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ples, et, leur exposant la cause de sa retraite : « Sachez, leur dit-il, mes bien-aimés, que, si je me suis retiré du milieu de vous, c'est afin de suivre le précepte et l'exemple du Christ, pour ne point donner prétexte aux méchants d'attirer sur eux-mêmes une condamnation éternelle, et pour n'être point aux bons un sujet d'affliction et de persécution. Je me suis éloigné aussi de crainte que des prêtres impies ne défendissent plus longtemps parmi vous la prédication de la parole de Dieu; mais * je ne vous ai point quittés afin de renier la vérité divine, pour laquelle, avec l'assistance de Dieu, je désire mourir. >> Jean Huss, en d'autres lettres, rappelle cette réponse des apôtres Pierre et Jean à ceux qui voulaient leur interdire la parole: « Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. » Il disait encore avec saint Augustin: « Gelui qui fuit la persécution de telle sorte que le ministère évangélique ne soit pas abandonné par sa retraite, celui-là fait ce que Jésus-Christ a ordonné. » Et sa conduite était d'accord avec ses paroles: selon l'exemple du Sauveur, il s'en allait prêchant dans les villes et dans les villages, suivi d'une foule innombrable qui l'écoutait avec avidité, s'émerveillant que cet homme si modeste, si grave et en même temps si doux, fût désigné comme un démon par les prêtres et fût rejeté par l'Église, lorsque, sans se révolter contre son autorité spirituelle ou les principes d'où elle tirait sa force, il n'attaquait que les abus qui la met-taient en péril. A cet égard, il est vrai, l'indignation armait quelquefois sa parole de traits mordants et acérés: souvent aussi, trop facile à l'entraînement, trop vivement subjugué par son émotion impétueuse, il laissait entrevoir dans son langage moins de mesure et de goût que de violence et de fougue, et l'on reconnaissait dans ses actes plutôt la témérité d'un enthousiaste que la sagesse d'un apôtre. Mais ces fautes mêmes étaient produites par une cause honorable ; ces imperfections, tribut qu'il payait à la faiblesse humaine, étaient l'abus d'un zèle trop ardent, trop oublieux de

sa propre sûreté, des passions du monde, des intérêts du siècle; et chaque fois qu'un retour de sa pensée le rendait au calme, chaque fois qu'il était question de montrer la voie du salut et de s'y affermir lui-même, il retrouvait des paroles vraiment évangéliques, et tirait à grands flots de son cœur des expressions brûlantes de charité, de piété, de dévouement pour Dieu et les hommes, comme d'un ardent et inépuisable foyer de compassion et d'amour. La plupart des lettres qu'écrivit Jean Hus à cette époque intéressante de sa vie, témoignent en outre d'un pressentiment vague du martyre. C'est ainsi qu'après avoir remercié le nouveau recteur des encouragements qu'il en avait reçus, il ajoute : « C'est pour moi une grande consolation de penser que si je persévère dans la justice, aucune persécution ne pourra me faire abandonner la vérité. Si je veux vivre en Christ, n'est-il pas nécessaire que je souffre en son nom?... Que sont les richesses et les faveurs du siècle! que sont les opprobres et les outrages, qui, humblement supportés, donnent aux enfants de Dieu une gloire immortelle ! qu'estce enfin que la mort, lorsqu'en perdant cette vie périssable on dépouille la corruption pour revêtir la vie éternelle! Ah! plaise à Dieu que ce corps misérable soit offert en sacrifice pour la vérité ! »

Huss fait ensuite une énergique peinture de l'affreuse licence du clergé, dans lequel il voit l'Antechrist; puis, laissant éclater sa douleur, il s'écrie : « Malheur à moi, malheur, si je ne prêche, si je n'écris, si je ne pleure sur de semblables abominations! Hélas! en est-il beaucoup aujourd'hui qui ne disent malheur à nous-mêmes ! Voici que le temps vient, et il est venu où le grand aigle de l'Apocalypse crie en planant du haut des nues: Malheur ! malheur aux habitants de la terre (1)! »

Ce cri fut en quelque sorte prophétique pour la contrée malheureuse où Jean Huss le laissait échapper, et durant de

(1) Apoc. vi, 13.

longues années la Bohême fut un théâtre de meurtres et de carnage. La retraite de Huss n'avait point calmé les esprits, et il arriva ce qui arrive toujours : lorsqu'une persécution ne peut étouffer une doctrine dans son berceau, elle lui donne des ailes et des forces. La multitude rappela son prédicateur avec le langage qui lui est propre, avec violence et fureur le sang coula dans Prague, les prêtres insultés furent en péril, et Sbinko, incertain et sans forces entre un monarque abruti et un abruti et un peuple furieux, quitta la ville pour implorer l'appui du frère de Wenceslas, du roi de Hongrie, Sigismond. Sbinko était devenu l'adversaire déclaré des partisans de Jean Huss; son départ fut pour eux un triomphe. Mais bientôt se répandit un bruit sinistre : l'archevêque avait succombé en chemin, il était mort empoisonné. Les hussites furent à tort accusés de ce crime: ce soupçon grandit rapidement quoiqu'il fût injuste, et peut-être aussi parce qu'il l'était ; et le tragique événement qui délivrait Huss d'un puissant ennemi, lui en fit de nouveaux non moins acharnés, et rendit les haines de tous plus ardentes et plus implacables.

(La suite au numéro prochain.)

LA PHILOSOPHIE EN FRANCE,

Par M. GUIZOT, membre du Consistoire de l'Église réformée

de Paris.

Lettre à M. GUIZOT sur son article de la RÊVue française, par ATHANASE COQUEREL, ministre du saint Evangile, et l'un des pasteurs de cette Église.

Nous assistions à la dernière séance annuelle de la Sociéte biblique protestante de Paris, qui se tint le 25 avril dernier dans le temple de l'Oratoire, rue Saint-Honoré. Cette séance était présidée par M. Guizor, l'un des vice-présidents de la Société. Ce que nous vîmes, ce que nous entendîmes ce jourlà, nous remplit l'âme d'une sincère allégresse. Un passage surtout du discours de M. Guizot nous donna les espérances les plus douces, nous inspira la joié la plus pure; c'était le passage suivant :

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Il y a dans le christianisme bien plus qu'une discipline, a une vie véritable, une vie intérieure, animée et féconde.

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Notre temps a plus que jamais besoin de cette vie. Il « a demandé, il demande à la vie extérieure, à la vie matérielle «< et actuelle, beaucoup plus qu'elle ne peut lui donner. Il il aura de ce côté d'immenses mécomptes.

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<«< Notre œuvre lui apprend à chercher, à trouver sa vie <«< ailleurs, à la chercher, à la trouver en Dieu. Elle le rappelle à la ferveur religieuse aussi bien qu'à la règle religieuse.

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«Ne craignez pas aujourd'hui, Messieurs, la ferveur religieuse. Ne vous effarouchez pas de son retour, quand même elle exciterait, en reparaissant, quelque vive émo

tion.

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Elle est indispensable à l'empire de la religion. Point de foi active et efficace sans ferveur. Il ne suffit pas que la

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foi éclaire l'âme; il faut qu'elle l'échauffe, qu'elle l'em« brase.

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Elle est indispensable à la régénération morale, à la <«< nourriture spirituelle de l'âme. Il faut que l'âme aime « Dieu et sa foi avec ardeur, pour y trouver ce que le monde « ne lui donne point.

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Elle n'a point de danger réel aujourd'hui, au milieu « de toutes les garanties de raison et de liberté qui préviennent, et réprimeraient au besoin, soit les égarements intellectuels, soit les excès pratiques de la ferveur religieuse.

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Vous surtout, membres et amis dévoués de l'Église pro« țestante nationale, ne redoutez rien de la ferveur religieuse. Partout où vous la rencontrerez, soyez avec elle bienveillants et confiants; ne songez qu'à l'attirer, à la << ranimer dans le sein de l'Église elle-même.

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L'Église veut être un foyer aussi bien qu'un flambeau, « et, n'en doutez pas, la foi tournera toujours au profit de l'Église. C'est pour nous que le zèle travaille, même celui qui travaille à côté de nous. »

Ainsi parlait M. Guizot, le 25 avril dernier, et nous fûmes au nombre de ceux qui applaudirent à ces sentiments avec le plus de sincérité et de zèle. En rentrant en nousmême, et en sondant notre cœur, nous rendîmes grâces à Dieu qu'il existât une assemblée aussi chrétienne, et nous nous sentîmes animé d'un courage nouveau. Il est bon, disions-nous, que le zèle, la piété et le mérite s'enrôlent sous les bannières de la Bible, de l'Évangile, de la Vérité; mais il est bien plus satisfaisant de voir des hommes d'un profond savoir, d'une intelligence vasté, et d'une rare érudition, animer et exciter la foi de leurs frères en Jésus-Christ. Nous rendîmes grâces à M. Guizot, de la joie morale et spirituelle qu'il avait fait naître en notre âme.

Mais, d'après un article de la Revue Française, dont nous avons donné le titre en tête du nôtre, il paraîtrait, ou que nous n'avions pas bien compris la déclaration de M. Guizot,

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