Images de page
PDF
ePub

il faut qu'auparavant il ait plu à Dieu de ne pas permettre que nous succombions à la tentation de ne les pas faire, et qu'il nous délivre du mal de les négliger; mais à qui devons-nous ce bon vouloir de Dieu, de ne permettre pas tout ceci? à la prière que nous lui faisons de l'avoir pour nous, je l'avoue; mais ne faut-il pas auparavant que Dieu veuille ne pas permettre que nous succombions à la tentation de ne pas prier, et qu'il nous délivre du mal de perdre le goût et la volonté de prier? et y a-t-il aucun endroit de notre vie où nous éprouvions plus sensiblement le besoin de cette grâce qui prend le cœur, que nous l'éprouvons dans la prière? Où est-ce qu'on ressent plus l'effet du délaissement, ou de cette secrète inspiration qui donne la volonté de prier persévéramment, malgré même les sécheresses et tant de tentations de laisser tout là? Ainsi la plus grande et la plus efficace, et en même temps la plus gratuite de toutes les grâces, est la grâce de persévérer dans la prière sans se relâcher jamais; et c'est principalement de cette grâce dont il est écrit: Qui a donné à Dieu le premier. Ainsi cette préférence dont nous parlons, qui doit être si gratuite du côté de Dieu, éclate principalement dans l'inspiration de la prière; et l'on doit dire de tous ceux à qui il veut inspirer, pour récompense de leurs prières, la persévérance à bien faire, qu'il leur inspire premièrement par une pure miséricorde, la persévérance à prier.

CHAPITRE XI.

Si l'on satisfait à toute la doctrine de la gráce, en reconnoissant seulement une grâce générale donnée ou offerte à tous: erreur de M. Simon.

M. Simon s'imagine avoir satisfait à tout ce qu'on doit à la gratuité de la grâce, si l'on me permet ce mot, en reconnoissant une grâce généralement offerte ou donnée à tous les hommes, par une pure et gratuite libéralité; mais c'est en quoi il a montré son ignorance. Je ne nie pas cette grâce, comme on verra dans la suite, ni les grâces dont on abuse et que les hommes rendent si souvent inutiles par leur malice; mais s'il n'en falloit pas reconnoître d'autre, il ne faudroit point reconnoître un certain genre de grâce dont on n'abuse pas, à cause qu'elle est préparée pour empêcher qu'on n'en abuse. On demande pourtant cette grâce, et toutes les fois qu'on la demande, on a reçu auparavant une grâce qu'on n'a pas demandée, qui est la grâce qui nous la fait demander: autrement, il faudroit aller jusqu'à l'infini, ce qui ne peut être. Car, comme dit excellemment saint Augustin (1), Dieu nous pouvoit accorder la grâce de faire de bonnes œuvres sans nous obliger à les demander; et s'il veut que nous les demandions, c'est à cause que la demande qu'il nous en fait faire, nous avertit que c'est lui seul qui est la source du bien que nous demandons. Mais en même temps, afin que nous entendions qu'il n'a pas besoin de nos

(1) De dono pers. c. VII.

demandes être bon et libéral envers nous, il pour nous accorde beaucoup de biens que nous n'avons jamais songé à lui demander; et entre autres biens qu'il nous accorde sans que nous l'en ayons prié, il faut mettre dans le premier rang celui de prier, lequel bien certainement n'est pas accordé à la prière. Car encore qu'en commençant de bien prier, on puisse obtenir la grâce de prier mieux, on ne doit le commencement de bien prier qu'à une touche particulière, qui dès ce premier commencement nous fait prier comme il faut; de sorte que la gratuité qu'il faut reconnoître dans la grâce ne consiste pas seulement dans une généralité de grâce offerte, ou donnée à tout le monde, mais dans une grâce de distinction et de préférence qui nous donne actuellement ce premier bon commencement, dans lequel Dieu nous donne tout, parce que tout est, en vertu, dans cette semence. De cette sorte l'homme recevant de Dieu, selon la distinction de saint Augustin (1), deux sortes de biens, dont les uns lui sont donnés sans qu'il les demande, comme la prière et dans la prière le commencement de la foi, les autres ne sont donnés qu'à ceux qui les demandent, comme la persévérance; les uns et les autres sont également gratuits, parce que le second, qui est accordé à la prière, se réduit enfin au premier, qui ne présuppose point la prière, puisque c'est la prière

même.

(1) De dono pers. cap. XVI.

CHAPITRE XII.

Explication par ces principes de cette parole de saint Paul: Si c'est par grâce, ce n'est donc point par les

œuvres.

C'EST donc ainsi qu'il faut entendre ce que dit saint Paul, que la grace n'est point donnée par les œuvres, autrement la grâce ne seroit plus grâce (1); ce qui est la même chose, en d'autres termes que ce qui a été défini et répété tant de fois contre les pélagiens et les semi - pélagiens (2): que la grâce n'est point donnée selon les mérites. Car les mérites sont les œuvres, et si la grâce étoit donnée selon les œuvres, elle seroit donnée selon les mérites. Il ne faut pas entendre pour cela qu'une certaine suite de la grâce, comme celle qui nous obtient, non-seulement la gloire future, mais encore dans cette vie, l'accroissement de la grâce même, ne puisse pas être un fruit de nos bonnes œuvres; c'està-dire, de nos bons mérites; et quand la grâce nous est donnée, non pas selon nos œuvres, mais selon la foi, comme il arrive dans la justification, saint Augustin demeure d'accord qu'elle est donnée selon les mérites; puisque la foi, dit ce Père, n'est pas sans mérite, NEQUE ENIM NULLUM EST MERITUM FIDEI. Comment donc a-t-on défini si certainement que la grâce n'est pas donnée selon les mérites, si ce n'est à cause que de grâce en grâce, de mérite en mérite,

(1) Rom. 11. 6. (2) Conc. Valent.

il en faut venir au moment où la grâce de bien commencer actuellement nous est donnée sans mérite, pour être continuée avec la même miséricorde, par celui qui a fait en nous le commencement, conformément à cette parole de saint Paul (1): Celui qui a commencé en vous la bonne œuvre (de votre salut) la perfectionnera jusqu'au jour ( qu'il faudra paroître devant le tribunal) de Jésus-Christ; c'està-dire, vous donnera la persévérance.

On ne peut donc pas s'empêcher de reconnoître, avec saint Augustin un enchaînement de grâces si bien préparées, que tous ceux qui les ont font bien : donc tous ceux qui ne font bien ne les ont pas et les autres, c'est-à-dire, ceux qui font bien, leur sont préférés par une prédilection dont ils lui doivent de continuelles actions de grâces.

pas;

CHAPITRE XIII.

Neuvième proposition, où l'on commence à démontrer que la doctrine de saint Augustin, sur la prédestination gratuite, est très-claire.

TOUTE la doctrine de saint Augustin, sur la prédestination gratuite, est enfermée dans la doctrine précédente. C'est une neuvième proposition qui ne souffre aucune difficulté. Pour l'établir, il ne faut que ce seul principe rapporté à cette occasion par saint Augustin, que tout ce que Dieu donne, il a résolu de toute éternité de le donner: tout ce qu'il

(1) Philip. 1. 6.

« PrécédentContinuer »