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tion de l'Évangile; l'établissement d'écoles; toutes celles enfin qui puissent seconder ses efforts pour combattre le romanisme, nous nous trouvons parfaitement d'accord avec lui. Mais s'il veut moins que cela, ou prétend aller au delà, nous ne pouvons plus nous entendre.

Nous citons avec plaisir la protestation énergique de M. Coquerel contre les honneurs civils et militaires rendus en France à l'hostie.

« Du haut de toutes les tribunes et de toutes les chaires, par les voix les plus graves, ecclésiastiques ou laïques, le Français de nos jours s'entend dire : Les ressorts de la société sont ou forcés ou détendus; le respect de toutes choses est usé; on ne respecte aucun pouvoir, pas même ceux qu'on élit; aucun culte, pas même celui qu'on ne veut point abjurer; aucun tribunal, pas même celui où l'on peut siéger demain en personne; enfin, on n'a pas même le respect de soi; on est toujours disposé à faire bon marché de ses croyances, en échange de ses intérêts; on n'a pas le courage de son opinion, lorsqu'on est sorti un moment du dédale pour en prendre une : et quand verrons-nous plus de constance, de fermeté, de sincérité dans les convictions; quand la conscience reprendra-t-elle son empire; quand notre élégante hypocrisie déposera-t-elle les masques qu'elle enlumine avec une effronterie si adroite; ne serait-il pas temps de consentir, en politique, en religion, en philosophie, à passer pour ce qu'on est ?... Voilà ce que le Français entend redire de tous côtés, et l'instant après, qu'il soit protestant, israélite, déiste, philosophe ou incrédule, dans certaines localités il est exposé à recevoir l'ordre de rendre les honneurs militaires à l'hostie!... Un acte de piété faisant partie de la consigne que des sentinelles se murmurent à l'oreille; un acte de piété commandé par un billet de garde, qu'on ne peut renvoyer que sous les peines portées par la loi, doit paraître à toute conscience sincère un blasphème, et l'un des meilleurs moyens d'accoutumer le peuple à traiter légèrement la religion qui prend des factionnaires pour

des fidèles, et la morale qui change de l'habit bourgeois à l'uniforme. Et qu'arrive-t-il alors? l'individu s'accoutume à traiter les cas de conscience comme les traite la société, à ne pas y attacher plus d'importance qu'elle, et à agir, pour son propre compte, dans un intérêt privé, avec aussi peu de scrupule que la société lui demande d'agir dans le sien. Si la loi était purement laïque, le factionnaire baisserait son arme, en disant à l'État : Je ne suis point catholique; et le prêtre dirait à Rome : La France veut cette liberté, et elle est maîtresse chez elle. »

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pas

M. Guizot est un prophète de mauvais augure pour le protestantisme, lorsqu'en prédisant « que le protestantisme ne périra point en France » il déclare en même temps « que la France ne deviendra point protestante. » Nous lui demanderons Pourquoi? Est-ce parce que la France ne l'est encore? parce que le romanisme voit dans ce moment son influence s'accroître ? Est-ce parce que le romanisme y existe depuis des siècles? Est-ce parce que dans les départements agricoles de ce pays, où la population est plus spécialement soumise à l'influence des prêtres, qui forment la classe la plus éclairée parmi elle, on célèbre encore la Messe selon le rite romain? Mais la Bible est partout en grande circulation. Mais on distribue dans toute la France des traités religieux. Mais on y établit sur tous les points des écoles. Mais des temples protestants se bâtissent, des missionnaires protestants circulent dans le royaume. Ces efforts demeureront-ils sans fruit? L'erreur sera-t-elle éternelle? Y a-t-il nécessité pour que la superstition existe toujours? Non. Le point qui monte sur l'horizon peut n'être pas plus grand que « la largeur de la main, » mais il grandit, il devient de plus en plus visible, et un jour il s'étendra sur toute l'étendue de l'univers moral.

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Au sujet de cette prédiction de M. Guizot: « que la France ne deviendra point protestante, » M. Coquerel fait l'observation suivante :

« Ce mot m'a causé une vive surprise; je me suis arrêté

dans ma lecture, comme le voyageur s'arrête, se demandant s'il a perdu son chemin. Le protestantisme, me suis-je dit, est la seule expression du christianisme, fidèle quant à la liberté avant lui, dans le monde, il y avait des religions collectives pour les masses, et point de religion personnelle, laissant chaque conscience, chaque foi libre de s'allier à celles qui lui répondent; ce caractère admirable appartient à l'Évangile, et le protestantisme est le christianisme individualisé, fidèle quant au culte : car nous ne faisons littéralement, dans nos temples, que ce que le Christ lui-même et les apôtres faisaient dans les synagogues, les premiers temples de la foi chrétienne, et le célèbre passage de Justin le martyr, sur les formes de l'Église primitive, le prouve assez; comment donc, me suis-je dit avec inquiétude, un protestant a-t-il pu écrire ce mot, qui semble vouer à l'erreur tous les siècles futurs de la France: la France ne deviendra point protestante! »

Nous ne suivrons pas M. Coquerel dans l'examen qu'il fait de la question : « Si l'instinct religieux de l'âme humaine peut indifféremment suivre toutes les déviations dogmatiques, et s'épancher indifféremment au dehors sous des formes, sous des symboles de son choix? » Mais nous devons hautement protester contre la tendance des dernières lignes du paragraphe suivant :

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Je crois fermement que la France est destinée à s'avancer lentement, insensiblement, non sans erreur quelquefois, mais toujours sans secousse, vers le protestantisme, c'està-dire, vers le christianisme librement cherché dans la révélation et librement organisé dans l'État. Je crois que la France est en chemin vers ce dénoûment divin du grand drame de la réforme, et que loin de revenir en arrière, elle ne s'arrêtera plus dans sa marche en avant. Je vois de toutes parts, dans le temporel et le spirituel, dans le clergé et le peuple, dans l'Église catholique et dans l'Église protestante, dans la science, la littérature et la philosophie, les signes éclatants de ce progrès immense et les

premières lueurs de ce grand jour de la vérité. On, ne convertira point la France; mais elle se convertira, elle

fera sa religion comme elle s'est fait ses libertés; et il me semble évident, à voir comment elle s'ouvre la carrière, se prépare à y marcher et recueille ses forces, que Dieu se dispose à lui en donner les moyens et le temps.

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Nous protestons contre ces paroles, parce qu'elles révèlent un caractère de protestantisme que nous appellerons nominal, et qu'elles n'appartiennent point au protestantisme vivifiant. Qu'importe qu'un homme se qualifie de protestant, que tout un pays professe cette croyance, si la religion dont ils se disent membres n'a pas la foi qui sauve ? Dévoués comme nous le sommes à la cause du protestantisme, et jaloux d'étendre son influence, c'est pour le protestantisme spirituel et vital que nous combattons, et non pour le protestantisme nominal qui ne vaut guère mieux que le papisme.

N'est-ce pas un fait avéré par toute l'histoire, qu'il n'existe pas un seul exemple d'une nation qui « se sera fait sa religion comme elle s'est fait ses libertés. » Que si un exemple de pareille chose peut se trouver dans les succès récents des missionnaires anglais parmi les insulaires de l'océan Pacifique, le simple rejet par ces insulaires de leurs dieux formés de pierre et de bois, d'argile ou de cuivre, bien qu'un acte de haute raison et de civilisation, ne constitue pas l'acceptation par eux des grandes vérités de la foi chrétienne. L'opposé de la superstition n'est pas le christianisme nominal. L'opposé du romanisme n'est pas le protestantisme nominal. M. Coquerel a tort lorsqu'il dit : « On ne convertira pas la France. » Et il a tort dans la forme comme dans le fait. Lorsque les trois mille furent touchés de componction en leur cœur, et qu'ils dirent : « Frères, que faut-il que nous fassions?» ils furent dès ce moment convertis en masse. De pareilles conversions alors étaient selon les Écritures. Mais toute véritable conversion vient de Dieu. Les agents sont des hommes. Quelquefois ce sera la folie de la prédication,»> ou bien l'enseignement des Écritures, ou bien encore des trai

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tés religieux; trop souvent ce seront les maladies, la détresse, la douleur, ou des calamités nationales, qui ouvriront aux hommes la voie du salut. Mais toute conversion vient de Dieu. C'est l'œuvre de l'esprit de Dieu même opérant sur l'âme humaine et lui démontrant Jésus. De telles conversions, n'en doutons pas, auront lieu en France; et nous verrons les efforts employés pour arriver à ce grand résultat couronnés d'un plein succès à l'aide de la bénédiction divine. La France ne peut se convertir elle-même. Elle ne peut « se faire sa religion.» Mais la France pourra être convertie par l'esprit de Dieu. Elle pourra être amenée à ne prendre pour règle de sa foi que la parole de Dieu seule.

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Le passage suivant, de l'écrit de M. Coquerel, mérite tous nos éloges :

« Le clergé même, sous un rapport, entre pour beaucoup dans mes espérances protestantes. La prédication des chaires catholiques me paraît une preuve de la tendance des esprits vers un christianisme épuré. Cette prédication est en général assez peu catholique. Parcourez les églises de la capitale, vous entendrez des discours contre le monde, contre l'incrédulité, contre le matérialisme, contre l'anarchie des opinions, la hardiesse des systèmes; des discours en faveur de l'autorité et de l'infaillibilité, et sur le bien que le catholicisme a fait à la civilisation, à la science, à la philosophie, à la liberté même; des discours contre le protestantisme; mais de bons et francs sermons bien nourris de dogmes catholiques, éclaircissant les ténèbres de la présence réelle ou les incertitudes des siècles du purgatoire, et surtout des sermons sur la damnation des païens, des enfants de quiconque n'est pas catholique, combien s'en prêche-t-il par année à Paris? Les célèbres conférences de Notre-Dame ne sont-elles pas plutôt les ingénieuses dissertations d'un rhéteur qui embellit et quelquefois esquive les questions, plutôt que les enseignements positifs des mandataires d'une Église infaillible, dispensant des anathèmes à l'erreur, une sanction à la vérité, et aux âmes de leurs auditeurs le salut ou la

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