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CHAPITRE VI.

Cette méthode de saint Augustin est précisément la méme que Vincent de Lerins étendit ensuite davantage.

C'EST cette même méthode, qui depuis a été plus étendue par le docte Vincent de Lerins. Tout homme judicieux conviendra qu'elle est prise principalement de saint Augustin, contre lequel pourtant on veut dire qu'il l'ait inventé. Quoi qu'il en soit, elle est fondée manifestement sur les principes de ce Père, qu'on vient de voir; et c'est pourquoi, à l'exemple de ce saint docteur, quand il s'agit de prouver que la multitude des Pères est favorable à un dogme, Vincent de Lerins ne croit pas qu'il soit nécessaire de remuer toutes les bibliothèques, pour examiner en particulier tous les ouvrages des Pères. Il le prouve par l'exemple du concile d'Ephèse, où pour établir l'antiquité et l'universalité du dogme qu'on y avoit défini, on se contenta du témoignage de dix auteurs; non, dit Vincent de Lerins (1), qu'on ne pút produire un nombre beaucoup plus grand des anciens Pères; mais cela n'étoit pas nécessaire, parce que personne ne doutoit que ces dix n'eussent eu le même sentiment que tous leurs autres collégues.

Saint Augustin, et les Pères d'Afrique, qui ont condamné Pélage, ont suivi la même méthode que toute l'Eglise embrassa un peu après, pour condamner Nestorius. On se contenta du petit nombre de Pères (1) 11. Comm. p. 367.

que saint Augustin produisoit: on crut entendre tous les autres dans ceux-là: l'unanimité de l'Eglise conduite par un même esprit et une même tradition, ne permit pas d'en douter. S'il y en avoit quelques autres qui semblassent penser différemment, on croyoit, ou qu'ils s'étoient mal expliqués, ou en tout cas qu'il ne falloit pas les écouter. Ainsi sans avoir égard à ces légères difficultés, et sans hésiter, on prononçoit que toute l'Eglise catholique avoit toujours cru la même chose qu'on définissoit alors: et voilà le fruit de la méthode de saint Augustin, ou plutôt de celle de toute l'Eglise, si solidement expliquée par la bouche de ce docte Père.

CHAPITRE VII.

Application de cette méthode à saint Chrysostome et aux Grecs, non-seulement sur la matière du péché originel, mais encore sur toute celle de la gráce.

APPLIQUONS maintenant cette méthode à saint Chrysostôme et aux Grecs, que l'on prétend différens d'avec les Latins dans la matière de la grâce, et même en ce qui regarde le péché originel. Les règles de saint Augustin, dérivées des principes qu'on a vus, ont été, qu'il n'est pas possible que saint Chrysostôme crût autrement que les autres, dont il venoit de montrer le consentement (1): que la matière dont il s'agissoit, c'est-à-dire, en cette occasion, celle du péché originel (et dans la suite on en dira autant des autres) n'étoit pas de celles

(1) L. 1. cont. Jul. c. vi. n. 22.

sur lesquelles les sentimens se partagent, mais un fondement de la religion sur lequel la foi chrétienne et l'Eglise catholique n'avoit jamais varié (1). Que s'il eût pu se faire que saint Chrysostôme eût pensé autrement que tous les évêques ses collègues, avec tout le respect qu'on lui devoit, il ne faudroit pas l'en croire seul; mais aussi que si cela eût été, il n'eût pas pu conservertant d'autorité dans l'Eglise (2). Comme donc son autorité étoit entière, il falloit par nécessité que ses sentimens fussent catholiques. Ce sont les règles de saint Augustin les plus équitables et les plus sûres qu'on pût suivre. Sur cela il entre en preuve, et il entreprend de montrer dans ce saint évêque, la même doctrine qu'il a montrée dans les autres; en sorte que si quelquefois il ne parle pas clairement, c'est à cause qu'il n'est pas possible d'être toujours sur ses gardes, lorsqu'on n'est pas attaqué, et que d'ailleurs on croit parler à des gens instruits.

CHAPITRE VIII.

Que cette méthode de saint Augustin est infaillible, et qu'il n'est pas possible que l'Orient crút autre chose que l'Occident sur le péché originel.

TELLE est la méthode de saint Augustin, dans laquelle d'abord il est évident qu'il n'est pas possible qu'il se trompe. En effet, si l'Orient eût été contraire à l'Occident sur l'article du péché originel, d'où vient que Pélage et Célestius y déguisoient

(1) L. 1. cont. Jul. c. vi. n. 22, 23.

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- (2) Ibid, n. 23.

leurs sentimens avec tant d'artifice, pendant que l'Occident les condamnoit? Si tout l'Orient étoit pour eux, que n'y parloient-ils franchement et à pleine bouche? Mais au contraire ce fut à Diospolis dans le concile de la Palestine, qu'ils furent poussés, pour éviter leur condamnation, jusqu'à anathématiser ceux qui disoient que les enfans morts sans baptême pouvoient avoir la vie éternelle (1); par où ils s'ôtoient à eux-mêmes le dernier refuge qu'ils réservoient à leur erreur. Tout le monde sait que lorsqu'on leur demandoit si les enfans non baptisés pouvoient entrer dans le royaume des cieux, ils n'osoient le dire, à cause que notre Seigneur avoit prononcé précisément le contraire par ces paroles: Si vous ne renaissez de l'eau et du Saint-Esprit, vous n'entrerez pas dans le royaume du ciel. Leur unique ressource étoit que si les enfans n'entroient pas dans le royaume des cieux, ils auroient du moins la vie éternelle. Mais les Pères de Palestine leur ôtent par avance cette défaite, en leur faisant avouer qu'il n'y a point de vie éternelle sans baptéme, et cela, dit saint Augustin (2), qu'est-ce autre chose que d'être dans l'éternelle mort, ainsi qu'on a vu que Bellarmin l'enseigne après ce Père(3), comme un article de foi? Si l'Orient étoit pour Pélage, pourquoi les Pères de Palestine le poussent-ils à un désaveu si exprès de son erreur? et pourquoi est-il obligé de se condamner lui-même pour éviter leur anathême ?

(1) De Gest. Pelag. cap. xxx. n. 57. de pecc. orig. c. XI, XII. · (2) Ibid. Epist. CVI. ad Paulin. (3) De amiss. gr. et stal. pecc.

1. VI. c. II.

Poussons encore. Si l'Orient étoit pour eux, et qu'une aussi grande autorité que celle de saint Chrysostôme eût disposé les esprits en leur faveur, d'où vient que la lettre de saint Zozime, où leur hérésie étoit condamnée, fut reçue sans difficulté, et également souscrite en Orient et en Occident? D'où vient que les canons du concile de Carthage, où le péché originel étoit expliqué de la même manière que nous faisons encore, furent d'abord reçus en Orient. Le patriarche Photius en est le témoin; puisque ces canons sont compris dans les Actes des Occidentaux, dont il fait mention dans sa Bibliothèque. Chacun sait qu'il y loue aussi dans le même endroit (1) Aurélius de Carthage et saint Augustin, sans oublier le décret de saint Célestin contre ceux qui reprenoient ce saint homme; ce qui nous prouve trois choses la première, que dès le temps de Pélage la doctrine de l'Orient étoit conforme à celle de l'Occident la seconde, qui est une suite de la première, que les idées de l'Orient et de l'Occident étoient les mêmes sur le péché originel, puisque l'Occident n'en avoit point d'autre que celle du concile de Carthage, que l'Orient recevoit : la troisième, que l'autorité de ce concile s'étoit conservée dans l'Eglise grecque jusqu'au temps de Photius, qui vivoit quatre cents ans après; et ainsi que si quelques docteurs, et peut-être Photius lui-même, ne s'étoient pas expliqués sur cette matière aussi clairement que les Latins, dans le fond, elle n'avoit pas dégénéré de l'ancienne créance. Ainsi, il est manifeste qu'en Orient comme en Occident on avoit

Cod. 54.

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