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Enfin, il faut dire encore que tout l'Orient persiste dans cette foi; puisque ni dans le concile de Lyon, ni dans celui de Florence, il ne paroît aucune ombre de contestation entre les Grecs et les Latins, sur le fond ou sur la notion du péché originel; au contraire, on y définit, du commun accord des deux Eglises, que les enfans qui mouroient avec le seul péché originel, aussi bien que les adultes qui mouroient en péché mortel, alloient en enfer. Ceux des Grecs qui ont depuis rompu l'union, n'ont pas seulement songé à contester cet article. La même idée se trouve toujours dans les actes de cette Eglise, et en dernier lieu dans les déclarations du patriarche Jérémie, adressées aux luthériens, et dans sa première réponse, confirmée par toutes les autres; ce qui sert encore à faire voir le sentiment de saint Chrysostôme, puisque M. Simon demeure d'accord que tout l'Orient en suit les idées, et qu'il est le saint Augustin de l'Eglise grecque.

CHAPITRE XI.

Conclusion: qu'il est impossible que les Grecs et les Latins ne soient pas d'accord: application à saint Chrysostóme : que le sentiment que Grotius et M. Simon lui attribuent sur la mort, induit dans les enfans même un véritable péché, qui ne peut étre que l'originel.

PAR cette excellente méthode, qui est fondée sur les principes de saint Augustin, on voit que la dispute que M. Simon veut introduire entre les anciens et les modernes, entre les Grecs et les La

tins, non-seulement est imaginaire, mais encore entièrement impossible; et ce qui montre que le moyen dont nous nous servons après ce Père pour concilier toutes choses, est sûr et infaillible, c'est qu'en effet on trouvera, en entrant dans le détail des passages, à l'exemple de saint Augustin, que ce Père et tous les Latins ne tiennent pas dans le fond un autre langage que les Grecs; et il ne faut point s'imaginer que cette discussion soit difficile. Car pour abréger la preuve, il faut d'abord supposer un fait constant : c'est que tous les Pères unanimement, sans en excepter saint Chrysostôme, ont attribué la mort et les autres misères corporelles du genre humain, à la punition du péché d'Adam. Grotius et M. Simon. en sont d'accord, comme on l'a vu. Toute leur finesse consiste à distinguer le péché originel de l'assujettissement à la mort et à la misère, et il ne nous reste plus qu'à faire voir que cette distinction est entièrement chimérique.

CHAPITRE XII.

Que saint Augustin a raison de supposer comme incontestable, que , que la mort est la peine du péché: principe de ce saint, que la peine ne peut passer à ceux à qui le péché ne passe pas que le concile d'Orange a présupposé ce principe comme indubitable.

La preuve en est toute faite par saint Augustin, qui a démontré en cent endroits que la peine du `péché d'Adam n'a pu passer dans ses descendans

qu'avec sa coulpe, et qu'on a raison de supposer que les Pères nous ont montré l'homme comme pécheur, partout où ils l'ont montré comme puni.

Il ne s'agit pas ici de disputer si Dieu pouvoit absolument créer l'homme mortel. Indépendamment de ces questions abstraites, et en regardant seulement les choses comme elles sont établies dans l'Ecriture, il est certain que la mort y est marquée comme la peine précise de la désobéissance d'Adam. Le texte de la Genèse y est exprès : saint Paul ne le pouvoit pas confirmer plus expressément, ni parler en termes plus clairs, que lorsqu'il a dit : La mort est la solde, le paiement, la peine du péché (1). Je n'ai pas besoin de rapporter les preuves par lesquelles saint Augustin le démontre contre les an-. ciens pélagiens (2), tant à cause de l'évidence de la chose, qu'à cause aussi qu'aujourd'hui tout le monde, ou du moins Grotius et M. Simon contre qui nous disputons, en sont d'accord. Leur erreur est d'avoir cru que sous un Dieu juste, la peine, la peine, disje, et le supplice formellement et spécialement ordonné par sa souveraine justice, pût se trouver où le péché ne se trouve pas. Or, cette erreur est si contraire aux premières notions que nous avons de la justice de Dieu, que le concile d'Orange, dont nous avons déjà rapporté la décision (3), déclare : que faire passer la mort, qui est la peine du péché, sans le péché même, c'est attribuer à Dieu une injustice, et contredire l'apôtre qui dit : que le péché est entré dans le monde par un seul homme, et que

(1) Rom. vi. 3. — (3) Op. imp. — (3) Ci-dessus, liv. vii. ch, xxii.

par le péché, la mort ( qui en est la peine) a passée à tous (par celui) en qui tous ont péché (1).

CHAPITRE XIII.

La seule difficulté contre ce principe tirée des passages où il est porté que Dieu venge l'iniquité des pères sur les enfans.

MAIS pour pousser cette preuve de saint Augustin et du concile d'Orange à la dernière évidence, il faut observer que la seule difficulté qu'on oppose à la conséquence que ce concile et ce Père tirent de la peine à la coulpe, et de la mort au péché, est fondée sur les passages, où il est porté que les enfans sont punis de mort pour les péchés de leurs pères. Cette vérité est incontestable : saint Augustin l'a prouvée lui-même par plusieurs exemples (2), et par ces paroles de l'Exode: Je venge l'iniquité des pères sur les enfans, jusqu'à la troisième et quatrième génération (3), et à cause que dans ces endroits on voit passer aux enfans la peine des pères, sans que de là on conclue que leurs péchés y passent aussi, on en prend occasion d'affoiblir la preuve du péché originel, que le même saint Augustin tire de la mort.

(1) Concil. Araus. 11. cap. 11. — (2) Oper. imp. lib. 111. c. XLII. — (3) Exod. xx. 5. Deut. v. 9.

CHAPITRE XIV.

La résolution de cette difficulté, qui rend le principe de saint Augustin et la preuve du concile d'Orange incontestable.

CEPENDANT comme cette preuve n'est pas seulement de saint Augustin, mais encore, comme on vient de voir, de toute l'Eglise dans le concile d'Orange, les docteurs ont bien reconnu qu'elle étoit incontestable, et qu'il la falloit défendre contre tous les contredisans, comme aussi le cardinal Bellarmin l'a fait doctement en peu de mots (1). Mais un principe de saint Augustin portera notre vue plus loin, et nous fera dire, qu'à remonter à la source, ce ne sont point précisément les péchés des pères immédiats qui font souffrir les enfans jusqu'à la troisième et quatrième génération. Selon la doctrine de Moïse, ces justices particulières, que Dieu exerce sur eux pour les péchés de leurs pères, sont fondées sur celle qu'il exerce en général sur tout le genre humain comme coupable en Adam, et dès-là digne de mort. C'est par-là que tous les hommes étant originairement pécheurs, sont aussi condamnés à mort pour ce péché, qui est devenu celui de toute la nature. La mort qui vient ensuite aux particuliers, diversifiée en tant de manières, plus tôt aux uns, plus tard aux autres, à l'occasion de leurs propres péchés ou des péchés de leurs derniers pères, dont ils sont les imitateurs, est toujours

(1) Cap. vu. de amiss. gr. et stat. pecc. lib. iv. quarta ratio.

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