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qu'ils ne sont point purs de péché, et que ces paroles de David : J'AI Été conçu en inIQUITÉ, leur conviennent en cet état (1). Nous avons remarqué ailleurs (2) deux autres passages, où cet auteur entend du péché originel ce célèbre verset de David; mais celuici qui est le plus décisif, à cause du livre où il se trouve, nous avoit échappé. Troisièmement, il regarde la nature raisonnable comme corrompue et pécheresse (3), ce qui emporte un véritable péché commun à toute notre nature. Quatrièmement, Origène rapporte toujours cette tache originelle au péché d'Adam (4), ce qui ne laisse aucun doute du sentiment de ce grand homme.

Il est vrai que sur l'épître aux Romains, en racontant toutes les manières dont Adam a pu nuire à sa postérité, il remarque entre les autres, celle que les pélagiens ont suivie depuis, c'est-à-dire, celle de l'exemple qu'il nous a laissé de désobéir; mais c'est en présupposant, et là, et partout ailleurs, une autre manière de nous nuire, en faisant passer à nous par la naissance, un véritable péché, qu'il falloit laver par le baptême, même dans les petits enfans.

Il est vrai encore qu'Origène a reconnu dans les ames une vie, qui a précédé celle où elles se trouvent unies à un corps mortel; car il la croyoit nécessaire pour justifier la diversité infinie des peines et des états dans la vie humaine, lesquels il ne croyoit pas pouvoir rapporter au seul péché originel, qui étoit commun à tous. Il disoit donc que la

(1) Lib. vi. p. 365, 366. — (2) Suppl. in Psal. tom. 1. p. 610. (3) Lib. IV. p. 229. — (4) Ib. p. 291. Lib. v11. p. 350, 351, 366.

eause de cette inégalité étoit les divers mérites dans une vie précédente; mais il ne se trouvera pas qu'il ait une seule fois allégué cette raison, quand il a parlé de ce péché que nous apportions en naissant, et qu'il falloit expier par le baptême; au contraire, nous avons vu qu'il l'a toujours rapporté au premier Père; et lorsque saint Jérôme lui attribue autre chose (1), c'est plutôt une conséquence qu'il remarque qu'on eût pu tirer de ses principes, qu'une doctrine qu'il ait jamais enseignée.

Au reste, d'autres que nous, et entre autres le P. Garnier après le P. Petau, si je ne me trompe, ont fait voir que les pélagiens, loin d'avoir prétendu suivre Origène, se glorifioient de combattre ses erreurs; et quoi qu'il en soit, il est bien certain qu'ils ne peuvent avoir pris de lui leur doctrine, contre le péché originel; puisque ce grand homme avoit établi la sienne dans les mêmes termes dont saint Augustin s'est servi, et avec toute l'évidence qu'on

a vue.

Que si ce Père n'a pas employé l'autorité d'Origène, non plus que celle de Tertullien, c'est qu'ils étoient des auteurs flétris; le premier, par le jugement de Théophile d'Alexandrie, confirmé par celui du pape saint Anastase, et le second, par son schisme; mais comme ce n'est point sur cet article que ces grands auteurs ont été notés, et qu'au contraire ils l'ont expliqué selon toutes les règles de la tradition, on peut très-bien les employer pour en expliquer la suite.

(1) Dial. 111.

CHAPITRE XXIX.

Tertullien exprime de mot à mot toute la théologie de saint Augustin.

OUTRE le passage de Tertullien qu'on a déjà remarqué (1) en parlant de saint Irénée, nous trouvons encore dans ce grave auteur (2), que la raison nous venant de Dieu, ce qu'il y a en nous contre la raison nous est venu par l'instinct du diable, et que ce n'est autre chose que cette première faute de la prévarication d'Adam, PRIMUM ILLUD PREVARICATIONIS ADMISSUM, qui depuis est demeurée inhérente en nous, et nous a passée en nature, ADOLEVit et COADOLEVIT AD INSTAR NATURALITATIS, à cause qu'elle est arrivée au commencement de la nature même, IN PRIMORDIO NATURE. Il faut entendre par ce terme PRIMORDIUM, non-seulement le commencement par l'ordre des temps, mais encore le commencement par principe et par origine; et cela n'est autre chose que de reconnoître ce grand changement arrivé, et dans notre corps et dans notre ame, au commencement et dans la source du genre humain. que saint Augustin a eu à défendre contre les pélagiens. On ne pouvoit pas reconnoître mieux cet in quo de l'épître aux Romains, ni dire plus fortement que nous avons tous péché en Adam, qu'en disant que son péché nous étoit passé en nature (3); et la conséquence naturelle de ce grand principe, est celle (1) Ci-dessus, ch. xxv. — (2) De anima, c. XVI. — (3) Ibid. c. XL.

Tertullien reconnoît aussi dans la suite, que que les enfans, même des fidèles, naissoient impurs : que pour cela Jésus-Christ a dit, que si on ne renaissoit de l'eau et du Saint-Esprit, on n'auroit point de part à son royaume; et qu'ainsi toute ame étoit réputée étre en Adam jusqu'à ce qu'elle soit renouvelée en Jésus-Christ. Etre en Adam, n'est pas seulement être dans la peine, mais encore être dans la malédiction, dans la damnation, dans la perte, dans le péché; et c'est pourquoi il ajoute : Que toute ame est pécheresse, à cause de son impureté, et le demeure toujours, jusqu'à ce qu'elle soit régénérée par le baptême. Ce sacrement n'ôte point la mort, il n'ôte point le fond de la concupiscence. Si donc le baptême ôte à l'ame quelque tache, on n'en voit point d'autre que celle du péché, qu'elle contracte, dit Tertullien, par son union avec la chair, à cause, continue-t-il, de la convoitise par laquelle elle convoite contre l'esprit, ce qui la rend pécheresse autant que la chair le peut être.

Voilà toute la théologie du péché originel aussi clairement expliquée, qu'auroit pu faire saint Augustin, depuis la dispute des pélagiens : voilà le premier péché qui passe en nature à tous les hommes: en voilà la propagation par la concupiscence de la chair en voilà la rémission dans le baptême, et je ne sais plus rien à y ajouter.

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CHAPITRE XXX.

Erreur des nouveaux critiques, qu'on parloit obscurément du péché originel avant saint Cyprien: suite des passages de Tertullien, que ce saint appeloit son maitre: beau passage du livre De pudicitiâ.

On ne voit donc pas pourquoi nos critiques ont voulu insinuer qu'on ne parloit qu'obscurément de cette doctrine avant saint Cyprien. Il est vrai qu'il n'y a rien de plus net que ces paroles de ce saint martyr, citées par saint Augustin (1), que nous devons baptiser les enfans, parce qu'autant qu'il est nous, nous ne devons perdre aucune ame : par où il montre que l'ame est perdue sans le baptême; ce qu'il appuie en disant Que les enfans nouvellement nés, qui n'avoient péché qu'à cause qu'étant engendrés d'Adam selon la chair, ils avoient par contagion contracté la mort ancienne par leur première naissance, devoient étre d'autant plus tôt reçus à la rémission des péchés, qu'on leur remettoit, non pas leurs propres péchés, mais des péchés étrangers, c'est-à-dire, tous les péchés d'orgueil, de révolte, d'intempérance et d'erreur qui se trouvent dans le seul péché du premier père.

Tout est compris dans ce peu de mots de saint Cyprien, c'est-à-dire, tant le péché même, que la naissance charnelle, et en elle la concupiscence, par où il étoit transmis: mais tout ce qu'on trouve de si précis dans ces paroles de saint Cyprien,

(1) L. 1. de pecc. mer. c. 111. cont. Jul. l. 1. c. 111. Epist. ad fid.

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