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plus alors une simple permission, mais une permission causée par la volonté de punir; et il arrive à celui qui a mérité d'être puni de cette sorte, en tombant d'abîme en abîme, de se plonger dans des péchés qui sont tout ensemble, comme dit le même Père, et de justes supplices des péchés passés, el mérites des supplices futurs. ET PECCATORUM SUP

PLICIA PRÆTERITORUM ET SUPPLICIORUM MERITA FUTURORUM.

CHAPITRE IX.

Comment le péché peut étre peine, et qu'alors la permission de Dieu, qui le laisse faire, n'est pas une simple permission.

Il ne s'agit pas ici d'examiner comment les péchés, qui sont toujours volontaires, peuvent en même temps être une peine, n'y ayant rien de plus opposé qu'un état pénal et un état volontaire. Grégoire de Valence répond qu'il y a toujours dans le péché quelque chose qu'on ne veut pas, comme le déréglement et la dépravation de la volonté, et les autres choses de cette nature, à raison desquelles, dit-il, le péché peut tenir lieu de peine; à quoi on peut ajouter avec saint Augustin, qu'en péchant volontairement on demeure nécessairement et inévitablement coupable, que l'habitude devient une espèce de nécessité, une sorte de contrainte, et enfin, que l'aveuglement qui empêche le criminel de voir son malheur est une peine d'autant plus grande, qu'elle paroît plus volontaire : en un mot, que

tout ce qui est péché, est en même temps malheur, et le plus grand malheur de tous, par conséquent de nature à devenir pénal en ce sens. Quoi qu'il en soit, le fait est constant. Il est constant, par le témoignage de l'apôtre et par cent autres passages de même force, que le péché est la peine du péché, et que Dieu alors ne le permet pas par une simple permission, comme il a permis le péché des anges et du premier homme, mais par un jugement aussi juste qu'il est caché.

CHAPITRE X.

Neuvième vérité: que Dieu agit par sa puissance dans la permission du péché: pourquoi saint Augustin ne permet pas à Julien de dire que Dieu le permet par une simple patience, qui est le passage que M. Simon a mal repris.

Il est certain, en neuvième lieu, qu'en Dieu, permettre le péché n'est pas seulement le laisser faire; autrement les pécheurs feroient en péchant tout ce qu'ils veulent, ce qui est si faux, que nonseulement ils ne peuvent éviter leur damnation, ni s'empêcher de servir malgré eux à faire éclater la gloire et la justice de Dieu; mais encore dans tout ce qu'ils font par leur volonté dépravée, la volonté de Dieu leur fait la loi, et sa puissance les tient tellement en bride, qu'ils ne peuvent ni avan

ni reculer qu'autant que Dieu veut lâcher ou serrer la main. Il n'y a point de volonté plus puissante dans le mal, et en même temps plus

livrée à le commettre, que celle de Satan; mais l'exemple de Job fait voir que, dans toutes ses entreprises, il a des bornes qu'il ne peut outre-passer. Frappe sur ses biens, mais ne touche pas à sa personne : frappe sa personne, mais ne touche pas à sa vie (1). C'est ce que lui dit la loi souveraine à laquelle il est assujetti; et loin que ce malin esprit puisse attenter, comme il lui plaît, sur les hommes, on voit dans l'Evangile (2) que toute une légion de démons ne peut rien sur des pourceaux, qu'avec une permission expresse. C'est donc une vérité constante, que la puissance de Dieu agit et se mêle dans la permission du péché; et si saint Augustin reprend Julien d'attribuer la permission du péché, non à la puissance, mais à la patience de Dieu, c'est à cause que cet hérétique, ennemi de la puissance que Dieu exerce sur la volonté bonne ou mauvaise de la créature, ne vouloit ici reconnoître qu'une simple patience, une simple permission, qui est aussi l'erreur de notre critique.

PER DIVINAM PATIENTIAM,

CHAPITRE XI.

Preuves de saint Augustin sur la vérité précédente: témoignage exprès de l'Ecriture.

QU'AINSI ne soit : écoutons parler saint Augustin même dans l'endroit que cet auteur a repris, et voyons comment il combat ce terme de patience dans l'écrit de Julien (3). C'est en montrant que si

(1) Job. 1. 12. 11. 6. (2) Matth. vi. Marc. v.

(3) L. v. c.

7. E. XIIL

les

les faux prophètes se trompent, l'Ecriture dit que Dieu les séduit; c'est-à-dire, que par un juste jugement, il les livre à l'esprit d'erreur, pour ensuite étendre sa main sur eux et les perdre sans miséricorde; d'où il conclut que ce n'est donc point une simple patience, mais un acte d'une cause toutepuissante qui veut exercer sa justice. Il demande, dans le même esprit, si c'est par puissance ou par patience que Dieu prononce ces paroles: Qui séduira Achab, roi d'Israël, afin qu'il marche à Ramoth et qu'il y périsse (1); et il parut un esprit qui dit: Je le tromperai, et je serai un esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes; et le Seigneur dit: Tu le tromperas et tu prévaudras: va et fais comme tu dis; passage terrible, qui nous fait voir que Dieu ne laisse pas seulement agir les mauvais esprits, mais qu'il les envoie et les dirige par sa puissance, afin de punir, par leur ministère, ceux à qui sont dus de semblables châtimens. Cent passages de cette sorte montrent qu'il emploie sa puissance pour faire servir à sa juste vengeance ces esprits exécuteurs de ses jugemens. Ainsi périt ce qui doit périr: ainsi est trompé ce qui le doit être ; et il ne nous reste qu'à nous écrier avec David: Vos jugemens sont un grand abíme (2).

(1) III. Reg, xxII. 20.-- (2) Ps. XLI. 8.

BOSSUET. V.

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Dixième et dernière vérité : les pécheurs endurcis ne font ni au dehors ni au dedans tout le mal qu'ils voudroient; et en quel sens saint Augustin dit que Dieu incline à un mal plutôt qu'à un autre.

PAR la profondeur de ces conseils, il arrive, en dixième lieu, que les esprits, ou des hommes ou des anges qui sont déjà livrés par eux-mêmes à la malice, et dans la suite sont endurcis dans cette funeste disposition, non-seulement n'opèrent pas au dehors le mal qu'ils prétendent, mais ne font pas même au dedans actuellement tous les péchés qu'ils voudroient. Dieu tient leur volonté en sa main, en sorte qu'elle n'échappe que par où il le permet : d'où il résulte qu'il fait ce qu'il veut, même des volontés dépravées : ce qui fait dire à saint Augustin (1), qu'il incline la volonté d'un pécheur déjà mauvaise par son propre vice, à ce péché plutôt qu'à un autre, par un juste et secret jugement; et dans le chapitre suivant: Qu'il agit dans le cœur des hommes pour incliner, pour tourner leur volonté où il lui plait, soit au bien, selon sa miséricorde, soit au mal, selon leur mérite, par un jugement quelquefois connu, quelquefois caché, mais toujours juste.

Ceux qui trouvent cette expression de saint Augustin un peu dure, peuvent s'en prendre à l'Ecriture, où il s'en trouve si souvent de semblables ou (1) De gratia et lib. arb. e. xx, xxI.

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