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à vos paroles. Je ne veux pas qu'on m'en croie sur la mienne; il faut qu'on vous entende vousmême : « Parlez, Seigneur, vos serviteurs écoutent 1. >>

<«< Je suis le pain vivant descendu du ciel : quiconque mangera de ce pain vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde.... Celui qui mange ina chair et boit mon sang a la vie éternelle; car ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui 2. »

Voilà vos paroles, mon Sauveur : qu'auriezvous pu dire de plus fort pour établir la réalité de votre présence dans le Sacrement de nos autels? Aussi les saints pères et les docteurs de l'Eglise ont-ils tous entendu ces mots dans le sens naturel où nous les prenons, et où il faut toujours prendre vos discours, à moins qu'on ne hous avertisse dans l'Evangile, que vous parlez en parabole. Je sais que quelques pères de l'Eglise ont aussi donné, par occasion, un sens mystique à ces mêmes paroles que je viens de citer tout à l'heure; et les hérétiques n'ont pas manqué de s'en prévaloir comme d'une arme

1 I. Reg. c. 3, 10 =

2 Joan. c. 7, 52, 57.

contre la présence réelle; mais ils ont tort. Les sens spirituels et accommodatifs donnés à certains passages de l'Ecriture n' de l'Ecriture n'empêchent pas le

sens naturel, qui est le premier de tous; et la vérité historique, qui sert de fondement à tout le reste, n'est pas détruite, parce que sur elle on aura élevé l'édifice de quelque considération morale et spirituelle. Ainsi, quand votre apôtre disait aux Galates « qu'Agar était le mont Sina, et Sara la Jérusalem céleste 1,» il parlait un langage figuré, mais qui ne détruisait en rien la vérité historique des événements que rapporte la Genèse lorsqu'elle raconte l'histoire de la servante et de l'épouse d'Abraham '. De même lorsqu'il plaît à un Père de l'Eglise d'appliquer aussi les paroles de votre promesse à quelque autre objet, qui est pour nous une source de grace et de vie, par exemple, le Baptême, l'Ecriture sainte, la Passion, cela ne prouve nullement que vous n'ayez pas eu l'intention de parler de votre corps et de votre sang et de nous en promettre la possession; cela prouve seulement que vos oracles sacrés sont si riches qu'on en peut tirer à profusion de quoi nourrir une piété insatiable, et qu'indépendamment du sens naturel et obvie auquel il faut s'attacher d'a

1 Gal. c. 4, 24 = Gen. c. 16.

bord, ils ont aussi des sens accommodatifs et figurés dans lesquels il n'est pas non plus défendu de les prendre.

QUATRIÈME ÉLÉVATION

Murmures des Capharnaïtes.

Il s'est pourtant rencontré tout d'abord des esprits qui n'ont pas eu assez de force pour porter cette étonnante promesse, ni assez de docilité pour y ajouter foi. Mais leur incrédu lité ne fera que rendre ma soumission à votre parole plus aisée et plus prompte, Seigneur, puisqu'elle vous a fourni l'occasion d'ajouter encore quelque chose aux preuves si solides dont cette vérité se trouve entourée.

Je les entends se dire les uns aux autres : «< Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger 1?» Apparemment ils ne voyaient en vous, mon Sauveur, qu'un pur homme dont la puissance ne dépassait pas les limites de l'humaine faiblesse; car s'ils y avaient vraiment reconnu un Dieu, le Dieu des vertus et des prodiges, ils n'auraient jamais eu le cou

Joan. c. 6, 532 Ps. 79, ✯ 5.

rage de prononcer ce triste « comment, » et d'ouvrir ainsi la porte au doute sur tous les prodiges dont l'ancienne loi est remplie. Car, si vous demandez comment ce Dieu fait homme pourra vous donner son corps, je vais, dit saint Cyrille, vous accabler d'une foule de questions auxquelles vous ne sauriez répondre, sans me fournir à moi-même une réponse à votre misérable comment. Ainsi je vous demanderai : Comment le peuple hébreu a-t-il pu sortir de l'Egypte? comment la verge de Moïse s'est-elle changée en serpent? comment sa main a-t-elle été subitement couverte de lèpre et subitement rendue à son premier état ? comment l'eau s'estelle changée en sang dans toute la terre d'Egyple? comment vos pères ont-ils marché à pied sec au milieu de la mer? comment l'eau ́du désert a-t-elle perdu tout à coup son amertume quand Moïse y eut jeté un simple morceau de bois? comment la manne a-t-elle pu tomber pour nourrir tout un peuple pendant quarante ans? comment le Jourdain a-t-il pu remonter vers sa source? et le reste dont le détail serait infini.

Vous me répondrez que c'est par un effet de la toute-puissance de Dieu.

Eh bien si vous reconnaissez un Dieu dans

la personne de l'humble Jésus de Nazareth vous devez croire, avec nous, qu'il est assez puissant pour pouvoir nous donner réellement son corps, et assez bon pour avoir voulu le faire. Ce prodige ne peut pas plus lui coûter que les autres. Renoncez donc à votre misérable comment, et acceptez sa parole, toute «dure1 » qu'elle vous paraît.

Il faut bien l'accepter; car vous voyez que le Sauveur ne la retire pas, malgré les murmures qu'elle provoque. Au contraire, il enfonce davantage dans la réalité; et bien loin de chercher à soulager votre foi si faible, en lui faisant remarquer qu'il ne s'agit ici que d'une simple figure de son corps et de son sang, ce qu'il aurait pu et dû faire si effectivement il n'y avait eu que cela dans sa pensée; au lieu, dis-je, d'enlever cette pierre contre laquelle vous venez vous heurter, il la laisse sur votre chemin, et appuyant encore davantage sur sa parole, si dure pour vous, si aimable pour nous, il insiste avec la plus grande solennité : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous 2.

C'est assez, mon Sauveur. Je plains ces faibles 1 Joan. c. 6, 60 = 2 lb. 54.

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