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toutes sortes de causes, mis ici sans restriction, | résie: il régla les conditions sous lesquelles une comme on avoit fait dans l'acte du parlemènt, doctrine passeroit pour hérétique; et où ces emportoient une pleine souveraineté, même dans conditions ne se trouveroient pas dans cette docles causes ecclésiastiques, sans en excepter celles trine, il défendit de la condamner, et s'en réde la foi; ils eurent honte d'un si grand excès, serva la connoissance '. Il ne s'agit pas de saet y apportèrent ce tempérament : « Quand nous voir si la règle que le parlement prescrivit est >> attribuons à la majesté royale ce souverain bonne ou mauvaise; mais si le parlement, un » gouvernement dont nous apprenons que plu- corps séculier dont les actes reçoivent du prince » sieurs calomniateurs sont offensés, nous ne leur validité, peut décider sur les matières de » donnons pas à nos rois l'administration de la la foi, et s'en réserver la connoissance, c'est» parole et des sacrements; ce que les ordon-à-dire, se l'attribuer, et l'interdire aux évê>>nances de notre reine Élisabeth montrent clai-ques, à qui Jésus-Christ l'a donnée: car ce que » rement: mais nous lui donnons seulement la disoit le parlement, qu'il agiroit de concert » prérogative que l'Écriture attribue aux princes avec l'assemblée du clergé 2, n'étoit qu'une >> pieux, de pouvoir contenir dans leur devoir illusion, puisqu'enfin c'étoit toujours réserver » tous les ordres, soit ecclésiastiques, soit laïques, la suprême autorité au parlement, et écouter » et réprimer les contumaces par le glaive de la les pasteurs plutôt comme consulteurs dont on » puissance civile. » prenoit les lumières, que comme juges naturels, à qui seuls la décision appartenoit de droit divin. Je ne crois pas qu'un cœur chrétien puisse écouter sans gémir un tel attentat sur l'autorité pastorale et sur les droits du sanctuaire.

Cette explication est conforme à une déclaration que la reine avoit publiée; où elle disoit d'abord, qu'elle étoit fort éloignée de vouloir administrer les choses saintes1. Les protestants, aisés à contenter sur le sujet de l'autorité ecclésiastique, crurent par là être à couvert de tout ce que la suprématie avoit de mauvais; mais en vain: car il ne s'agissoit pas de savoir si les Anglois attribuoient à la royauté l'administration de la parole et des sacrements. Qui les a jamais accusés de vouloir que leurs rois montassent en chaire, ou administrassent la communion et le baptême? et qu'y a-t-il de si rare dans cette déclaration, où la reine Élisabeth reconnoit que ce ministère ne lui appartient pas? La question étoit de savoir si dans ces matières la majesté royale a une simple direction et exécution extérieure, ou si elle influe au fond dans la validité des actes ecclésiastiques. Mais encore qu'en apparence on la réduisit dans cet article à la simple exécution, le contraire paroissoit trop dans la pratique. La permission de prêcher s'accordoit par lettres-patentes et sous le grand-sceau. La reine faisoit les évêques avec la même autorité que le roi son père et le roi son frère, et | pour un temps limité, si elle vouloit. La commission pour les consacrer émanoit de la puissance royale. Les excommunications étoient décernées par la même autorité. La reine régloit par ses édits non seulement le culte extérieur, mais encore la foi et le dogme, ou les faisoit régler par son parlement, dont les actes recevoient d'elle leur validité2; et il n'y a rien de plus inoui que ce qu'on y fit alors.

Le parlement prononça directement sur l'hé

'Burn. liv. II. p. 591.—2 Burn. II. part liv. u. p. 360, 570, 373, 579, 580, 583, 590, 591, 593, 594, 597, etc,

Mais de peur qu'on ne s'imagine que toutes ces entreprises de l'autorité séculière sur les droits du sanctuaire fussent simplement des usurpations des laïques, sans que le clergé y consentît, sous prétexte qu'il auroit donné l'explication que nous avons vue à la suprématie de la reine dans l'article xXXVII de la Confession de foi, ce qui précède et ce qui suit fait voir le contraire. Ce qui précède; puisque ce synode, composé, comme on vient de voir, des deux ordres du clergé, voulant établir la validité de l'ordination des évêques, des prêtres, et des diacres, la fonde sur la formule contenue « dans le livre de la consécration des archevê» ques et évêques, et de l'ordination des prê» tres et des diacres, fait DEPUIS PEU, dans le » temps d'Édouard VI, et confirmé par l'auto» rité du parlement 3. » Foibles évêques, malheureux clergé, qui aime mieux prendre la forme de la consécration dans le livre fait DEPUIS PEU, il n'y avoit que dix ans, sous Edouard VI, et confirmé par l'autorité du parlement, que dans le livre des sacrements de saint Grégoire, auteur de leur conversion, où ils pouvoient lire encore la forme selon laquelle leurs prédécesseurs, et le saint moine Augustin leur premier apôtre, avoient été consacrés; quoique ce livre fût appuyé, non point à la vérité par l'autorité des parlements, mais par la tradition universelle de toutes les Églises chrétiennes.

Voilà sur quoi ces évêques fondèrent la vali

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dité de leur sacre, et celle de l'ordination de | Confession de la vraie foi chrétienne, selon la leurs prêtres et de leurs diacres '; et cela se fit parole de Dieu, et les actes de nos parleconformément à une ordonnance du parlement ments'. de 1559, où le doute sur l'ordination fut résolu par un arrêt qui autorisoit le cérémonial des ordinations joint avec la liturgie d'Édouard: de sorte que si le parlement n'avoit pas fait ces actes, l'ordination de tout le clergé seroit demeurée douteuse.

Les évêques et leur clergé, qui avoient ainsi mis sous le joug l'autorité ecclésiastique, finissent d'une manière digne d'un tel commencement, lorsque ayant expliqué leur foi dans tous les articles précédents, au nombre de xxxIx, ils en font un dernier où ils déciarent que « ces ar>>ticles, autorisés par l'approbation et le con» sentement, per assensum et consensum, de » la reine Élisabeth, doivent être reçus et exé>> cutés par tout le royaume d'Angleterre. » Où nous voyons l'approbation de la reine, et non seulement son consentement par soumission, mais encore son assentiment, pour ainsi parler, par expresse délibération, mentionné dans l'acte comme une condition qui le rend valable; en sorte que les décrets des évêques sur les matières les plus attachées à leur ministère reçoivent leur dernière forme et leur validité dans le même style que les actes du parlement par l'approbation de la reine, sans que ces foibles évêques aient osé témoigner, à l'exemple de tous les siècles précédents, que leurs décrets, valables par eux-mêmes et par l'autorité sainte que Jésus-Christ avoit attachée à leur caractère, n'attendoient de la puissance royale qu'une entière soumission et une protection extérieure. C'est ainsi qu'en oubliant avec les anciennes institutions de leur Église le chef que JésusChrist leur avoit donné, et se donnant eux-mêmes pour chefs leurs princes, que Jésus-Christ n'avoit pas établis pour cette fin, ils se sont de telle sorte ravilis, que nul acte ecclésiastique, pas même ceux qui regardent la prédication, les censures, la liturgie, les sacrements, et la foi même, n'a de force en Angleterre qu'autant qu'il est approuvé et validé par les rois; ce qui au fond donne aux rois plus que la parole, et plus que l'administration des sacrements, puisqu'il les rend souverains arbitres de l'un et de

l'autre.

C'est par la même raison que nous voyons la première Confession de l'Ecosse, depuis qu'elle est protestante. Oubliée au nom des états et du parlement 2, et une seconde Confession du mème royaume, qui porte pour titre : Générale

'Burn, loc. mox cit. p. 580 2 Synt. Gen. I. part. p. 109.

Il a fallu une infinité de déclarations différentes pour expliquer que ces actes n'attribuoient pas la juridiction épiscopale à la royauté: mais tout cela n'est que des paroles; puisqu'au fond il demeure toujours pour certain, que nul acte ecclésiastique n'a de force dans ce royaume-là, non plus qu'en celui d'Angleterre, si le roi et le parlement ne les autorisent.

J'avoue que nos calvinistes paroissent bien éloignés de cette doctrine; et je trouve non seulement dans Calvin, comme je l'ai déja dit, mais encore dans les synodes nationaux, des condamnations expresses de ceux qui confondent le gouvernement civil avec le gouvernement ecclésiastique, en faisant le magistrat chef de l'Eglise, ou en soumettant au peuple le gouvernement ecclésiastique 2. Mais il n'y a rien parmi ces messieurs qui ne s'accommode, pourvu qu'on soit ennemi du pape et de Rome: tellement qu'à force d'explications et d'équivoques les calvinistes ont été gagnés, et on les a fait venir en Angleterre jusqu'à souscrire la suprématie.

On voit, par toute la suite des actes que nous avons rapportés, que c'est en vain qu'on nous veut persuader que sous le règne d'Élisabeth cette suprématie ait été réduite à des termes plus raisonnables que sous les règnes précédents, puisqu'on n'y voit au contraire aucun adoucissement dans le fond. Un des fruits de la primauté fut que la reine envahit les restes des biens de l'Église, sou prétextes d'échanges désavantageux, mème ceux des évêchés, qui seuls jusqu'alors étoient demeurés sacrés et inviolables. A l'exemple du roi son père, pour engager sa noblesse dans les intérêts de la primauté et de la réforme, elle leur fit don d'une partie de ces biens sacrés: et cet état de l'Église, mise sous le joug dans son spirituel et dans son temporel tout ensemble, s'appelle la réfor mation de l'Eglise, et le rétablissement de la pureté évangélique.

Cependant, si on doit juger, selon la règle de l'Evangile, de cette réformation par ses fruits, il n'y a jamais eu rien de plus déplorable; puisque l'effet qu'a produit ce misérable asservissement du clergé, c'est que la religion n'y a plus été qu'une politique: on y a fait tout ce qu'ont voulu les rois. La réformation d'Édouard, où

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l'on avoit changé toute celle de Henri VIII, a changé elle-mème en un moment sous Marie, et Élisabeth a détruit en deux ans tout ce que Marie avoit fait.

même temps que la réformation anglicane prit sa forme sous cette reine. Après environ trente ans, nos réformés se lassèrent de tirer leur gloire de leur souffrance: leur patience n'alla Les évêques, réduits à quatorze, demeurè- pas plus loin. Ils cessèrent aussi d'exagérer à rent fermes avec cinquante ou soixante ecclé- nos rois leur soumission. Cette soumission ne siastiques': mais, à la réserve d'un si petit dura qu'autant que les rois furent en état de les nombre, dans un si grand royaume, tout le contenir. Sous les forts règues de François Ier reste fut entraîné par les décisions d'Élisabeth et de Henri II ils furent à la vérité fort soumis, avec si peu d'attachement à la doctrine nou- et ne firent aucun semblant de vouloir prendre velle qu'on leur faisoit embrasser, « qu'il y a les armes. Le règne aussi foible que court de « même de l'apparence, de l'aveu de M. Bur- François II leur donna de l'audace: ce feu long»> net 2, que si le règne d'Élisabeth eût été temps caché éclata enfin dans la conjuration » court, et si un prince de la communion ro- d'Amboise. Cependant il restoit encore assez » maine eût pu parvenir à la couronne avant la de force dans le gouvernement pour éteindre la » mort de tous ceux de cette génération, on les flamme naissante: mais durant la minorité de » auroit vus changer avec autant de facilité Charles IX, et sous la régence d'une reine dont » qu'ils avoient fait sous l'autorité de Marie. » toute la politique n'ailoit qu'à se maintenir par Dans cette même Confession de foi, confir- de dangereux ménagements, la révolte parut mée sous Élisabeth en 1562, il y a deux points tout entière, et l'embrasement fut universel par importants sur la Justification. Dans l'un on re- toute la France. Le détail des intrigues et des jette assez clairement l'inamissibilité de la jus- guerres ne me regarde pas ; et je n'aurois même tice, en déclarant « qu'après avoir reçu le Saint-point parlé de ces mouvements, si, contre tou>> Esprit nous pouvons nous éloigner de la grace » donnée, et ensuite nons relever et nous cor»riger3. » Dans l'autre, la certitude de la prédestination semble tout-à-fait excluse; lorsqu'après avoir dit que « la doctrine de la prédestina» tion est pleine de consolation pour les vrais » fidèles, en confirmant la foi que nous avons » d'obtenir le salut par Jésus-Christ,» on ajoute, « qu'elle précipite les hommes charnels » ou dans le désespoir, ou dans une pernicieuse » sécurité malgré leur mauvaise vie. » Et on conclut, « qu'il faut embrasser les promesses » divines comme elles nous sont proposées EN » TERMES GÉNÉRAUX dans l'Ecriture, et suivre » dans nos actions la volonté de Dieu, comme >> elle est expressément révélée dans sa parole; » ce qui semble exclure cette certitude spéciale où on oblige chaque fidèle en particulier à croire, comme de foi, qu'il est du nombre des élus et compris dans ce décret absolu par lequel Dieu veut les sauver: doctrine qui en effet ne plait guère aux protestants d'Angleterre; quoique non seulement ils la souffrent dans les calvinistes, mais encore que les députés de cette Église l'aient autorisée, comme nous verrons, dans le synode de Dordrect.

La reine Élisabeth favorisoit secrètement la disposition que ceux de France avoient à la révolte : ils se déclarèrent à peu près dans le

* Burn. liv. III, p. 591. Ibid. p. 595.3 Synt. Gen. 1. part. Conf Angl. art. XVI. XVII, p. 102. Liv. xiv. Burn. liv. 111, p. 339, 617.

tes les déclarations et protestations précédentes, ils n'avoient produit dans la réforme cette nouvelle doctrine, qu'il est permis de prendre les armes contre son prince et sa patrie pour la cause de la religion.

On avoit bien prévu que les nouveaux réformés ne tarderoient pas à en venir à de semblables attentats. Pour ne point rappeler ici les guerres des Albigeois, les séditions des Viclefistes en Angleterre, et les fureurs des Taborites en Bohême, on n'avoit que trop vu à quoi avoient abouti toutes les belles protestations des luthériens en Allemagne. Les ligues et les guerres au commencement détestées, aussitôt que les protestants se sentirent devinrent permises; et Luther ajouta cet article à son évangile. Les ministres des Vaudois avoient encore tout nouvellement enseigné cette doctrine; et la guerre fut entreprise dans les Vallées contre les dues de Savoie, qui en étoient les souverains'. Les nouveaux réformés de France ne tardèrent pas à suivre ces exemples, et on ne peut pas douter qu'ils n'y aient été engagés par leurs docteurs.

Pour la conjuration d'Amboise, tous les historiens le témoignent; et Bèze même en est d'accord dans son Histoire ecclésiastique. Ce fut sur l'avis des docteurs, que le prince de Condé se crut innocent, ou fit semblant de le croire ; quoiqu'un si grand attentat eût été entrepris sous ses ordres. On résolut dans le parti de lui

Thuan. lib. xxvi, 1560, 1. 11, p. 17. La Poplin. l. VI. p. 245, 253.

fournir hommes et argent, afin que la force lui demeurát de sorte qu'il ne s'agissoit de rien moins, après l'enlèvement violent des deux Guises dans le propre château d'Amboise où le roi étoit, que d'allumer dès-lors dans tout le royaume le feu de la guerre civile '. Tout le gros de la réforme entra dans ce dessein; et la province de Xaintonge est louée par Bèze en cette occasion, d'avoir fait son devoir comme les autres 2. Le même Bèze témoigne un regret extrême de ce qu'une si juste entreprise a manqué, et en attribue le mauvais succès à la déloyauté de quelques-uns.

Il est vrai qu'on voulut donner à cette entreprise, comme on a fait à toutes les autres de cette nature, un prétexte de bien public, pour y attirer quelques catholiques, et sauver à la réforme l'infamie d'un tel attentat. Mais quatre raisons démontrent que c'étoit au fond une affaire de religion, et une entreprise menée par les réformés. La première, est qu'elle fut faite à l'occasion des exécutions de quelques-uns du parti; et surtout de celle d'Anne du Bourg, ce fameux prétendu martyr. C'est après l'avoir racontée avec les autres mauvais traitements qu'on faisoit aux luthériens (alors on nommoit ainsi toute la Réforme) que Bèze fait suivre l'histoire de la conspiration; et à la tête des motifs qui la firent naître, il met « ces façons de faire ou» vertement tyranniques, et les menaces dont >> on usoit à cette occasion envers les plus grands >> du royaume : » comme le prince de Condé et les Châtillons. C'est alors, dit-il, que « plusieurs >> seigneurs se réveillèrent comme d'un profond » sommeil : d'autant plus, continue cet histo» rien, qu'ils considéroient que les rois François » et Henri n'avoient jamais voulu attenter à la >> personne des gens d'État (c'est-à-dire, des » gens de qualité), se contentant de battre le » chien devant le loup; et qu'on faisoit tout le » contraire alors: qu'on devoit pour le moins, à » cause de la multitude, user de remèdes moins » corrosifs, et n'ouvrir pas la porte à un million » de séditions. »

En vérité l'aveu est sincère. Tant qu'on ne punit que la lie du peuple, les seigneurs du parti ne s'émurent pas, et les laissèrent traîner au supplice. Lorsqu'ils se virent menacés comme les autres, ils songèrent à prendre les armes, ou, comme parle l'auteur, « chacun fut contraint de » penser à son particulier; et commencèrent >> plusieurs à se rallier ensemble, pour regarder » à quelque juste défense, pour remettre sus

' Thuan. 1560; t. 1, l. xx1v, p, 752, La Poplin. l. vi. Bèze, Hist. Eccles. l. 11, p. 250, 254, 270. — Ibid. 313.

» l'ancien et légitime gouvernement du royau-
» me. » Il falloit bien ajouter ce mot pour cou-
vrir le reste; mais ce qui précède fait assez
voir ce qu'on prétendoit, et la suite le justifie
encore plus clairement. Car ces moyens de juste
défense furent, que « la chose étant proposée
>> aux jurisconsultes et gens de renom de France
» et d'Allemagne, comme aussi aux plus doctes
» théologiens, il se trouva qu'on se pouvoit lé-
» gitimement opposer au gouvernement usurpé
» par ceux de Guise, et prendre les armes à un
>> besoin pour repousser leur violence; pourvu
» que les princes du sang qui sont nés en tels
» cas légitimes magistrats, ou l'un d'eux le vou-
» lût entreprendre, surtout à la requête des
» états de France, ou de la plus saine partie
» d'iceux '. » C'est donc ici une seconde dé-
monstration contre la nouvelle réforme, en ce
que les théologiens que l'on consulta étoient
protestants; comme il est expressément expliqué
par M. de Thou, auteur non suspect 2. Et Bèze
le fait assez voir, lorsqu'il dit qu'on prit l'avis
des plus doctes théologiens qui, selon lui, ne
pouvoient être que des réformés. On en peut bien
croire autant des jurisconsultes; et jamais on
n'en a nommé aucun qui fût catholique.

Une troisième démonstration, qui résulte des mêmes paroles, c'est que ces princes du sang, magistrats nés dans cette affaire, furent réduits au seul prince de Condé, protestant déclaré, quoiqu'il y en eût pour les moins cinq ou six autres, et entre autres le roi de Navarre, frère aîné du prince et premier prince du sang; mais que le parti craignoit plutôt qu'il n'en étoit assuré : circonstance qui ne laisse pas le moindre doute, que le dessein de la nouvelle réforme ne fût d'être maîtresse de l'entreprise.

Et non seulement le prince est le seul qu'on met à la tête de tout le parti; mais, ce qui fait la quatrième et dernière conviction contre la réforme, c'est que cette plus saine partie des états dont on demandoit le concours, furent presque tous de ces Réformés. Les ordres les plus importants et les plus particuliers s'adressoient à eux, et l'entreprise les regardoit seuls 3; car le but qu'on s'y proposa étoit, comme l'avoue Beze ', qu'une Confession de foi fút présentée au roi, pourvu d'un bon et légitime conseil. On voit assez clairement que ce conseil n'auroit jamais été bon et légitime que le prince de Condé avec son parti n'en fût le maître,

Bèze, Hist. Eccles. l. 1, p. 249. — Lib. xxiv, p. 372, edit. Genev. — La Poplin. l. vi, p. 164, etc. — ↑ Hist. Eccl. l. I, p. 313.

et que les réformés n'eussent obtenu ce qu'ils | pouvoit produire? enfin de prendre les armes vouloient. L'action devoit commencer par une par tout le royaume, avec résolution de ne les requête qu'ils eussent présentée au roi pour poser qu'après qu'on auroit forcé le roi à faire avoir la liberté de conscience; et celui qui con- tout ce qu'on voudroit '? Quand il ne faudroit duisoit tout fut La Renaudie, un faussaire, et ici regarder que l'injure particulière qu'on faisoit condamné comme tel à de rigoureuses peines aux Guises, quel droit avoit le prince de Condé par l'arrêt d'un parlement où il plaidoit un bé- de disposer de ces princes; de les livrer entre les néfice; qui ensuite réfugié à Genève, hérétique par mains de leurs ennemis, qui, de l'aveu de Bèze 2, dépit, « brûlant du desir de se venger, et de couvrir faisoient une grande partie des conjurés; et d'em>> l'infamie de sa condamnation par quelque ac- ployer le fer contre eux, comme parle M. de » tion hardie', » entreprit de soulever autant Thou 3, s'ils ne consentoient pas volontairement qu'il pourroit trouver de mécontents; et à la fin à se retirer des affaires? Quoi! sous prétexte d'une retiré à Paris, chez un avocat huguenot, ordon-commission particulière, donnée, comme le dit noit tout de concert avec Antoine Chandieu, Bèze 1, « à des hommes d'une prud'homie ministre de Paris, qui depuis se fit nommer » bien approuvée, (tel qu'étoit un La Renaudie), Sadaël. » de s'enquérir secrètement, et toutefois bien Il est vrai que l'avocat huguenot chez qui il» et exactement, des charges imposées à ceux de logeoit, et Lignères autre huguenot, eurent hor- » Guise », un prince du sang, de son autorité reur d'un crime si atroce, et découvrirent l'en-particulière, les tiendra pour bien convaincus treprise 2 mais cela n'excuse pas la réforme, et les mettra au pouvoir de ceux qu'il saura être et ne fait que nous montrer qu'il y avoit des particuliers dans la secte dont la conscience étoit meilleure que celle des théologiens et des ministres, et que celle de Bèze même et de tout le gros du parti, qui se jeta dans la conspiration par toutes les provinces du royaume. Aussi avons nous vu 3 que le même Bèze accuse de déloyauté ces deux fidèles sujets qui seuls dans tout le parti eurent horreur du complot, et le découvrirent de sorte que, de l'avis des ministres, ceux qui entrèrent dans ce noir dessein sont les gens de bien, et ceux qui le découvrirent sont des perfides.

3

Il ne sert de rien de dire que La Renaudie et tous les conjurés protestèrent qu'ils ne vouloient rien attenter contre le roi, ni contre la reine, ni contre la famille royale: car s'ensuit-il qu'on soit innocent pour n'avoir pas formé le dessein d'un si exécrable parricide? N'étoit-ce rien dans un État que d'y révoquer en doute la majorité du roi, et d'éluder les lois anciennes qui la mettoient à quatorze ans du commun consentement de tous les ordres du royaume ? d'entreprendre sur ce prétexte de lui donner un conseil tel qu'on voudroit? d'entrer dans son palais à main armée? de l'assaillir, et de le forcer? d'enlever dans cet asile sacré, et entre les mains du roi, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, à cause que le roi se servoit de leurs conseils? d'exposer toute la cour et la propre personne du roi à toutes les violences et à tout le carnage qu'une attaque si tumultuaire et l'obscurité de la nuit

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« aiguillonnés d'appétit de vengeance pour les » outrages reçus d'eux, tant en leurs personnes » que de leurs parents et alliés ! » car c'est ainsi que parle Bèze. Que devient la société, si de tels attentats sont permis? Mais que devient la royauté, si on ose les exécuter à main armée dans le propre palais du roi, arracher ses ministres d'entre ses bras, le mettre en tutelle, mettre sa personne sacrée dans le pouvoir des séditieux, qui se seroient emparés de son château, et soutenir un tel attentat par une guerre entreprise dans tout le royaume? Voilà le fruit des conseils des plus doctes théologiens réformés, et des jurisconsultes du plus grand renom. Voilà ce que Bèze approuve, et ce que défendent encore aujourd'hui les protestants 5.

On nous allégue Calvin, qui, après que l'entreprise eut manqué, a écrit deux lettres, où il témoigne qu'il ne l'avoit jamais approuvée ". Mais lorsqu'on est averti d'un complot de cette nature, en est-on quitte pour le blâmer sans se mettre autrement en peine d'empêcher le progrès d'un crime si noir ? Si Bèze eût cru que Calvin eût autant détesté cette entreprise qu'elle méritoit de l'être, l'auroit-il approuvée lui-même, et nous auroit-il vanté l'approbation des plus doctes théologiens du parti? Qui ne voit donc que Calvin agit ici trop mollement, et ne se mit guère en peine qu'on hasardât la conjuration, pourvu qu'il pút s'en disculper, en cas que le succès en fût mauvais? Si nous en croyons Brantôme, l'amiral étoit bien dans une meilleure disposition: et les

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