenter par de tels moyens? Il n'y a donc rien à bonne foi; et ce qu'il n'a dit qu'en passant dans répondre à des passages si clairs: les plus sourds ses Préjugés légitimes 3, il l'explique à fond dans les entendent, les plus ignorants en sont frappés; son Système, où il parle ainsi : «Pour ce qui est et il ne vous reste que le seul refuge où l'on se» des sectes qui renversent le fondement par jette ordinairement quand on n'en peut plus : c'est additions, sans l'òter pourtant, » (vous entende dire ce que tous les jours nous entendons de dez bien que c'est de nous et de nos semblables votre bouche: Nous ne saurions vous répondre; qu'il veut parler) « il est certain qu'on n'y peut mais notre ministre, s'il étoit ici, vous répondroit» communier sans péché; et afin de pouvoir esbien. Quelle réponse pour des gens à qui tout est clair, et qui croient pouvoir décider seuls audessus de tous les docteurs et de tous les synodes! Mais encore, ce misérable refuge vous estil fermé à cette fois. Il n'est pas question de dire que votre ministre répondra quand on lui objectera ces passages tirés de ses livres, on les lui a objectés dans l'Histoire des Variations ; vous les trouverez dans ce livre xv, qu'il reconnoit avoir lu, et auquel il s'est engagé de répondre, du moins pour les endroits qui le touchent. Il ne dit mot néanmoins de ceux-ci; et ees témoignages qu'il a portés contre lui-même lui ferment

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» pérer de Dieu quelque tolérance, il faut pre>> mièrement qu'on y soit engagé par la nais»sance. 2. Qu'on ne puisse communier avec >> aucune autre société plus pure. C'est pourquoi » il n'eût pas été permis de communier tantôt » avec les vaudois, et tantôt avec les prétendus » catholiques. 3. Qu'on y communie de bonne » foi, croyant qu'elle a conservé l'essence des » sacrements, et qu'elle n'oblige à rien contre la » conscience. » Vous voyez donc clairement que ceux qui se sauvent dans ces communions impures, où néanmoins les fondements susbsistent toujours, ce sont ceux qui y vivent de bonne foi et qui croient qu'on n'y oblige à rien qui blesse la conscience. « Car, poursuit-il, si on croit que

Jur. ibid. p. 57. — 2 Préj. I. part. ch. 1, p. 17. — Ibid. -4 - Syst, liv. 1, p. 458, 159, 164, 174, 175, 195, 259.

» cette société oblige à quelque chose contre la » conscience, on péche mortellement quand on participe à ses sacrements: c'est pourquoi il » ne vous est pas permis de communier alterna»tivement avec les prétendus catholiques et » avec les réformés; parcequ'étant dans les sen»timents des réformés, nous sommes persuadés que le papisme nous oblige dans sa commu»nion à bien des choses contre la conscience, » comme, dit-il, à adorer le sacrement:» par où l'on voit manifestement qu'il a compris l'Église romaine avec celles où l'on peut se sauver en y vivant de bonne foi, c'est-à-dire en participant sincèrement à sa doctrine et à son cuite; et c'est pourquoi il n'oblige à péché mortel, que ceux qui communieroient, ou adoreroient avec nous, sans croire de bonne foi notre doctrine.

On voit par là le pas important qu'il a fait au-delà de M. Claude et du commun de sa secte. M. Claude, avant la réforme, ne sauvoit parmi nous que ceux qui n'étoient pas de bonne foi, en demeurant dans le sein de notre Église sans y croire: M. Jurieu, qui a bien vu combien il étoit absurde de ne sauver que les hypoc ites, a été forcé de passer outre, et d'accorder le salut plutôt à la bonne foi qu'à la tromperie.

Il est vrai qu'il semble y mettre deux cond tions: l'une qu'on soit engagé à une communion par la naissance; l'autre, qu'on ne puisse communier avec une société plus pure. Mais il tempère lui-même la première condition, en disant que ceux qui passent de bonne foi, et par persuasion, dans les sectes qui ne ruinent ni ne renversent le fondement, au nombre desquels il nous met, comme on a vu, ne sont pas en autre état que ceux qui y sont nés et pour l'autre condition, qui est celle de ne pas pouvoir communier avec une société plus pure, il est fort commode pour cela; puisqu'en disant qu'il faut rompre avec les conciles qui détruisent les fondements de la religion, soit en les niant, soit en les renversant, il y appose la condition: si on est en état de pouvoir le faire '. Les questions qu'il propose ensuite, vous feront encore mieux connoître ses intentions. « Il semble, ditil 2, que si l'idée de l'Église renferme généra»lement toutes les sectes, on puisse sans scru» pule passer de l'une à l'autre; être tantôt » grec, tantôt latin, tantôt réformé, tantôt pa» piste, tantôt calviniste, tantôt luthérien. » Telle est la question qu'il propose, où l'on voit qu'il met également les latins et les grecs, les papistes et les prétendus réformés: et il répond premièrement, qu'il n'est pas permis de passer d'une

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communion à une autre pour faire profession de croire ce qu'on ne croit pas; ce qui est très assuré: mais, secondement, il ajoute qu'on y peut passer, comme on vient de voir, sans risque de son salut, en changeant de sentiment, » lorsqu'on passe dans les sectes qui ne ruinent » ni ne renversent le fondement '. »

Lorsque pour répondre à ce passage il dit qu'il faut entendre sa proposition des sectes qui ne renversent en aucune sorte le fondement de la religion, ni en le niant, ni en y mélant des erreurs mortelies, telles que sont les idolâtries qu'il nous impute 2: il est battu premièrement par tous les endroits où il a sauvé, non seulement les Grecs aussi idolâtres que nous, mais encore les nestoriens et les eutychiens, qui joignent d'autres erreurs à ces prétendues idolatries; et secondement par toutes les preuves par lesquelles on a démontré qu'il met des idolâtres reconnus pour tels par lui-même, non seulement au nombre des sauvés, mais encore au rang des plus grands saints.

Si tout cela ne démontre pas qu'il a sauvé parmi nous d'autres gens que les enfants décédés avant l'usage de raison, je ne sais plus ce qu'il y a de démonstratif. Mais voici encore une autre preuve, qui n'est pas moins concluante: « Nous » avouons, dit-il 3, à M. de Meaux, que l'Église » dont Jésus-Christ parle là » (dans le passage de saint Matthieu, xvi, où il dit que l'enfer ne prévaudra point contre l'Église), « est une » Église confessante, une Église qui publie la » foi, une Église par conséquent extérieure et >> visible; mais nous nions que cette Église con»fessante, et qui publie la foi, soit une certaine communion chrétienne, distincte et séparée » de toutes les autres. C'est l'amas de toutes les » communions qui prêchent un mème Jésus» Christ, qui annoncent le même salut, qui don» nent les mêmes sacrements en substance, » qui enseignent la même doctrine; » en sub stance encore, et quant aux points fondamenteaux, comme il vient de dire car s'il vouloit qu'en tout et partout on enseignât jusqu'aux moindres points la même doctrine, il sortiroit visiblement de son système, et ne pourroit plus sauver, comme il fait, ni les nestoriens, ni les jacobites, ni les Grecs; et c'est pourquoiil ajoute que l'Église dont Jésus-Christ parle ici, « est un >> corps qui renferme toutes les communions, » lesquelles retiennent le fondement de la foi. » Or il nous comprend dans ce corps; il nous met dans cet amas, comme on a vu, et comme il le dità chaque page de son livre, et en particulier dans cet 'Lett. XI. Syst. p. 215.

1 Syst. p. 173

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endroit, puisque c'est de nous en particulier et de l'Eglise romaine qu'il s'agit. C'est dans cet amas que sont les élus : le ministre le décide ainsi par ces paroles : « Dans ce corps visible et » externe est renfermée l'ame de l'Église, les » fidèles et les vrais saints'; » et un peu plus bas: «Quelque sens qu'on donne à cet article » (c'est à l'article du Symbole où l'on croit l'É>> glise universelle), et quoique l'on avoue que » par là il faut entendre une vraie Église visible, >> les prétendus catholiques n'en peuvent tirer » aucun avantage; puisque cette Église visible, » laquelle nous faisons profession de croire, est >> celle qui est répandue dans toutes les com>> munions véritablement chrétiennes, et dans » laquelle est renfermée la partie invisible, qui » sont les élus et les vrais saints. » Nous sommes, comme on a vu plusieurs fois, une de ces communions véritablement chrétiennes, c'est à-dire de celles où l'on retient les fondements de la foi; et nous sommes par conséquent une de ces communions où l'on est contraint d'avouer que les saints sont renfermés. Qu'on ne nous objecte donc plus nos idolâtries prétendues comme exclusives du salut. Nous annonçons dans le fond le même salut que les autres qu'on reconnoît pour véritables chrétiens en l'annonçant, nous y conduisons; puisque, selon les principes du Système, on ne l'annonce pas inutilement, et que la parole de Dieu n'est pas stérile. Qu'on ne nous objecte plus que nous retranchons avec la coupe une partie substantielle de l'eucharistie. Nous avons les sacrements en substance; et il n'y a aucune raison ni générale ni particulière de nous priver du salut. On ne peut ici se réduire aux enfants qui meurent parmi nous après le baptême et avant l'âge de raison: car il n'auroit fallu parler, ni de la doctrine, ni de la prédication, puisqu'ils n'y ont aucune part en l'état où ils sont. Les adultes se sauvent donc parmi nous, comme parmi les autres vrais chrétiens qui font une communion et retiennent les fondements; et c'est en vain qu'on voudroit tâcher de renfermer le salut dans les enfants. En effet, dans le même endroit où le ministre semble s'y réduire; sentant bien en sa conscience qu'il n'y a pas moyen de s'en tenir là, il ajoute que s'il y avoit quelques élus entre les adultes, cela étant absolument inconnu ne pouvoit servir à rien2: comme s'il y avoit sur la terre une communion où l'on connût les élus, ou que l'on sût qu'il y en a par une autre voie que par celle qui a forcé le ministre à en mettre selon ses principes dans toutes les sociétés où la parole de

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Dieu est prêchée, c'est-à-dire par l'efficace et par la fécondité de cette parole.

C'en seroit trop sur cette matière, si elle étoit de moindre importance, et si le ministre à qui nous avons affaire vouloit agir de bonne foi: mais comme il ne cherche qu'à éluder tout ce qu'il a dit de plus clair, il faut l'accabler de preuves. Car, après tout, quelle raison l'auroit empêché de nous sauver avec tous les autres, c'est-à-dire, non seulement avec les luthériens, qui font partie des protestants, mais encore avec ceux qu'on ne met point en ce rang; avec les Grecs, les jacobites et les nestoriens, à qui il ne dénie pas qu'il ait accordé le salut? Commençons par ce qui regarde le culte; car c'est ce qu'on fait passé pour le point le plus essentiel. On ne nie pas que les Grecs n'aient avec nous le culte des saints, celui des reliques et des images, ni que ce culte n'ait passé en dogme constant au second concile de Nicée tenu et approuvé dans l'Église grecque. Les nestoriens et les jacobites sont dans les mêmes pratiques : le fait est constant, et personne ne le conteste : ils sont donc déja idolâtres comme nous et comme les Grecs; et néanmoins on se sauve parmi eux. Venons à ce qui regarde la personne de Jésus-Christ et son incarnation. Sans disputer maintenant du sentiment des nestoriens et des eutychiens, ou demi-eutychiens et jacobites, vous avez vu que M. Jurieu les a sauvés, en présupposant dans la doctrine des nestoriens la désunion des Personnes, et dans celles des eutychiens la confusion des natures. Vous avez vu, dis-je, qu'on peut être sauvé en croyant l'humanité absorbée dans la nature divine, et la personne de JésusChrist divisée en deux.

Passons à la doctrine de la grace et de la prédestination. Vous sauvez les luthériens, encore que, de l'aveu de M. Jurieu, ils soient demipélagiens, et qu'ils attachent la conversion de l'homme à des actes purement humains où la grace n'a aucune part. Vous en avez vu les passages dans le deuxième Avertissement.

Vous avez vu, dans le même endroit, que les mêmes luthériens nient que les bonnes œuvres soient nécessaires au salut, et qu'ils avouent qu'on se peut sauver sans exercer les vertus et sans aimer Dieu; ce qui va à l'extinction de la piété, et n'empêche pas néanmoins qu'ils ne parviennent au salut.

Disons un mot des sacrements. Ce seroit une cruauté, selon le ministre 2, de chasser de l'Église et d'exclure du salut ceux qui admettent d'autres sacrements que le baptême et la cène ;

Ci-des: ns. p. 219.2 Syst. p. 359, 548.

et loin de nous en exclure pour y avoir ajouté la | confirmation, l'extrême-onction et les autres, il n'en exclut même pas les chrétiens d'Éthiopie, à qui il fait recevoir la circoncision à titre de sacrement, encore que saint Paul ait dit: Si vous recevez la circoncision, Jésus-Christ ne vous servira de rien'. Tout cela est objecté dans les Variations 2, et tout cela a passé sans contradiction.

Pour la présence réelle, on n'a plus besoin d'en parler; et il y a trop longtemps qu'on est convenu, en faveur des luthériens, que cette doctrine, qui nous rangeoit autrefois au nombre des anthropophages, est devenue innocente et sans venin. L'ubiquité, doctrine insensée et monstrueuse, s'il en fut jamais, de l'aveu de vos ministres, où l'on fait Jésus-Christ, en tant qu'homme, aussi immense que Jésus-Christ en tant que Dieu, est tolérée dans les luthériens avec la présence réelle; quoiqu'au fond cette doctrine emporte avec elle l'eutychianisme tout pur, et l'humanité absorbée dans la nature divine: mais cela même est déja passé aux jacobites, avec tout le reste.

Pour peu qu'il y eût de bonne foi, il ne faudroit plus disputer de la transsubstantiation, puisqu'il n'y a presque plus de protestants qui ne la reconnoissent parmi les Grecs, et que les savants la trouvent si claire dans les liturgies des nestoriens et des eutychiens, qu'il n'y a pas moyen de le nier mais du moins, à quelque excès que l'on porte l'impudence, on ne niera pas parmi eux, non plus que parmi les Grecs, une oblation et un sacrifice dans la célébration de l'eucharistie, et un sacrifice offert à Dieu pour les morts comme pour les vivants, et pour les péchés des uns et des autres. Tout cela passe, et on se sauve avec tout cela; avec le culte des saints et l'idolâtrie des reliques et des images; avec un sacrifice propitiatoire pour les vivants et les morts, puisque c'est pour les péchés des uns et des autres; avec la présence réelle et toutes ses suites; et ce qui est bien plus étrange, avec l'ubiquité des luthériens, avec le nestorianisme, l'eutychianisme, le semi-pélagianisme. Et qu'est-ce qui ne passe point avec ces monstres d'erreurs? Ce ne sont point seulement les enfants que le ministre a voulu sauver dans toutes ces sectes en vertu de leur baptême; ce sont les adultes, qui y vivent de bonne foi, et ne songent seulement pas à en sortir autrement il retomberoit dans la cruauté qu'il rejette, de damner tant de chrétiens qui lui paroissent de bonne foi. Ouvrant la porte du ciel à tant d'hérétiques,

Gal. v. 2. — Var. liv. xv, p. 143.

quel front eût-il fallu avoir pour nous en exclure!

Mais le grand principe du ministre l'oblige encore plus à nous recevoir. Car, comme on a vu souvent, ce qui l'oblige à sauver tant de sectes, et des sectes si corrompues de son aveu propre, c'est la fécondité, qui selon lui est inséparable de la parole de Dieu, quoiqu'impurement préchée. Or la parole de Dieu se prêche parmi nous autant et plus sans difficulté, que parmi les jacobites et les Grecs. Dieu seroit cruel, selon le ministre, si cette parole n'étoit prêchée que pour rendre les hommes plus inexcusables; et c'est de là qu'il conclut qu'elle a son effet entier dans toutes ces sectes, et qu'elle y sauve quelqu'un. C'est pousser la haine trop avant et trop au-delà de toutes les bornes, que de nous faire les seuls pour qui Dieu puisse être cruel; les seuls qui, en retenant les fondements du salut, et les prêchant si solidement, ne puissions sauver personne; les seuls à qui il faille imputer les conséquences que nous nions. Avoir un pape à sa tête pour maintenir l'unité et le bon ordre, même en tempérant sa puissance par l'autorité des canons, est-ce un crime si détestable, qu'il vaille mieux nier la grace, rejeter la nécessité des bonnes œvres, diviser la personne de Jésus-Christ, absorber son humanité dans sa nature divine, et tout cela en termes formels? Ce seroit une cruauté et une absurdité tout ensemble, qu'un front humain ne pourroit soutenir.

Après cela, si on nous demande d'où vient donc que les protestants sont si difficiles envers nous; et que M. Jurieu, qui nous admet au salut, fait semblant de s'en repentir: la raison en est bien aisée; et ce ministre nous apprend luimême que c'est une fausse politique. C'est ce qu'il a dit clairement à la fin de la préface de son Système. Ce Système, qui met tant de sectes dans l'Église universelle, et les admet au salut, selon lui est un dénouement des plus grandes difficultés qu'on puisse faire à la réforme; et ce ministre déclare que si on n'a pas encore beaucoup appuyé là-dessus,c'est l'effet de la politique du parti: c'est, en un mot, qu'on a vu qu'il seroit facile d'attirer les protestants qui aiment la paix, dans la communion de l'Église, si une fois on leur avouoit qu'on s'y pût sauver. Il n'y a personne qui ne fut bien aise d'assurer son salut par ce moyen; et voilà bien certainement cette politique dont se plaint M. Jurieu, et qui a empêché jusqu'ici qu'on n'appuyât beaucoup sur son système.

Je lui ai fait cette objection dans le livre des Variations', et il n'a eu rien à répliquer : mais

Var. liv. xv. p. 142.

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