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SEPTIÈME ET DERNIÈRE ELEVATION

Encore sur les fruits de la sainte Communion.

La nourriture corporelle, en soutenant notre vie et en augmentant nos forces, répare aussi celles que nous perdons journellement par le travail, la chaleur du sang, l'activité même de la vie; et quand elle est prise par un homme valide et bien portant, elle a pour lui des charmes, et lui procure un plaisir dont il ne peut se défendre et qui, après tout, n'est pas un mal, quand il est réglé et qu'on en jouit selon Dieu.

Voilà encore une image des services que rend à notre âme l'adorable Eucharistie, et des délices qu'elle lui procure.

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Ecoutons l'Eglise elle-même, dans cet incomparable catéchisme, composé d'après ses désirs et en quelque sorte sous ses yeux. Il y a là une grace plus abondante que ne pourraient jamais porter dans les âmes nos faibles paroles.

« On ne peut douter que l'Eucharistie n'ait la propriété de remettre les péchés légers qu'on nomme véniels. Tout ce que l'âme, entraînée par l'ardeur de la concupiscence, a perdu de la vie de la grace en commettant des fautes lé

4 Præf. Catec. Trid:

gères, ce sacrement les répare en effaçant ces fautes; ainsi, pour nous servir toujours de notre comparaison, la nourriture corporelle répare insensiblement ce que nous perdons tous les jours par l'effet de la transpiration; ce qui a fait dire si justement à saint Ambroise, que ce pain de chaque jour est un remède aux infirmités de chaque jour. Mais il faut entendre ceci des péchés pour lesquels on n'a plus d'affection. »>

« C'est encore une des propriétés de l'Eucharistie de nous préserver du crime, de nous conserver l'innocence, de nous fortifier contre les tentations, et de servir à notre âme comme un antidote divin qui l'empêche d'être infectée et corrompue par le venin mortel des passions. Dans les premiers temps de l'Eglise, au rapport de saint Cyprien, lorsque les fidèles étaient condamnés par les tyrans aux supplices et à la mort pour avoir confessé la foi de J.-C., les évêques avaient coutume de leur donner le sacrement du corps et du sang de notre Seigneur, de peur que vaincus par la force des tourments, ils ne succombassent dans ce combat du salut. »

Ame fidèle, l'avez-vous bien compris? Voilà le préservatif par excellence contre les dangers qui vous entourent; il y en a tant, hélas ! autour

Amb.

de vous et en vous! « Périls de la part des étrangers, périls de la part des vôtres, périls au milieu des villes, périls au fond des déserts, périls surtout parmi les faux frères', » dont la foi si languissante, si froide, si incomplète, peut devenir facilement pour la vôtre une « odeur de mort qui vous donne la mort'. Entendez-les : ils ne cessent d'exalter devant vous la morale, de louer les prédicateurs qui la prêchent; mais le dogme, les croyances, les mystères, ils ne veulent pas s'en occuper, ils tremblent qu'on ne leur en parle. Et pourtant, sur quoi reposera la morale si elle n'a pas ce solide et inébranlable fondement? et qu'est-ce qu'une religion dans laquelle il n'y a rien au-dessus des pensées de l'homme, sinon une œuvre toute humaine qui ne porte pas le cachet de ce Dieu dont « les pensées sont élevées au-dessus de nos pensées, autant et plus que les cieux sont élevés au-dessus de la terre ? »

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Oui, ce grand scandale, le seul que je signale ici, et tant d'autres dont le monde est plein, comment y échapperez-vous? où prendrez-vous la force de lutter contre tant d'ennemis, sinon à cette table d'où les premiers chrétiens sortaient respirant comme des lions le feu du courage, et 2 Ib. c. 2, ŷ 16 = 3 Is. c. 55, 9.

1 II Cor. c. 11, 26

=

1

devenus terribles au démon lui-même, par la vertu divine qu'ils y avaient puisée 1? Ne me parlez plus de votre faiblesse, je la connais, car c'est la mienne et celle de tous. Mais, aussi bien, ne voyez-vous pas où se trouve la force « qui vient d'en haut, » et n'apercevez-vous pas le cénacle où l'on peut s'en revêtir? Ame chrétienne, voilà un des meilleurs fruits que vous ayez à recueillir, sur cet arbre de vie. « Prenez donc et mangez; » puis vous direz comme David, et avec encore plus de raison que lui : « Le Seigneur est ma force, il est devenu l'auteur de mon salut. >>

Il est aussi la joie de mon âme, il en fait les délices. Non, jamais la nourriture corporelle n'a eu tant de charmes pour l'homme affamé; jamais l'eau du désert n'a eu plus de douceur pour le cerf altéré, qu'en a pour mon cœur le banquet qui m'est servi par Jésus, à la table sainte. « Son pain est excellent; les rois y trouveront leurs délices ; » et les pauvres aussi, mon Dieu, car c'est là que, « dans votre bonté, vous avez préparé quelque chose de si excellent en leur faveur. » A ceux qui pourraient en douter, je dirais : « Goûtez vous-mêmes

3

Chrys. hom. XLVI in Joan. c. 49, 20 = Ps. 67, 11.

= 2 Ps. 117, 14 =

3 Gen.

et voyez combien le Seigneur est doux' » et aimable. Oui, doux pour ceux qui le craignent,

et à plus forte raison pour ceux qui le reçoivent avec tant d'amour! Demandez « à cette nuée de témoins» qui se lèvent pour déposer ici en ma faveur; demandez à ces âmes qui se trouvaient si heureuses à la sainte table qu'on les entendait crier dans leur sainte ivresse : « C'est assez, Seigneur, c'est assez. » Demandez à saint Laurent, dont l'Eglise, elle-même, après saint Augustin, nous dit qu'enivré de ce vin mystérieux, de ce calice du salut, il ne sentait plus les horribles tourments auxquels il était soumis. Demandez à tant d'autres, qui en ont bu après lui et qui ont vu l'amertume de leur tristesse emportée et dissipée par ce céleste breuvage. Car le Sauveur, justifiant d'une manière qui n'appartient qu'à lui et qui s'élève au-dessus de l'ordre commun, cet oracle de l'Ecriture: << Donnez une liqueur à ceux qui sont affligés, et du vin à ceux qui sont dans l'amertume de l'âme,» le Sauveur a vraiment donné le calice de son sang pour réjouir ceux qu'affligent les peines de la vie.

Sans doute, mon Dieu, cette joie sensible, qui

1 Ps. 67, 33 = 2 Heb. c. 11 = 3 Prov. c. 31, 6 = Dedit et tristibus, etc.

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