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CHAPITRE VII.

Sixième proposition : l'on commence à parler du don de persévérance.

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LA sixième proposition: Ce grand don de persévérance, comme l'appelle le concile de Trente (1), dont il est écrit que celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé, est le plus efficace de tous. Il ne faut pas craindre qu'on le perde, ni, comme dit saint Augustin (2), que celui qui a reçu la persévérance jusqu'à la fin, cesse de persévérer. On peut déchoir du don de chasteté, de force, de tempérance; mais on ne déchoit pas d'un don qui emporte de ne pas déchoir. Il en est de même de cette demande du PATER (3) Ne permettez pas que nous succombions à la tentation, mais délivrez-nous du mal. Celui qui est exaucé dans cette demande sera très-certainement délivré de tout mal, et par conséquent de celui de ne pas persévérer dans la piété. Il succomberoit si Dieu le permettoit; mais l'effet de cette prière est qu'il ne le permette paş, ce qui emporte infailliblement la persévérance. A quoi il faut ajouter que Dieu veuille nous prendre en bon état, conformément à cette parole: Il a été promptement ôté du monde, afin que la malice ne le changeât point(4). Cette grâce n'a point de retour ni de défaillance, et le fidèle qui mourra en état de grâce, ne ressuscitera pas pour en déchoir. Ainsi en toutes manières,

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le don de persévérance est de tous les dons celui dont l'effet est le plus certain.

CHAPITRE VIII.

Septième proposition qui regarde encore le don de persévérance: comment il peut étre mérité, et n'en est pas moins gratuit.

SEPTIEME proposition : Quoique le don de persévérance finale puisse être, en quelque façon, mérité par les ames justes, il n'en est pas moins gratuit. Cette proposition a deux parties: la première, qu'on peut mériter en quelque manière le don de persévérance, est clairement de saint Augustin, qui accorde sans difficulté aux semi-pélagiens que ce don peut étre mérité par d'humbles prières : SUPPLICI ter Emereri potEST (1); mais la seconde partie, qu'il n'en est pas moins gratuit, est aussi certaine ; puisque pour mériter par la prière le don de persévérer dans les bonnes œuvres, il faut auparavant avoir reçu gratuitement le don de persévérer dans la prière même; et ainsi ce grand don de persévérance qu'on peut mériter en priant, selon saint Augustin, selon le même saint Augustin, est gratuit dans sa source, qui est la prière.

Pour l'entendre, il ne faut que se souvenir de la cinquième proposition, où l'on a vu que tous ceux qui prient ont reçu efficacement le don de prier. Ce don n'est pas mérité, puisque c'est par la vertu de ce don que l'on mérite tout ce qu'on mérite. Ce (1) De dono pers. cap. VI.

don enferme la foi, la confiance, l'humilité, qui sont les sources de la prière, toutes choses qu'on a reçues gratuitement par cette grâce qui fléchit les cœurs. Qu'on ne pense donc pas pouvoir mériter par ses prières tout l'effet de ce grand don de persévérance, puisqu'un des effets de ce don est d'avoir le goût, le sentiment, la volonté, et, comme on a dit, l'acte même de prier, qu'on ne reçoit que par grâce, IMPERTITO ORATIONIS AFFectu et effectu (1).

CHAPITRE IX.

Huitième proposition, où l'on établit une préférence gratuite dans la distribution des dons de la gráce.

HUITIEME proposition : Les prières ecclésiastiques induisent du côté de Dieu, en faveur de ceux qui font le bien tendant au salut et surtout de ceux qui le font persévéramment jusqu'à la fin, une préférence gratuite dans la distribution de ses grâces, dont il ne faut point demander de raison. C'est une suitę évidente, ou plutôt une explication plus expresse, et pour mieux dire, une réduction des propositions précédentes. Car pour peser en détail chaque parole, s'il y a une grâce d'où il s'ensuive qu'on fera bien actuellement, comme il est certain qu'il y en a une, puisque toute l'Eglise la demande, il est également certain que ceux qui ne font pas le bien ne l'ont pas, et qu'il y a déjà de ce côté-là une préférence en faveur des autres. Si d'ailleurs il est (1) Epist. ad Sixt. jam cit.

certain, comme on a vu, que tous ceux qui font bien, ou durant un temps, ou toujours, et jusqu'à la fin, ont eu une telle grâce et doivent remercier Dieu de l'avoir reçue, il est clair que la préférence qui fait que Dieu la donne plutôt aux uns qu'aux autres, s'étend sur tous ceux ou qui commencent, ou qui continuent et persévèrent à bien faire pour leur salut éternel. Voilà donc la préférence établie ; mais j'ai ajouté qu'elle étoit gratuite. Car encore que la fidélité qu'on aura eue à quelques mouvemens de cette grâce, puisse mériter qu'on ait d'autres mouvemens, on ne peut jamais mériter la grâce qui nous donne la fidélité au tout, depuis le commencement jusqu'à la fin. De cette sorte, le mérite même dans toute la suite est fondé, pour ainsi parler, sur le non mérite; d'où il s'ensuit que la préférence dans la grâce qui nous a donné actuellement les mérites, est purement gratuite, ne pouvant être donnée ni en vertu des mérites précédens, puisqu'on voit qu'elle en est la source, ni en vue des mérites futurs, puisque le propre effet de cette grâce étant que tous ceux qui l'ont fassent bien actuellement, si la prévoyance du bien qu'on feroit par elle, lorsqu'elle seroit donnée, étoit le motif de la donner, il la faudroit donner à tout le monde. Ainsi la préférence qui la fait donner à ceux qui l'ont, c'est-à-dire, comme on a vu, à tous ceux qui opèrent le bien du salut, en quelque manière que ce soit, est de pure grâce; d'où passant plus outre, j'ai dit qu'il n'y a point de raison à en demander, non plus que de tout le reste, qui est de pure grâce; la nature de la pure grâce étant qu'on ne la puisse de

voir qu'à une pure bonté. C'est donc ici qu'il faut dire avec l'Apôtre : O homme, qui étes-vous, pour répondre à Dieu (1); c'est-à-dire, sans difficulté, qui êtes-vous pour l'interroger et lui demander raison de ce qu'il fait, et comme porte l'original, pour disputer avec lui, vтaпоxрvóμevos: et encore (2): qui lui a donné quelque chose le premier, pour en avoir la récompense? puisque tout est de lui, tout est par lui, tout est en lui, et qu'il n'y a qu'à lui rendre gloire dans tous les siècles de tout le bien qu'il fait en nous:

IPSI GLORIA IN SECULA.

CHAPITRE X.

Suite de la méme matière, et examen particulier de cette demande : Ne permettez pas que nous succombions, etc.

Er si l'on veut trouver cette vérité bien clairement dans les prières de l'Eglise, et dans l'Oraison dominicale qui en est la source, il n'y a qu'à considérer cette demande de toute l'Eglise : Ne permettez pas que nous soyons séparés de vous, qui est la même que celle-ci du PATER: Ne souffrez pas que nous succombions à la tentation; mais délivrez-nous du mal (3). Supposé que nous soyons exaucés dans cette prière de ne succomber jamais, et d'être par conséquent durant tout le cours de notre vie et dans toute l'éternité actuellement délivrés du mal, à qui devons-nous une telle grâce? à nos bonnes œuvres précédentes? mais afin que nous les fassions, (3) De dono pers. c. vil

() Rom. IX. 20,- (2) Ibid. x1. 35, 36.

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