Amour á la ste eucharistie, ou Élévations sur l'adorable sacrement de nos autels

inonde quelquefois nos âmes, les ravit et les transporte, n'est pas toujours à nos ordres et n'est point un fruit nécessaire de la communion, dans l'instant même où nous la recevons. Dieu la diffère souvent, Dieu la fait attendre et la réserve pour des circonstances où elle sera encore plus utile, plus profitable, et où nous la goûterons sans avoir besoin précisément de savoir ou de penser qu'elle vient de là. Le voyageur fatigué boit avec bonheur l'eau du ruisseau dans le lieu où il la rencontre et où il en sent vivement le besoin, sans songer à la source d'où émanent ces belles eaux, et qui est peutêtre alors bien loin de lui.

Quelquefois même, Seigneur, le sacrifice vient de moi; c'est moi qui renonce volontairement aux saintes jouissances d'une action de gràces qu'il me serait si doux de prolonger, mais que je quitte pour aller rendre quelques services à mes frères, ou remplir quelque autre devoir moins doux, mais non moins sacré. Vous vous en souviendrez, Seigneur, n'est-il pas vrai? Car alors c'est pour vous que je vous quitte, et, en pareille occasion, je ne saurais manquer de vous retrouver.

J'ai surtout l'espérance de vous retrouver au Ciel, car le principal et le plus précieux des

fruits de l'Eucharistie est de nous donner des droits au bonheur éternel et de nous en garantir la possession, si nous sommes fidèles. « Celui qui mange ce pain vivra éternellement'. » Il n'y a pas seulement là, comme dans les autres. sacrements, une grâce qui conduit au Ciel, il y a « un gage de sa future possession 2. »

Ne permettez pas, Seigneur, qu'après avoir tant de fois reçu ce gage précieux, je perde jamais la possession de « cet héritage, où rien ne peut ni se détruire, Li se corrompre, ni se flétrir, et qui nous est réservé dans les cieux 3.

Dieu soit béni mille fois! soutenu par sa grâce, j'ai fourni la carrière que je m'étais ouverte.

J'ignore ce que peuvent valoir ces lignes, qui sont là derrière moi, toutes pleines de votre nom, de vos bienfaits, et du désir de vous faire aimer, sainte Eucharistie! J'en suis l'auteur, mais ne saurais en être le juge; ce droit appartient à d'autres. Qu'il me soit néanmoins permis de le dire avec simplicité; j'espère qu'elles ne seront pas inutiles à quelques uns de mes frères. Si j'avais donc pu réussir à leur faire du bien et à augmenter votre amour dans leur cœur, oh! comme j'en serais heureux! Et si, pour prix

1 Joan. c. 6 = 2 Et futuræ gloriæ nobis, etc. Hym. I Pet. c. 1, † 4.

de mes faibles efforts, et d'un travail que je vous conjure de bénir, vous me demandiez, Seigneur, quelle récompense je désire, souffrez que je vous réponde, avec un de vos plus grands saints, qui a tant aimé l'Eucharistie et si bien écrit sur elle : Pas d'autre récompense que vous-même, Seigneur !...

'Non aliam, Domine, nisi teipsum. (Brev. rom. in festo sancti Thom. Aquin..... )

FIN.