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absolument à ses décisions, et sur le fond des vertus que le nom chrétien doit nous inspirer. Le Catéchisme historique imprimé depuis peu de temps, qui est un livre simple, court, et bien plus clair que les Catéchismes ordinaires, renferme tout ce qu'il faut savoir là-dessus; ainsi on ne peut pas dire qu'on demande beaucoup d'étude. Ce dessein est même celui du concile de Trente; avec cette circonstance, que le Catéchisme du Concile est un peu trop mélé de termes théologiques pour les personnes simples.

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Joignons donc aux histoires que j'ai remarquées, passage de la mer Rouge, et le séjour du peuple au désert, où il mangeoit un pain qui tomboit du ciel, et buvoit une eau que Moïse faisoit couler d'un rocher en le frappant avec sa verge. Représentez la conquête miraculeuse de la Terre promise, où les eaux du Jourdain remontent vers leur source, et les murailles d'une ville tombent d'elles-mêmes à la vue des assiégeans. Peignez au naturel les combats de Saül et de David; montrez celui-ci dès sa jeunesse, sans armes et avec son habit de berger, vainqueur du fier géant Goliath. N'oubliez pas la gloire et la sagesse de Salomon; faites-le décider entre les deux femmes qui se disputent un enfant mais montrez-le tombant du haut de cette sagesse, et se déshonorant par la mollesse, suite presque inévitable d'une trop grande prospérité.

Faites parler les prophètes aux rois de la part de Dieu; qu'ils lisent dans l'avenir comme dans un livre; qu'ils paroissent humbles, austères, et souffrant de continuelles persécutions pour avoir dit la vérité. Mettez en sa place la première ruine de Jérusalem :

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faites voir le temple brûlé, et la ville sainte ruinée pour les péchés du peuple. Racontez la captivité de Babylone, où les Juifs pleuroient leur chère Sion. Avant leur retour, montrez en passant les aventures délicieuses de Tobie et de Judith, d'Esther et de Daniel. Il ne seroit pas même inutile de faire déclarer les enfans sur les différens caractères de ces saints, pour savoir ceux qu'ils goûtent le plus. L'un préféreroit Esther, l'autre Judith; et cela exciteroit entre eux une petite contention, qui imprimeroit plus fortement dans leurs esprits ces histoires, et formeroit leur jugement. Puis ramenez le peuple à Jérusalem, et faites-lui réparer ses ruines; faites une peinture riante de sa paix et de son bonheur. Bientôt après, faites un portrait du cruel et impie Antiochus, qui meurt dans une fausse pénitence: montrez sous ce persécuteur les victoires des Machabées, et le martyre des sept frères du même nom. Venez à la naissance miraculeuse de saint Jean. Racontez plus en détail celle de Jésus-Christ; après quoi il faut choisir dans l'Evangile tous les endroits les plus éclatans de sa vie, sa prédication dans le temple à l'âge de douze ans, son baptême, sa retraite au désert, et sa tentation; la vocation de ses apôtres; la multiplication des pains; la conversion de la pécheresse qui oignit les pieds du Sauveur d'un parfum, les lava de ses larmes, et les essuya avec ses cheveux. Représentez encore la Samaritaine instruite, l'aveugle-né guéri, Lazare ressuscité, Jésus-Christ qui entre triomphant à Jérusalem: faites voir sa passion; peignez-le sortant du tombeau. Ensuite il faut marquer la familiarité avec laquelle il fut quarante jours avec ses disciples, jus

qu'à ce qu'ils le virent montant au ciel; la descente du Saint-Esprit, la lapidation de saint Étienne, la conversion de saint Paul, la vocation du centenier Corneille. Les voyages des apôtres, et particulièrement de saint Paul, sont encore très-agréables. Choisissez les plus merveilleuses des histoires des martyrs, et quelque chose en gros de la vie céleste des premiers Chrétiens: mêlez-y le courage des jeunes vierges, les plus étonnantes austérités des solitaires, la conversion des empereurs et de l'empire, l'aveuglement des Juifs, et leur punition terrible qui dure

encore.

Toutes ces histoires, ménagées discrètement, feroient entrer avec plaisir dans l'imagination des enfans, vive et tendre, toute une suite de religion, depuis la création du monde jusqu'à nous, qui leur en donneroit de très-nobles idées, et qui ne s'effaceroit jamais. Ils verroient même, dans cette histoire, la main de Dieu toujours levée pour délivrer les justes et pour confondre les impies. Ils s'accoutumeroient à voir Dieu faisant tout en toutes choses, et menant secrètement à ses desseins les créatures qui paroissent le plus s'en éloigner. Mais il faudroit recueillir dans ces histoires tout ce qui donne les images les plus riantes et les plus magnifiques, parce qu'il faut employer tout pour faire en sorte que les enfans trouvent la religion belle, aimable et auguste, au lieu qu'ils se la représentent d'ordinaire comme quelque chose de triste et de languissant.

Outre l'avantage inestimable d'enseigner ainsi la religion aux enfans, ce fonds d'histoires agréables, qu'on jette de bonne heure dans leur mémoire, éveille

leur curiosité pour les choses sérieuses, les rend sensibles aux plaisirs de l'esprit, fait qu'ils s'intéressent à ce qu'ils entendent dire des autres histoires qui ont quelque liaison avec celles qu'ils savent déjà. Mais, encore une fois, il faut bien se garder de leur faire jamais une loi d'écouter ni de retenir ces histoires, encore moins d'en faire des leçons réglées; il faut que le plaisir fasse tout. Ne les pressez pas, vous en viendrez à bout, même pour les esprits communs; il n'y a qu'à ne les point trop charger, et laisser venir leur curiosité peu à peu. Mais, direz-vous, comment leur raconter ces histoires d'une manière vive, courte, naturelle et agréable? où sont les gouvernantes qui savent le faire? A cela je réponds que je ne le propose qu'afin qu'on tâche de choisir des personnes de bon esprit pour gouverner les enfans, et qu'on leur inspire autant qu'on pourra cette méthode d'enseigner: chaque gouvernante en prendra selon la mesure de son talent. Mais enfin, si peu qu'elles aient d'ouverture d'esprit, la chose ira moins mal quand on les formera à cette manière, qui est naturelle et simple.

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Elles peuvent ajouter à leurs discours la vue des estampes ou des tableaux qui représentent agréablement les histoires saintes. Les estampes peuvent suffire, et il faut s'en servir pour l'usage ordinaire: mais quand on aura la commodité de montrer aux enfans de bons tableaux, il ne faut pas le négliger; car la force des couleurs, avec la grandeur des figures au naturel, frapperont bien davantage leur imagination.

CHAPITRE

CHAPITRE VII.

Comment il faut faire entrer dans l'esprit des enfans les premiers principes de la religion.

Nous avons remarqué que le premier âge des enfans n'est pas propre à raisonner; non qu'ils n'aient déjà toutes les idées et tous les principes généraux de raison qu'ils auront dans la suite, mais parce que, faute de connoître beaucoup de faits, ils ne peuvent appliquer leur raison, et que d'ailleurs l'agitation de leur cerveau les empêche de suivre leurs pensées et de les lier.

Il faut pourtant, sans les presser, tourner doucement le premier usage de leur raison à connoître Dieu. Persuadez-les des vérités chrétiennes, sans leur donner des sujets de doute. Ils voient mourir quelqu'un; ils savent qu'on l'enterre; dites-leur: Ce mort est-il dans le tombeau? Oui. Il n'est donc pas en paradis? Pardonnez-moi; il y est. Comment est-il dans le tombeau et dans le paradis en même temps? C'est son ame qui est en paradis ; c'est son corps qui est mis dans la terre. Son ame n'est donc pas son corps? Non. L'ame n'est donc pas morte? Non, elle vivra toujours dans le ciel. Ajoutez : Et vous, voulez-vous être sauvée? Oui. Mais qu'est-ce que se sauver? C'est que l'ame va en paradis quand on est mort. Et la mort qu'est-ce? C'est que l'ame quitte le corps, et que le corps s'en va en poussière.

Je ne prétends pas qu'on mène d'abord les enfans
FENELON. XVII.

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