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L'Eucharistie est vraiment un sacrifice.

Mon Sauveur, puisque vous avez daigné vous offrir à Dieu votre père, sur la croix, pour le salut du monde, et que « par cette seule oblation, comme dit l'Apôtre, vous avez rendu parfaits pour toujours ceux qui sont sanctifiés par vous', » ou, en d'autres termes, puisque le sacrifice adorable de la croix, où vous étiez en même temps victime et sacrificateur, était plus que suffisant pour sauver l'univers tout entier, pourquoi nous parler d'un autre sacrifice, celui de nos autels? était-il besoin d'ajouter quelque chose au grand bienfait du Calvaire? et n'était-ce pas vous exposer à nous rendre ce sacrifice moins précieux, que d'en placer ainsi un autre bien moins grand, bien moins auguste en apparence, sous nos yeux?

Votre Eglise, mon Sauveur, va répondre pour vous; et elle ne le fera que d'après vos inspirations".

Et d'abord, puisque vous établissiez une religion, un culte public, pour rattacher les hommes à Dieu et leur faire puiser le salut en lui, = 2 Trid. sess. 22, c. 2.

1 Heb. c. 10, 14

ne fallait-il pas nécessairement qu'un sacrifice sensible et permanent y trouvât place? est-ce que la raison elle-même ne fait pas sentir à l'homme ce besoin de rendre à Dieu quelque hommage extérieur comme marque de la dépendance où il est de son souverain domaine? Sans doute l'hommage intérieur est le premier et le plus esssentiel de tous, mais il ne saurait suffire à rendre notre adoration complète; et de même que la sève dans un arbre a besoin de se manifester par les fleurs et les fruits qu'elle pousse au dekors, ainsi notre cœur a besoin de montrer par des actes sensibles les sentiments dont il est plein; et l'incrédule qui sourit de pitié ou de mépris à la vue du fidèle s'agenouillant pour prier et offrir la sainte Victime de nos autels, l'incrédule trouve cependant fort convenable et fort naturel, que l'homme des champs qui est sous sa dépendance et qui cultive pour lui un riche domaine, vienne, de temps à autre, témoigner cette dépendance par quelques présents, qui ne sont rien autre chose qu'un hommage par lequel ce cultivateur reconnaît qu'il a un maître et cherche à se ménager ses bonnes graces'.

Aussi, mon Dieu, a-t-on vu de tout temps, 1 S. Th. 2 Q. c. 58, art. 1.

et dans toutes les religions, vraies ou fausses, ce grand acte d'adoration établi et usité comme l'effet d'un besoin indispensable qu'éprouve le cœur humain de témoigner à Dieu son absolue soumission. De là ce sang qui inondait la terre dans les sacrifices offerts depuis l'origine des siècles; et si les démons ont cherché à en faire couler en leur honneur, sur des autels sacriléges, c'est qu'ils savaient bien que cet hommage << était dû au vrai Dieu', » et qu'ils voulaient essayer de lui dérober cette gloire. De là encore 'ce sang versé par des hommes héroïques, qui ont si souvent fait à Dieu le sacrifice de leur vie, en souffrant le martyre, plutôt que de manquer à la fidélité qu'ils lui devaient. Oui, toujours on a senti le besoin de vous honorer, mon Dieu, par des sacrifices.

Comment, après cela, supposer que le Sauveur Jésus, qui devait non pas détruire la loi naturelle, mais l'accomplir et la perfectionner 3, aurait pu bannir le sacrifice de cette religion par excellence dont il venait doter l'univers? Non, cela ne peut pas se supposer; les Chrétiens ne peuvent pas être au-dessous des patriarches de l'ancienne loi qui avaient des sacrifices, ni au-dessous des païens qui s'en étaient donnés.

1 Aug. de Civ. Dei. = 2 Ibid. 3 Matt. c. 5.

Ecoutons l'Apôtre, et comprenons sa divine théologie : << Nous avons, dit-il, un autel : Habemus altare1. » Mais un autel suppose un sacrifice et appelle nécessairement une victime. A quoi bon le dresser si rien ne doit y être offert? En parlant des Hébreux, le même Apôtre disait : « Ceux d'entre eux qui mangent de la victime immolée, ne prennent-ils pas ainsi part à l'autel?» Il y a donc corrélation entre l'autel et le sacrifice: quand on a l'un, on doit nécessairement avoir l'autre. Si donc vous nous avez laissé un autel, Seigneur Jésus, comme votre apôtre l'assure, vous avez dû nous laisser aussi un sacrifice; et du moment que vous avez dû le faire, vous l'avez fait, car il n'était pas possible qu'un Homme-Dieu manquât à aucun de ses devoirs.

Je sais, mon Dieu, que pendant longtemps vous vous êtes contenté des sacrifices de l'ancienne loi; mais, puisque vous deviez nous donner par votre Fils une religion plus parfaite, le moment devait venir, et il est venu pour vous, de « rejeter cette première loi comme impuissante et inutile,» d'accomplir cet oracle du Prophète : « Mon affection n'est plus en vous, et je ne recevrai plus de présent

2 Hebr. c. 13, 102 Ib. c. 7, 18.

de votre main ';» et par conséquent d'établir un autre prêtre, qui fût « Prêtre selon l'ordre de Melchisédech, » c'est-à-dire pour offrir un sacrifice dont celui de ce grand homme était, comme nous l'avons vu, une éclatante figure. Oui, Seigneur, il nous fallait dans la religion un sacrifice vraiment digne de vous; il fallait que ce sacrifice eût plus de valeur que l'univers tout entier; «< car tous les peuples du monde étant devant vous comme s'ils n'étaient point3 quelle valeur pourraient avoir leurs plus riches offrandes, puisqu'eux-mêmes en ont si peu? Venez, venez, Sauveur Jésus, et après vous être offert seul pour nous sur la croix, venez vous offrir en union avec nous sur l'autel, et alors nous aurons une victime digne de la majesté infinie de votre Père, car cette victime sera vous et nous.

Je viens de nommer votre croix, votre passion ne fallait-il pas en rappeler et en éterniser parmi nous le souvenir et les effets ? c'est à quoi servira encore le sacrifice de nos autels; c'est pour cela qu'il nous en fallait un. «< Toutes les fois que vous mangerez ce pain, disait saint Paul, et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il

1 Mal, c. 1, y 102 Heb. c. 7, y 23 Is. c. 40, y 17.

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