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que prouvent tous les maux auxquels une croyance contraire a donné lieu; qu'elle doive être la profession de foi de tout vrai chrétien, c'est ce que leur code confirme à chaque figne, Mais quel est le vrai chrésien? Celui qui pratique la charité, qui la pratique comme faisoit S. Paul. C'est-là la vraie,l'unique pierre de touche du christianis me.Quiconque ne la suit pas,n'est point chrétien; il n'est rien, pour parler avec l'apôtre.

C'est d'après ces principes que je prie que l'on juge de tout ce que j'ai avancé dans l'Histoire des Vaudois. Si je me suis élevé contre leurs adversaires, ce n'est que lorsqu'ils ont violé les premiers devoirs du chrétien. Pour lors je ne pouvois ni ne devois en aucune façon les ménager. La vérité n'a pas deux faces. Elle est une, immuable pour l'honnête homme ; il doit l'acheter, suivant les termes de l'évangile, c'est-à-dire, qu'il doit oser la publier et la défendre, au prix de tout ce qu'il a de plus cher au monde. Je n'en veux point à la catholicité, mais aux excès que se sont permis, les catholiques. Si j'ai lancé des anathêmes contre l'inquisition et ses ministres, c'est que jamais établissement aussi exécrable ne parut sous la voûte des cieux. Le soleil dut reculer d'horreur, lorsqu'il éclaira pour la première

fois les murs sanglans et ténébreux de cet abominable tribunal. Et l'on ose dire qu'il a été établi pour la propagation de la foi chrétienne!... Quel horrible blasphême !

On pourroit demander aux plus ardens partisans des propagandes, si Jésus, si les apôtres, si les chrétiens des premiers siè cles eurent recours à l'inquisition pour étendre le christianisme, pour éprouver la croyance de leurs freres. On pourroit leur demander, si l'on vit jamais les premiers prédicateurs de l'évangile employer la force, tous les tourmens pour obliger les hommes à recevoir leur doctrine. On pourroit leur demander si, à cause de certaines maximes qui leur paroissoient un peu dures, quelques-uns des disciples de Jésus l'ayant quitté, si leur maître, dis-je, mit en œuvre des moyens violens pour les retenir auprès de lui? Ne dit-il pas, au contraire, à ceux qui lui restoient: Et vous, en voulez-vous point aussi vous en aller? Est-ce là une maxime de persécuteur ? seroit-ce sur cette question que les inquisiteurs auroient fondé leurs réglemens infernaux ? On frémit en pensant jusqu'à quel point on peut méconnoître les devoirs fondamentaux d'une religion si simple, si aimable. Y a-t-il dans tous les écrits sacrés, je ne dis pas un seul passage, une seule

ligne, mais en mot, une syllabe, qui puisse autoriser ou excuser de quelque manière les poursuites et les persécutions, pour matière de religion? S'il s'y trouve quelque chose de semblable, qu'on le produise, et sur le moment même je fais réparation plénière à tous les fanatiques, à tous les partisans dés bûchers.

Mais si tous les conseils, les exhortations, les préceptes, si tout absolument tend en dernier ressort, tend uniquement, à nous recommander l'amour de DIEU et celui de nos frères, il faudra que les inquisiteurs et tous ceux qui suivent plus ou moins leurs principes, avouent qu'ils n'ont jamais eu du chrétien que le nom, et que si l'abus d'une chose suffisoit pour la décréditer auprès des gens sensés, il , il y a long-tems que leur conduite auroit porté les coups les plus

funestes au christianisme; car la nuit et le jour ne diffèrent pas plus entr'eux, qu'un fanatique ou un bigot, et un véritable chré

tien.

Je l'ai remarqué plus d'une fois dans le cours de cette histoire, et je dois le гарpeller ici. C'est moins la maison de Savoie que l'inquisition, qu'il faut accuser de toutes les atrocités qui ont été mises en œuvre pour perdre les Vaudois. Si la première est biâmable, c'est d'avoir condes

cendu aux instances de ce tribunal de sang; c'est de n'avoir pas sçu, par une fermeté et des mesures vigoureuses, résister aux instigations les plus perfides et les plus criminelles. Mais on est porté à l'excuser, lorsqu'on considère quelle affreuse tyrannie Rome exerçoit alors sur le monde chrétien. Notre histoire présente un exemple continuel de tous les excès qu'entraînoient à leur suite les maximes si peu chrétiennes de cette orgueilleuse cour. Le tableau est révoltant sans doute. En le parcourant, on se croit transporté parmi les tigres, les hyènes, parmi tout ce que la nature a produit de plus féroce. Mais il est beau, il est consolant aussi de pouvoir mettre en parallèle l'esprit de dou-ceur et de modération qui anime le gouvernement actuel. L'heureux prince qui occupe le trône de Sardaigne, mérite à juste titre le nom de père du peuple qu'il gouverne. Si les ancêtres de ce respectable monarque nous ont persécutés, c'est plutôt par foiblesse que par méchanceté. Dans un tems où la cour de Rome disposoit, on sait aujourd'hui sur quels fondemens, des empires et des couronnes les princes craignoient de la contrarief; ils aimoient mieux sévir contre leurs sujets, que de lui résister. Les choses ont bien changé

de face; et ce qui élève vraiment VICTOR-AMÉDÉE III au-dessus de ses prédécesseurs, c'est.qu'il a sçu rejetter les conseils sanguinaires dont on a encore osé environner son trône; c'est qu'il est bon, qu'il est juste, qu'l chérit le peuple à la tête duquel il se trouve, parce qu'il connoît tous les devoirs d'un bon roi; c'est qu'il fait et fera toujours son bonheur dé celui de ses concitoyens.,.

Qu'on ne croie point, cependant, d'après ce que je viens de dire, qu'une basse et vile flatterie, indigne d'un honnête homme, ait pu m'engager à trahir dans cette histoire les intérêts de la vérité. Je l'ai présentée sans déguisement, et avec toute la force dont j'étois capable, autant du moins que je pouvois le faire, sans me mettre au-dessus de la portée de la jeunesse vaudoise, que j'ai eu sur-tout en vue dans mon travail. J'eusse été indigne de tenir la plume sacrée de l'histoire, si l'idée seule d'altérer quelques faits avoit pu cntrer dans ma tête. Je n'ai pas craint en exposant la vérité au grand jour, de m'attirer la défaveur des membres aujourd'hui vivans de la maison de Savoie ; car elle ne veut point contredire ce qui est ́ au-dessus de toute réplique. Si ses ancêtres nous ont persécuté, ce n'est pas elle qui

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