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égyptiens ou égyptisants. Et pourtant, malgré l'abondance des représentations, moins de quinze ans après sa publication, le fascicule ne répondait plus à la réalité; il a fallu lui donner un supplément"; c'est là qu'on trouvera réunis les grands sarcophages de marbre sortis de la nécropole de Sainte-Monique, dont le plus célèbre représente, revêtue de riches couleurs, une déesse, les jambes enveloppées dans une paire d'ailes de vautour, croisées l'une sur l'autre.

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Les antiquités romaines sorties du sol de Carthage n'ont pas le même intérêt d'originalité que les antiquités puniques; mais quelques-unes d'entre elles méritent de fixer l'attention; elles ont été rassemblées dans le second fascicule de la publication belles Victoires portant un trophée, qui ornaient quelque grand monument de Byrsa; tête d'Octave, voilé en pontife, tête d'Auguste, accompagné du Capricorne, tête d'Octavie, de Marcellus; bas-reliefs de stuc funéraires, de la fin du rer siècle, où se voit une Romaine à sa toilette; terre cuite qui montre un joueur d'orgue hydraulique; lamelles de plomb avec incantations magiques (*).

Le troisième fascicule, qui est réservé aux antiquités chrétiennes, devrait être volumineux si l'abondance des documents répondait à l'importance de l'histoire religieuse de Carthage; il n'en est malheureusement pas ainsi : la plupart des objets de cette catégorie, lampes, poteries, inscriptions n'offrent aucune originalité; deux bas-reliefs très mutilés de l'église de Damous-el-Karita fixeront pourtant l'attention. L'un représente l'Adoration des mages et l'autre l'Apparition de l'ange aux bergers.

Tandis que le Musée de Carthage embrasse toutes les périodes de l'histoire de l'Afrique du Nord, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'âge des Byzantins, celui de Sousse, ou plutôt les Musées de Sousse (3) car il y en a deux, l'un établi par la municipalité, l'autre installé dans la salle d'honneur du 4 tirailleurs, - n'intéressent guère que la période romaine; mais leur contenu n'en était pas moins digne d'être mis à la portée des travailleurs l'antiquité de la ville, sa prospérité, sa situation au bord de la mer, tournée

(1) Rédigé par M. A. Boulanger, membre de l'École française d'Athènes, 1913.

(2) Supplément par M. Martin,

membre de l'École française de Rome, 1915.

(3) Musées de Sousse, par P. Gauckler, E. Gouvet et G. Hannezo, 1902.

vers le Levant, en contact journalier avec la Grèce et l'Orient, y ont toujours maintenu des goûts artistiques plus affinés que dans l'intérieur du pays; les morceaux soignés y sont plus nombreux qu'ailleurs. C'est de Sousse que proviennent les plus belles mosaïques découvertes en Tunisie ou tout au moins les plus intéressantes, parce que la ville était entourée de luxueuses maisons de campagne. Si les tableaux, uniques dans leur genre, qui se rattachent à Virgile et aux légendes virgiliennes ont été transportés au musée du Bardo, on en a laissé sur place plus d'un autre chez les tirailleurs, les pavements de la villa du grand propriétaire Sorothus, où il avait fait figurer ses chevaux de course, attachés dans leur écurie ou s'ébattant dans des pâturages, peuplés de ses juments et de leurs poulains; au musée municipal, un triomphe de Bacchus indien, riche en couleurs, un paysage nilotique avec ses pygmées et ses hippopotames, un enlèvement de Ganymède, etc.

Le Musée de Sfax ", de date plus récente, a été créé pour donner asile à des objets provenant des environs immédiats de la ville, surtout de la nécropole chrétienne des buttes Mezghanni, et des ruines de l'antique cité de Thenae. Ils étaient répartis d'abord entre la salle d'honneur du 4° spahis, le contrôle civil, le cercle militaire; on les a rassemblés peu à peu à l'Hôtel de Ville, leur vraie place. Là aussi, des mosaïques décoratives, mais surtout des mosaïques tombales, qui formaient la partie supérieure de caissons en maçonnerie; tantôt le défunt y figure couché sur un lit de repos, tantôt on y voit de simples ornements, fleurs, couronnes, rameaux, accompagnés de courtes épitaphes; puis des peintures funéraires, des lampes, des jarres, des fioles, des vases de verre, quelques-uns de forme très originale.

L'intérêt des musées algériens ne réside pas jusqu'à nouvel ordre dans les mosaïques, bien moins nombreuses qu'en Tunisie et dont les sujets ne sortent guère de la banalité, à quelques exceptions près : la scène de l'Hermaphrodite de Timgad ou le jeu des bêtes de Tébessa sont des raretés; pour l'ordinaire le mosaïste connaissait surtout les sujets mythologiques, les triomphes de Neptune, les

(4) Musée de Sfax, rédigé par M. R. Massigli, membre de l'École

française de Rome, 1912.

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naissances d'Aphrodite, ou les motifs décoratifs faits de torsades, de rinceaux, de feuillages - et ces dernières sortes de mosaïques ne sont pas les moins remarquables. Il ne réside pas davantage, sauf à Cherchel, dans les morceaux de sculpture: statues et bas-reliefs sont, généralement, des répétitions assez grossières de sujets répandus à profusion par le commerce des marbriers. Les fragments d'architecture, surtout les chapiteaux, offrent souvent quelque originalité, due aux traditions africaines et aux influences locales; mais les collections la plupart du temps, par exemple celles de Philippeville, de Guelma, de Tébessa, valent surtout par les inscriptions, témoignages écrits indiscutables de l'histoire de chaque cité et de la région dont elle formait le centre.

Ceci serait surtout vrai pour Timgad, si le musée n'avait été établi dans des conditions toutes spéciales. On peut, en effet, le regarder comme le type d'un musée local. Aucun des objets qui y figurent n'a été apporté d'ailleurs; il est né avec les fouilles entreprises par le Service des Monuments historiques et s'est accru, chaque année, de leur produit. Par malheur, la ville antique a eu beaucoup à souffrir du voisinage des Maures de l'Aurès, qui l'ont pillée, et de l'occupation byzantine, qui l'a défendue par une belle forteresse, créée aux dépens de ses pierres et de ses marbres; les œuvres de sculpture y sont rares et celles que l'on a exhumées très détériorées. On a comparé souvent Timgad à Pompéi; le musée de Timgad peut être comparé aussi avec celui de Pompéi, en ce sens que c'est un asile où l'on a apporté les morceaux décoratifs et surtout les objets mobiliers qui ne pouvaient, sans risques, rester exposés au vent, à la pluie, surtout à la curiosité indiscrète des visiteurs. Les autres objets devaient être laissés et ont été laissés à la place qu'ils occupaient autrefois. Le musée ne forme donc et ne devait former qu'une annexe de la ruine; le catalogue" ne pouvait, lui aussi, que former une annexe des différentes publications où le résultat des fouilles a été exposé. Aussi y trouvera-t-on fort peu d'inscriptions dans une ruine où l'épigraphie abonde, peu de fragments d'architecture, chapiteaux ou ornements. Les morceaux les plus notables, à côté de quelques mosaïques, sont un certain nombre de

(1) Musée de Timgad, par R. Cagnat et Alb. Ballu, 1902.

torses ou de têtes, surtout une jolie tête de bronze qui contraste, par son élégance, avec la banalité, pour ne pas dire plus, des autres

morceaux.

Les souvenirs de l'époque chrétienne manquent presque totalement à Timgad. A Tébessa", au contraire, ils sont fréquents et constituent la partie la plus intéressante des collections: inscriptions mentionnant des reliques de saints du pays, sarcophages, représentant Rome, mère de la catholicité et la Vierge avec l'enfant Jésus, fragments ornementés, spécimens de ce genre de décoration à relief plat, qui est une traduction sur pierre des boiseries ouvragées, comme sont celles des Kabyles actuels; dalle de mosaïque avec chrisme. A signaler aussi, dans ce musée, de curieuses terres cuites d'Aïn-Chabrou, modelées à la main et couvertes d'un enduit de stuc rehaussé de dorures ou de couleurs variées.

Le musée de Guelma, dont nous devons le catalogue à un jeune archéologue plein d'avenir, mort glorieusement pour la patrie à l'armée d'Orient, est, non pas un musée local comme les précédents, mais un musée régional, le modèle de ceux qu'il serait possible de créer sur d'autres points de l'Algérie, là où s'élevaient autrefois plusieurs villes florissantes et où la vie urbaine s'est concentrée aujourd'hui en une seule d'entre elles. Tel est le cas de Guelma, autrefois Calama. Dans les mêmes parages, plus ou moins près, existaient des cités d'une certaine importance, Thibilis (Announa), Thubursicum Numidarum (Khamissa), Madauros (Mdaourouch), la patrie d'Apulée, le premier stage scolaire de Saint Augustin. Le Service des monuments historiques, ayant entrepris depuis 1903 de fouiller Announa, puis Khamissa, puis Mdaourouch, on fit partout d'importantes découvertes. Il eût été imprudent de laisser sur place ces trouvailles; car ces ruines sont actuellement des localités désertes, éloignées de tout village français et les antiquités, à peine sorties de terre, seraient devenues les victimes des indigènes. M. Joly, maire de Guelma, leur offrit l'hospitalité; elles voisinent maintenant dans le square de la ville en attendant leur installation dans le théâtre antique restauré. Leur rapprochement, qui

(1) Musée de Tébessa, par St. Gsell, 1902. M. Gsell a également rédigé le texte du Musée de Philippeville publié

SAVANTS.

en 1898.

() Musée de Guelma, par F. G. De Pachtere, 1909.

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accuse très nettement les ressemblances d'ensemble et les différences de détail, est tout à fait instructif; on peut voir par là ce qu'était autrefois l'existence dans ce coin de Numidie et jusqu'à quel point il était vraiment << romanisé ». Les inscriptions libyques et néo-puniques ne sont pas rares dans la région, car le fond de la population se composait d'indigènes; malheureusement, il ne reste plus beaucoup de celles qui ont été mises au jour de ce côté depuis la conquête. Les inscriptions romaines abondent; dédicaces à des divinités du panthéon gréco-romain ou à des dieux locaux, bases de statues impériales, textes en l'honneur de grands personnages ou simplement de célébrités locales, épitaphes. Il en est ainsi en vérité dans bien des villes romaines d'Afrique; mais, à y regarder de près, les inscriptions funéraires de Mdaourouch offrent des particularités notables; ce sont très souvent des semblants de pièces de vers, où les vertus les plus bourgeoises des défunts sont rappelées en des. pseudo-distiques d'une platitude pédantesque, aussi bien que d'une outrageuse incorrection métrique. Rien ne donne mieux que ce galimatias l'idée de ce que pouvait être cette société provinciale de Numides dégrossis, fiers de leurs écoles et de leur réputation de lettrés et désireux de la justifier jusque sur leur tombeau. La disposition même de l'inscription funéraire à Mdaourouch n'est pas exempte de prétention. On gravait souvent le texte à l'intérieur d'une couronne accostée de branches, de fleurons ou de vases fleuris, ceci aussi bien pour les épithaphes païennes que pour les chrétiennes. De Pachtere a donné à la planche III plusieurs exemples de cette curieuse mode locale.

Les gens de Khamissa affichaient moins de prétentions littéraires, ils paraissent avoir placé ailleurs leur coquetterie. Les statues nombreuses découvertes dans les ruines permettent de croire qu'ils se préoccupaient surtout d'orner richement leur ville. Le Jupiter colossal et la Minerve du Capitole, le personnage nu, sur la poitrine duquel on grava, à la basse époque, le monogramme du Christ, les portraits d'hommes recueillis sur les forums, au milieu de bien d'autres fragments, sont des morceaux plus soignés que ceux que l'on rencontre ailleurs en Afrique; ils trahissent un certain goût, une certaine recherche d'élégance, qui vaut la peine d'être notée dans un centre de tribu berbère.

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