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il nous suffit à présent d'avoir démontré que M. Simon a vainement distingué, après Grotius, dans le péché originel, la peine d'avec la coulpe, puisqu'au contraire, selon les règles de la justice divine, il falloit montrer la coulpe dans la peine.

CHAPITRE XIX.

Témoignages de la tradition de l'Eglise d'Occident, rapportés par saint Augustin, et combien la preuve en est

constante.

POUR maintenant confondre, non-seulement par conséquences infaillibles, mais encore par témoignages exprès les critiques, qui attribuent à saint Augustin des sentimens particuliers sur le péché originel, il ne faut qu'entendre saint Augustin même et lire les passages qu'il produit des anciens docteurs. On verra que rien ne manque à sa preuve. Comme il s'agissoit d'abord de l'Occident, ainsi qu'il a été remarqué, il produit les témoins les plus illustres de toutes les Eglises occidentales (1). On voit paroître, pour l'Eglise gallicane, saint Irénée de Lyon, Réticius d'Autun, saint Hilaire de Poitiers; pour l'Afrique, saint Cyprien; pour l'Espagne, Olympius, homme, dit-il, d'une grande gloire en l'Eglise et en Jésus-Christ; pour l'Italie, saint Ambroise. Ainsi tout l'Occident est représenté par ces docteurs l'Eglise n'avoit rien de plus illustre. On connoît, pour nos Gaules, le mérite de saint Irénée et de saint Hilaire, le compagnon de saint Athanase

(1) Cont. Jul. 1. c. III.

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pour la défense de la divinité de Jésus-Christ. Réticius, évêque d'Autun, fut un des trois évêques nommés par l'empereur Constantin, pour terminer, dans son origine, la querelle des donatistes; et pour savoir, dit saint Augustin (1), combien grande étoit son autorité dans l'Eglise, il ne faut que lire les actes publics qui ont été faits, lorsqu'étant à Rome, sous la présidence de Melchiade, évêque du Siége apostolique, il condamna, avec les autres évêques, Donat, auteur du schisme, et renvoya absous Cicilien, évêque de Carthage. On voit par-là que saint Augustin prend soin d'alléguer les évêques du plus grand nom et de la plus grande autorité, parmi lesquels il se trouve deux martyrs, saint Irénée et saint Cyprien, qui outre les autres avantages, avoient encore celui de l'antiquité; saint Irénée, étant si proche du siècle des apôtres, ainsi que saint Augustin le remarque (2), et saint Cyprien ayant souffert le martyre au 3.e siècle. Ainsi ni l'autorité, ni l'antiquité ne manquoient point à saint Augustin. Le passage de saint Cyprien, le plus authentique de tous et le plus précis, étoit tiré, comme le remarque saint Augustin (3), d'une lettre synodique d'un concile de Carthage de soixante-six évêques, dont l'autorité étoit inviolable, puisque jamais elle n'a été révoquée en doute. Pour saint Ambroise, saint Augustin n'oublie pas qu'il avoit été son maître et son père en Jésus-Christ, puisque c'étoit de ses mains qu'il avoit reçu le baptême (4); d'où il résultoit qu'on ne pouvoit pas l'accuser de ne pas suivre la tradi(3) Ad Bonif. lib. xv, c. VIII. n. 23. (4) Cont. Jul. l. 1. c. III. n. 10.

(1) Cont. Jul. x. c. 111. n. 7. — (2) Ibid.

tion, puisqu'il n'enseignoit autre chose que ce qu'il avoit reçu de celui par qui il avoit été baptisé, qui d'ailleurs étoit reconnu pour un homme si éloigné de toute innovation, que Pélage même avoit reconnu que c'étoit principalement dans ses écrits que reluisoit la foi romaine; c'étoit-à-dire, celle de toute l'Eglise que ce saint évêque étoit la fleur des écrivains latins, dont, continuoit Pélage, ses ennemis mêmes n'avoient jamais osé reprendre la foi ni le sens très-pur qu'il donnoit à l'Ecriture. Saint Augustin ne dédaigne pas de rapporter en plusieurs endroits ces paroles de Pélage (1), pour confirmer que ses témoins étoient sans reproche, de l'aveu de ses adversaires, et il ferme sa preuve pour l'Occident par le témoignage du pape saint Innocent et de la chaire de saint Pierre, qui n'auroit pas confirmé si facilement et si authentiquement les sentimens de l'Afrique, déclarés en plusieurs conciles, sur le péché originel, et ne se seroit pas lui-même si clairement expliqué sur cette matière, si ce n'étoit, dit saint Augustin (2), qu'il n'en pouvoit dire autre chose, que ce qu'avoit préché de tout temps le Siége apostolique et l'Eglise romaine avec toutes les autres Eglises.

Par ces moyens, la preuve de saint Augustin étoit complète pour l'Occident, et il n'y manquoit ni l'antiquité, puisqu'il remontoit jusqu'aux temps les plus proches des apôtres, ni l'autorité, tant celle qui venoit du caractère, puisque tous ceux qu'il alléguoit étoient des évêques, qui encore avoient à

(1) De nupt. et conc. l. 1. cap. ult. cont. Jul. 1. y. c. ix. n. 32. — (2) Cont. Jul. l. 1. c. iv. n. 13.

leur

leur tête l'évêque du Siége apostolique, que ceile qui venoit de la réputation de sainteté et de doctrine, puisque tout le monde confessoit que l'Eglise n'avoit rien de plus éclairé ni de plus saint.

CHAPITRE XX.

Témoignages de l'Orient rapportés par saint Augustin ; celui de saint Jérôme et celui de saint Irénée pouvoient valoir pour les deux Eglises, aussi bien que celui de saint Hilaire et de saint Ambroise, à cause de leur célébrité.

SUR ce fondement, nous avons vu qu'il ne pouvoit y avoir aucune difficulté pour l'Orient; et néanmoins saint Augustin en produisoit les deux lumières (1), saint Grégoire de Nazianze et saint Basile, pour en venir à saint Chrysostôme; mais après avoir fait voir auparavant que la foi de l'Orient étoit invinciblement et plus que suffisamment établie par les deux premiers.

Saint Augustin place en ce lieu l'autorité de saint Jérôme (2), qui étoit comme le lien de l'Orient et de l'Occident, à cause, dit-il, qu'étant célèbre par la connoissance, non-seulement de la langue latine, mais encore de la langue grecque, et même de l'hébraïque, il avoit passé de l'Eglise occidentale dans l'orientale pour y mourir à un áge décrépit dans les lieux saints et dans l'étude perpétuelle des livres sacrés. Il ajoutoit, qu'il avoit lu tous ou presque tous les auteurs ecclésiastiques, afin qu'on remar(1) Cont. Jul. lib. 1. c. v. n. 15, 16. (2) Ibid. c. VII. n. 34. BOSSUET. V.

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quât ce que pensoit un homme qui, ayant tout lu, ramassoit, pour ainsi dire, en lui seul le témoignage de tous les autres et celui de la tradition universelle.

C'est pourquoi il citoit souvent ce saint prêtre, et toujours avec le titre d'homme très-savant, qui avoit lu tant d'auteurs ecclésiastiques, tant d'expositeurs de l'Ecriture, tant de célèbres docteurs qui avoient traité toutes les questions de la religion chrétienne (1), pour appuyer par son témoignage le consentement des anciens avec les nouveaux, et celui de toutes les langues.

Pour confirmer l'unanimité de l'Orient et de l'Occident, il montroit que les Pères de l'Occident qu'il produisoit, comme saint Hilaire et saint Ambroise, étoient connus de toute la terre. Voici, dit-il (2), une autorité qui vous peut encore plus émouvoir. Qui ne connoît ce très-vigoureux et très-zélé défenseur de la foi catholique contre les hérétiques, le vénérable Hilaire, évêque des Gaules? L'Orient certainement le connoissoit bien, puisqu'il y avoit été relégué pour la foi, et qu'il s'y étoit rendu très - célèbre. C'est pourquoi saint Augustin ajoute : Osez accuser un homme d'une si grande réputation parmi les évéques catholiques (3); et pour ce qui est de saint Ambroise : C'est un homme, disoit-il (4), renommė par sa foi, par son courage, par ses travaux, par ses périls, par ses œuvres et par sa doctrine dans tout l'empire romain; c'étoit dire dans l'Eglise grecque autant que dans la latine. Il pouvoit encore

(1) De peccat. merit. et remiss. lib. 1. cap. vi, vII.—(2) Cont. Jul. 1. 1. c. 111. n. 9. (3) Ibid. n. 10.— ·(4) Lib. 1. c. 111.

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