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Il ne faut pourtant pas ôter à nos prétendus | C'est ce qu'a dit M. Jurieu, c'est ce qu'a dit réformés le mot d'examen dont on les a toujours M. Claude, et c'est à quoi se réduit toute la déamusés. Outre l'examen de discussion, on sait fense de la réforme. que M. Jurieu en a trouvé encore un autre, qu'il appelle, « d'attention ou d'application de » la vérité à l'esprit, qui, dit-il ', est le moyen >> ordinaire par lequel la foi se forme dans les » fidèles. Cela consiste, dit-il, dans ce que la vé» rité, qui proprement est la lumière du monde » intelligible, vient s'appliquer à l'esprit, tout de » même que la lumière sensible s'applique aux >> yeux corporels: » ce qu'il explique en un autre endroit encore plus précisément 2, lorsqu'il dit que « ce qui fait proprement le grand effet >> pour la production de la foi, c'est la vérité » même qui frappe l'entendement comme la lu» mière frappe les yeux. »

A la vérité, on ne voit pas bien pourquoi cette application de la vérité s'appelle examen; puisque les yeux bien assurément n'ont point à examiner si c'est la lumière qu'ils découvrent, et qu'ils ne font autre chose que s'ouvrir pour la recevoir. Mais sans disputer des mots, ni raffiner sur les réflexions dont M. Jurieu prétend que cette application de la vérité est accompagnée, souvenons-nous seulement que « cet exa» men, qu'il appelle d'attention et d'application, » n'est rien que le goût de l'ame qui distingue » le bon du mauvais, le vrai du faux, comme le » palais distingue l'amer du doux. »

Ce moyen est aisé sans doute : mais par malheur la même expérience qui a détruit la discussion, détruit encore ce prétendu goût, ce prétendu sentiment. Ne disons donc point aux ministres ce que nous leur avons déja objecté“, que tout cela se dit en l'air et sans fondement, contre les propres principes de la réforme, avec un péril inévitable de tomber dans le fanatisme : laissons les raisonnements, et tenons-nous-en à l'expérience. Ce qu'il y aura de gens sensés et de bonne foi dans la réforme avoueront franchement qu'ils ne sentent pas plus ce goût, cette évidence de la vérité aussi claire que la lumière du soleil, dans les mystères de la Trinité, de l'incarnation et les autres, qu'ils ont senti par la discussion le vrai sens de tous les passages de l'Écriture: on flattoit leur présomption en leur disant qu'ils entendoient l'Écriture par la discussion des passages; on les flatte d'une autre manière en leur disant qu'ils goûtent et qu'ils sentent la vérité des mystères avec autant de clarté qu'on sent le blanc et le noir, l'amer et le doux. Rien ne peut les empêcher de s'apercevoir de l'illusion qu'on leur fait, ni de sentir qu'on n'a fait que changer les termes; que ce qu'on appelle goût et sentiment n'est au fond que leur prévention et la soumission qu'on leur inspire pour les sentiments qu'ils ont reçus de leur Église et de leurs ministres ; qu'on les mène en aveugles, et que quelque nom qu'on donne à la recherche qu'on leur propose de la vérité, soit celui de discussion ou celui de sentiment et de goût, on les remet par un autre tour sous l'autorité dont on leur a fait secouer le joug.

C'est ce qu'il appelle ailleurs la voie d'adhésion ou d'adhérence", et plus ordinairement la voie d'impression, de sentiment, ou de goût, qu'il reconnoît être la même dont s'étoit servi M. Claude. Par cette voie on rend aux réformés la facilité dont on les a toujours flattés de se résoudre par eux-mêmes, et on leur donne un moyen aisé de trouver tous les articles de la foi, En cet état un socinien ou rigide ou mitigé non plus par la discussion, qu'on reconnoit impossible et peu nécessaire pour eux, mais par vient doucement et sans s'échauffer vous prosentiment et par goût. Il ne faut que leur pro- poser son troisième et dernier principe, qui renposer un amas de vérités, un sommaire de la ferme toute la force ou plutôt tout le venin de la doctrine chrétienne: alors, indépendamment de secte je le répète : « Où l'Ecriture paroît entoute discussion, et même, ce qu'il y a de plus »seigner des choses que la raison ne peut atremarquable, «< indépendamment du livre où la» teindre par aucun endroit; il la faut tourner >> doctrine de l'Évangile et de la véritable reli»gion est contenue, » c'est-à-dire constamment de l'Écriture, la vérité leur est claire; << on la sent comme on sent la lumière quand » on la voit, la chaleur quand on est auprès du » feu, le doux et l'amer quand on en mange. »

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Ibid. liv. II, c. 19, p. 580, 381 et suiv. — 2 P 383. 3 Ibid. liv. II, c. 24, p. 443. Ibid. liv. II. c. 20, 21. 23: - Ibid. liv. 11, c. 5, 9, 10. 5 Ibid. liv. III, c. 2, 5. 5. liv. 11, c. 23, p. 428, 455 et suiv. Var. liv. xv, p. 160 et suic - Syst. ibid. p. 455.

» au sens dont la raison s'accommode, quoiqu'on » semble faire violence au texte. » Je soutiens qu'un prétendu réformé tombe nécessairement dans ce piége: car, dit-il, la Trinité et l'incarnation sont mystères impénétrables à ma raison : tout mon esprit, tous mes sens se révoltent contre : l'Écriture, qu'on me propose pour me les faire recevoir, fait le sujet de la dispute: la discussion m'est impossible et mes ministres l'avouent;

Var. liv. xv, p. 146 et suiv.

l'évidence de sentiment dont ils me flattent n'est qu'illusion : ils ne me laissent sur la terre nulle autorité qui puisse me déterminer dans cet embarras que reste-t-il à un homme dans cet état, que de se laisser doucement aller à cette religion de plain-pied qui aplanit toutes les hauteurs, comme disoit M. Jurieu? On y tombe naturellement, et il ne faut pas s'étonner si la pente vers ce parti est si violente, et le concours si fréquent de ce côté-là.

On ne sauroit donc rejeter trop loin cette mé thode, qui soumet toute l'Écriture et toute la foi au raisonnement humain. Mais voyons si la réforme peut s'exempter de cet inconvénient:

L'auteur des Avis demande à M. Jurieu, comment il dispose son cœur dans les mystères que la raison ne peut atteindre par aucun endroit'. Et ce ministre lui répond : « Je sacrifie » à Dieu, qui est la première vérité, toutes les » résistances de ma raison : la révélation divine Mais le rusé socinien ne s'en tient pas là; et » devient ma souveraine raison 2. » Cette réil soutient au calviniste, qu'il ne peut nier son ponse seroit admirable dans une autre bouche; principe. « Pourquoi, dit-il', ne croyons-nous mais, pour la faire avec efficace à un socinien, il >> pas que Dieu ait des mains et des yeux, ce que faut donc poser pour principe, que parto t où » l'Écriture dit si expressément? c'est parceque il s'agit de révélation on doit imposer silence au >> ce sens est contraire à la raison. Il en est de raisonnement humain, et n'écouter qu'un Dieu qui » même de ces paroles: Ceci est mon corps: parle. Ainsi, lorsqu'il s'agira de la présence réelle » si vous ne mangez ma chair et ne buvez mon et du sens de ces paroles: Ceci est mon corps, » sang, » etc. Ce sont les paroles du subtil au- il n'est plus permis de répondre, comme fait teur, qui a donné au public des avis sur le Ta- M. Jurieu3: « L'Église romaine croit avoir une bleau du socinianisme 2. Il engage M. Jurieu » preuve invincible de la présence réelle, dans dans son principe par un exemple qu'il ne peut » ces paroles de Jésus-Christ : Si quelqu'un ne rejeter. Dans ces paroles, Ceci est mon corps, » mange ma chair, etc. Prenez, mangez, ceci tout le calvinisme reconnoît une figure, pour » est mon corps. Cette prétendue manducation éviter la violence que la lettre fait à la raison »> nous conduit à des prodiges, à renverser les et au sens humain : qui peut donc après cela >> lois de la nature, l'essence des choses, la naempêcher le socinien d'en'faire autant sur ces » ture de Dieu, et l'Écriture sainte ; à nous renparoles Le Verbe étoit Dieu, le Verbe a été » dre mangeurs de chair humaine. De là je confait chair et ainsi des autres ? S'il faut de né- >> clus, sans balancer, qu'il y a de l'illusion dans cessité mettre au large la raison humaine, et » la preuve et de la figure dans le texte. » Mais, que ce soit là le grand ouvrage de la réforme, je vous prie, que fait autre chose le socinien? pourquoi ne pas l'affranchir de tous les mystères Ne trouve-t-il pas dans la Trinité, dans l'incaret en particulier de celui de la Trinité ou de ce-nation, dans l'immutabilité de Dieu, dans sa lui de l'incarnation, comme de celui de la pré-prescience, dans le péché originel, dans l'étersence réelle; puisque la raison n'est pas moins nité des peines, des prodiges, des renversechoquée de l'un que de l'autre ? ments de la nature de Dieu et de l'essence des choses? Faut-il donc entrer avec lui dans cette discussion, et jeter de simples fidèles dans la plus subtile et la plus abstraite métaphysique? Où est donc ce sacrifice de résistance de notre raison, qu'on nous promettoit? Et s'il nous faut disputer et devenir philosophes, que devient la simplicité de la foi?

M. Jurieu déteste cette proposition de Fauste Socin sur la satisfaction de Jésus-Christ « Quand cela se trouveroit écrit non pas une >> fois, mais souvent dans les écrits sacrés, je ne >> croirois pourtant pas que la chose allât comme » vous pensez : car, comme cela est impossible, » j'interpréterois les passages en leur donnant » un sens commode, comme je fais avec les au- M. Jurieu dira peut-être : J'emploie, il est » tres en plusieurs autres passages de l'Écri- vrai, la résistance de la raison contre la pré>>ture 3. » Notre ministre déteste, et avec rai-sence réelle: mais c'est aussi que la raison y réson, cette parole de Socin. Car, en suivant la méthode qu'il nous y propose, il n'y a plus rien de fixe dans l'Écriture: à chaque endroit difficile on sera réduit à soutenir thèse sur l'impossibilité; et au lieu d'examiner en simplicité de cœur ce que Dieu dit, il faudra à chaque moment disputer de ce qu'il peut.

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siste plus qu'à la Trinité, à l'incarnation et aux autres mystères que le socinien rejette. Vous voilà donc, encore un coup, à disputer sur le plus et sur le moins de la résistance: il faut faire argumenter le simple fidèle, il en faut faire un philosophe, un dialecticien ; et celui dont vous ne voulez pas charger la foiblesse ou l'igno

↑ Tr. 1, art. 1. p. 45. *Lett. in, p. 431. - Des deux Souv, c. 8, p. 162.

rance, de la discussion de l'Écriture, est jeté dans la discussion des subtilités de la philosophie la plus abstraite et la plus contentieuse. Est-ce là ce chemin aisé et cette voie abrégée de conduire le chrétien aux vérités révélées?

| tons le passage que nous venons de citer sur
ces paroles: Ceci est mon corps: le sens de la
présence réelle « nous conduit, dit-il, à des pro-
» diges, à renverser les lois de la nature, l'es-
>> sence des choses, la nature de Dieu,
l'Écriture
» sainte; à nous rendre mangeurs de chair hu-
>> maine. » L'Écriture est nommée ici, je l'avoue;
car aussi pouvoit-on l'omettre sans abandonner
la cause? Mais l'on voit par où l'on commence,
ce qu'on exagère, ce qu'on met devant l'Écri-
ture, ce qu'on met après; et on ressent manifes-
tement que ce qui choque et ce qui décide en
cette occasion, c'est enfin naturellement la rai-
son humaine. On sent qu'elle a succombé à la
tentation de ne pas vouloir se résoudre à croire
des choses où elle a tant à souffrir: c'est en effet
ce qui frappe tous les calvinistes. Un catholique
ou un luthérien commence avec eux une dis-
pute forcé par l'impénétrable hauteur des mys-
tères dont la croyance est commune entre nous
tous, le calviniste reconnoît qu'il ne faut point
appeler la raison humaine dans les disputes de
la foi. Là dessus on lui demande qu'il la fasse
taire dans la dispute de l'eucharistie comme dans
les autres. La condition est équitable: il faut
que le calviniste la passe. C'en est donc fait: ne
parlons plus de raison humaine, ni d'impossibi-
lité, ni des essences changées; que Dieu parle
ici tout seul. Le calviniste vous le promettra
cent fois; cent fois il vous manquera de parole,
et vous le verrez toujours revenir aux peines
dont sa raison se sent accablée: Mais je ne vois
que du pain? Mais comment un corps humain
en deux lieux et dans cet espace? Je n'en ai ja-
mais vu un seul qui ne se replongeât bientôt
dans ces difficultés, qui à vrai dire sont les seu-
les qui les frappent. Calvin, comme les autres,
promettoit souvent aux luthériens, lorsqu'il dis-
putoit avec eux sur cette matière', de ne point
faire entrer de philosophie ou de raisonnement

Mais, direz-vous, il ne s'agit pas de raisonnement j'ai les sens mêmes pour moi; et je vois bien que du pain n'est pas un corps. Ignorant, qui n'entendez pas que toute la difficulté consiste à savoir si Dieu peut réduire un corps à une si petite étendue! Le luthérien croit qu'il le peut; et si vous vous obstinez à vouloir conserver le pain avec le corps, il le conserve, et donne aux sens tout ce qu'ils demandent. Vous n'avez donc rien à lui dire de ce côté-là, et vous voilà à disputer sur la nature des corps; à examiner jusqu'à quel point Dieu a voulu que nous connussions le secret de son ouvrage, et s'il ne voit pas dans la nature des corps comme dans celle des esprits quelque chose de plus caché et de plus foncier, pour ainsi dire, que ce qu'il en a découvert à notre foible raison. Il faut donc alambiquer son esprit dans ces questions de la possibilité ou impossibilité, c'est-à-dire, dans les plus fines disputes où la raison puisse entrer, ou plutôt dans les plus dangereux labyrinthes où elle puisse se perdre. Et après tout, s'il se trouve vrai que Dieu puisse réduire un corps à une si petite étendue; qui doute qu'il ne puisse le cacher où il voudra, et sous telle apparence qu'il voudra? Il a bien caché ses anges, des esprits si purs, sous la figure des corps, et fait paroitre son Saint-Esprit sous la forme d'une colombe: pourquoi donc ne pourroit-il pas cacher quelque corps qu'il lui plaira sous la figure, sous les apparences, sous la vérité s'il le veut ainsi, de quelque autre corps que ce soit; puisqu'il les a tous également dans sa puissance? Donc le sens ne décide pas: donc c'est le raisonnement le plus abstrait qu'il faut appeler à son secours, et la plus fine dialectique. Mais s'il faut être dialecti-humain dans cette dispute: cependant à toutes cien ou philosophe pour être chrétien, je veux l'être partout, dira le socinien: je veux soumettre à ma raison tous les passages de l'Écriture où je la trouverai choquée, et autant ceux qui regardent la Trinité et l'incarnation, que ceux qui regardent la présence réelle. On peut discourir, on peut écrire, on peut chicaner sans fin mais à un homme de bonne foi ce raisonnement n'a point de réplique.

M. Jurieu dira sans doute que ce n'est pas la raison seule, mais encore l'Écriture sainte qu'il oppose au luthérien et au catholique sur ces paroles: Ceci est mon corps. Mais outre, comme nous verrons, que le socinien en fait bien autant, voyons ce qui a frappé M. Jurieu, et répé

les pages il y retomboit. Si les calvinistes se font justice, ils avoueront qu'ils n'en usent pas d'une autre manière, et qu'ils en reviennent toujours à des pointilles du raisonnement hu

main.

Maisn'allèguent-ils pas l'Écriture? Sans doute, de la même sorte que font les sociniens: Je suis la vigne, je suis la porte; la pierre étoit Christ: ils prouvent parfaitement bien qu'il y a dans l'Écriture des façons de parler figurées: donc celle-ci, Ceci est mon corps, est de ce genre. C'est ainsi qu'un socinien raisonne : il y a tant de façons de parler où il faut admettre une fi

A Cont. Hesh. Cont. Vest,

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gure; pourquoi celle-ci, Le Verbe étoit Dieu, le Verbe a été fait chair, ne seroit-elle pas de ce nombre? Ils sauront fort bien vous dire que Jésus-Christ étant sur la terre le représentant de Dieu, revêtu de sa vérité, inondé de sa vertu toute-puissante, on le peut aussi bien appeler Dieu et vrai Dieu, que le pain de l'eucharistie est appelé corps. Vous voilà donc dans les discussions, dans la conférence des passages, dans l'embarras des disputes, auxquelles vous ne vouliez pas vous assujettir.

damne pas, d'avec les autres, et connoître par conséquent quelles erreur on peut supporter, et jusqu'où l'on doit étendre la tolérance: en un mot, quelle raison il y a d'en exclure les sociniens plutôt que les luthériens. C'est ce qu'il faudroit pouvoir établir par l'Écriture; mais c'est à quoi les ministres ne songent seulement pas. Au lieu de nous faire voir dans les saints livres la désignation de ces articles fondamentaux, le sommaire qui les ramasse, ou la marque qui les distingue de tous les autres objets de la révélation, M. Jurieu se jette dans un long raisonnement où il prétend faire voir, sans dire un mot de l'Écriture, qu'il y a trois caractères pour distinguer ces vérités fondamentales : le premier est la révélation; le second est le poids et l'importance; le troisième est la liaison de certaines vérités avec la fin de la religion.

Il ne faut pas s'arrêter au caractère de révélation, qui est le premier; puisque c'est là que le ministre est d'accord qu'il y a cent et cent vérités de droit et de fait révélées dans l'Écriture, qui néanmoins ne sont pas fondamentales: ce caractère n'est donc pas fort propre à distin

Mais, direz-vous, l'Écriture est claire pour moi c'est la question. Le socinien ne prétend pas moins à cette évidence que vous: voilà donc toujours la foi dépendante des disputes; et ce moyen abrégé de l'établir tout d'un coup et sans discussion vous échappe. Mais enfin si l'Écriture est si claire en cette matière, d'où vient que le luthérien ne peut l'entendre depuis plus de cent cinquante ans de disputes? Vous ne direz pas que c'est un profane, ennemi de Dieu, de qui il retire ses lumières, comme vous pourrez le dire d'un socinien. Il est du nombre des enfants de Dieu, du nombre de ceux qu'il enseigne, qu'il reçoit à sa table et dans son royaume. Vou-guer ces vérités d'avec les autres. Passons au selez-vous faire dépendre la foi d'un simple fidèle, d'une dispute qui demeure encore indécise après ́un si long temps? Avouez donc la vérité: sentez-la du moins : ce n'est pas l'Écriture qui vous détermine, la méthode socinienne vous entraîne; et de deux sens qu'on donne à ces paroles, Ceci est mon corps, vous vous résolvez par celui qui flatte la raison humaine. Ainsi seront entraînés tous ceux qui mépriseront les décisions de l'Église; et tant qu'on ne voudra point fonder sur une promesse certaine une autorité infaillible, qui arrête la pente des esprits, la facilité déterminera, et la religion où il y aura le moins de mystères sera nécessairement la plus»cond caractère, qui est le poids et l'imporsuivie.

cond, qui est le poids et l'importance; où d'abord il est certain qu'il faut entendre un poids et une importance qui aille jusqu'à rendre ces vérités nécessaires au salut : car le ministre ne dira pas que Dieu qui se glorifie par son prophète d'enseigner des choses utiles: Je suis, dit-il 2, le Seigneur ton Dieu, qui l'enseigne des choses utiles, prenne le soin d'en révéler de peu importantes. Ce n'est donc rien de prouver en général que ces vérités soient importantes, si l'on ne prouve qu'elles le sont jusqu'à être de la dernière nécessité pour le salut. Cela posé, écoutons ce que nous dira le ministre : « Sur le se

»tance, il faut savoir que le bon sens et la rai

» une vérité est importante ou non à la religion : » tout de même qu'il lui a donné des yeux pour » distinguer si un objet est blanc ou noir, grand » ou petit, et des mains pour connoitre si un » corps est pesant ou léger. » Voilà de ces évįdences que la réforme nous prêche. M. Claude

Mais voici dans les écrits des indifférents un » son seule en peuvent juger. Dieu a donné à attrait plus inévitable pour les calvinistes. L'au-» l'homme un discernement capable de juger si teur des Avis demande M. Jurieu une règle pour discerner les articles fondamentaux d'avec les autres '. Car il est constant, et le ministre en convient, « qu'outre les vérités fonda» mentales, l'Écriture contient cent et cent vé» rités DE DROIT ET DE FAIT, dont l'ignorance » ne sauroit damner 2. » Il s'agiroit donc de sa-nous les expliquoit d'une autre façon, et nous voir si, en lisant l'Écriture, le peuple, les ignorants et les simples, c'est-à-dire, sans comparaison la plus grande partie de ceux que Dieu appelle au salut, pourroient trouver cette règle pour discerner les vérités dont l'ignorance ne

1 Avis, Tr. 1, art. 1, p. 19. — 2 Tab. Lett. 111, p. 449.

disoit : qu'on sent naturellement que l'ame est suffisamment remplie de la vérité, comme on sent naturellement que le corps a pris une nourriture suffisante. Ces ministres pensent par là trouver un asile où l'on ne puisse les forcer.

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>> l'appelez vous-même', d'une laideur prodi»gieuse en lui-même, et encore plus prodigieuse » dans ses conséquences; puisqu'il ramène au >> monde la confusion des natures en Jésus-Christ, » et non seulement celle de l'ame avec le corps, >> mais encore celle de la divinité avec l'huma»> nité, et en un mot l'eutychianisme détesté » unanimement de toute l'Eglise: » à quoi sentez-vous, je vous prie, que le poids d'une telle erreur, si grossière, si charnelle et si manifestement contraire à l'Écriture, ne précipite pas les ames dans l'enfer? Mais cette erreur abomi

Car qui osera disputer avec un homme sur ce qu'il vous dit de son goût, ou prouver à un entêté de sa religion quelle qu'elle soit, qu'il n'a pas ce goût qu'il nous vante, et qu'il ne sent pas comme à la main le poids des vérités du christianisme jusqu'à savoir discerner celles qui sont nécessaires au salut d'avec les autres? Sans doute ils ont trouvé là un beau moyen de chicaner. Mais ce qu'il y a d'abord à leur dire, c'est que, sous prétexte de cette évidence de goût et de sentiment, ils renoncent formellement à prouver par l'Ecriture l'importance et la nécessité des vérités fondamentales. M. Jurieu y est ex-nable d'ôter à la créature toute liberté, et de près: « Il est très certain, dit-il', qu'il est très » important de savoir si Jésus-Christ est Dieu, » ou s'il ne l'est pas; s'il est mort pour satis>> faire à la justice de Dieu pour nous; si Dieu >> connoit les choses à venir, s'il est infini ou » non, s'il est l'auteur de tout le bien qui se fait » en nous. » Et un peu après : « Si l'Écriture sainte ne dit pas que ces vérités SOIENT DE LA » DERNIÈRE IMPORTANCE ET NÉCESSAIRES AU SA» Lut, c'est parceque cela se voit et se sent as» sez: on ne s'avise point, quand on fait des >> philosophes, de leur dire que le feu est chaud et » que la neige est blanche, parceque cela se » sent 2. » Ce n'est donc point par l'Écriture qu'on prouve les articles fondamentaux ; chacun les connoit à son goût, c'est-à-dire, chacun les désigne à sa fantaisie, sans qu'on le doive ou qu'on le puisse convaincre ou désabuser sur ces articles.

Que si on sent que ces articles sont nécessaires au salut, à plus forte raison doit-on sentir qu'ils sont véritables. Si on sent, par exemple, comme M. Jurieu vient de le dire, qu'il est nécessaire au salut de croire que Dieu est l'auteur de tout | le bien qui se fait en nous, à plus forte raison doit-on sentir que c'est une vérité constante; car il est clair que la croyance d'une fausseté ne peut pas être nécessaire au salut. Voilà les controverses bien abrégées: on n'a qu'à dire qu'on sent et qu'on goûte, pour se mettre hors de toute atteinte; et par la même raison, vous avez beau dire à un homme: Cela se goûte, cela se sent; s'il n'a ni ce sentiment ni ce goût, il vous quittera bientôt, et sa perte sera sans remède comme ses erreurs.

faire Dieu en termes formels auteur de tous les péchés, comment la pardonnez-vous à Luther? Vous l'en avez convaincu; vous lui avez démontré que c'est un blasphème qui tend au manichéisme, qui renverse toute religion 2, et dont néanmoins il ne s'est jamais rétracté. Où étoit le goût de la vérité dans ce chef des réformateurs lorsqu'il blasphémoit de cette sorte ? Mais où étoit-il dans les autres réformateurs, qui constamment blasphémoient de même ? Et par quel goût sentez-vous que cette impiété ne les empêchoit pas d'être fidèles serviteurs de Dieu? On a démontré plus clair que le jour aux luthériens, dans l'Histoire des Variations et dans le troisième Avertissement', qu'ils sont devenus semipélagiens, en attachant la grace de la conversion à une chose qui selon eux ne dépend que du libre arbitre, c'est-à-dire, au soin d'assister à la prédication; ce qui est, en termes formels, attribuer à nos propres forces le commencement de notre salut, sans que la grace y soit nécessaire. J'ai rapporté les endroits de Beaulieu, fameux ministre de Sedan, où il a convaincu les luthériens de cette erreur : M. Basnage l'a reconnue o, et il passe à M. de Meaux cette insigne variation de la réforme. Mais l'aveu de M. Jurieu est encore ici plus considérable; puisque dans sa Consultation au docteur Scultet, il entreprend de lui démontrer ce semi-pélagianisme des luthériens en les convainquant d'enseigner que pour avoir la grace de la conversion il faut que l'homme fasse auparavant le devoir de se convertir par ses forces et ses connoissances naturelles : ce qui est le pur et franc semi-pélagianisme, et enferme tout le venin de l'hérésie pélagienne. Ainsi le fait est constant,

Qu'ainsi ne soit: à quoi sentez-vous que la présence réelle confessée par les luthériens ne Jur. Consult. p, 242. Var. Addit, au liv. xiv, p, 126. soit pas une erreur fondamentale, et qu'ils puissent impunément être des mangeurs de chair. Addit. p. 125, 124 et suiv. Jur. Consult. II. part. c. 8, p.

humaine? Mais ce dogme de l'ubiquité, «mons>>tre affreux, énorme et horrible, comme vous

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249 et suiv. 11o Avert. p. 203, 204 et suiv. - Var. liv. XIV, p. 98 et suiv. Addit. ibid. - 1 Var. liv. yıl, p. 662, 663 et suiv. Liv. xiv, p. 119 et suiv. IIIo Avert. p. 225 el suiy.— Var. liv. XIV, n. 149. • Basn. T. u, l. 5. c. 2, n. 4. Jur. Consult. p. 147, 148. Var. Addit. p. 125. III® Avert, p. 225 et suiv,

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