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lieu à augmentation ou diminution du prix de fermage que dans les cas et suivant les règles exprimés au Titre de la Vente. (Voyez les art. 1617, 1618, 1619.)

§ II.

Des Obligations spéciales du Preneur.

Ces obligations sont relatives au mode d'user de la chose, ou au paiement du prix.

1765.

Au mode d'user de la chose: Le preneur d'un héritage rural doit cultiver le fonds en bon père de famille [Il doit façonner les terres au temps accoutumé, et avec les engrais convenables. Il ne doit point les charger, les effriter, les dessaisonner. S'il y a des vignes, il doit les échalader, les provigner, etc.; le tout suivant l'usage des lieux.]; en conséquence, il ne doit point abandonner la culture : il doit garnir l'héritage des bestiaux et ustensiles nécessaires à son exploitation, et engranger dans les lieux à ce desti- 1766. nés, d'après le bail ou l'usage. [Les fruits étant le gage 1767. des loyers, il est essentiel qu'ils ne sortent pas de la ferme pour être engrangés ailleurs, où ils deviendraient le gage d'un autre propriétaire.] Faute par lui de se conformer à toutes ces obligations, le bail peut, suivant les circonstances, être résilié, sans préjudice, dans tous les cas, des dommages-intérêts du bailleur.

1766.

Il doit laisser, en sortant, les pailles et engrais de l'année, gratuitement, s'il les a reçus ainsi lors de son entrée en jouissance; sinon, le bailleur peut toujours les retenir, mais sur estimation. [C'est une dérogation aux règles or- 1778, dinaires de la propriété; mais dérogation fondée sur la faveur due à l'agriculture.] Il doit également laisser à celui qui lui succède, les logemens convenables, et autres facilités déterminées par l'usage des lieux pour les travaux de l'année suivante; et réciproquement, il a droit d'exiger de celui qui entre, les mêmes facilités pour la consommation des fourrages et les récoltes à faire.

1777.

Si le preneur est colon partiaire [C'est-à-dire, si le prix du fermage consiste dans une quote des fruits recueillis sur le fonds. Secùs, si c'était une quotité de fruits, déterminée, et indépendante de la récolte. Il est clair que le propriétaire n'aurait pas le même intérêt.], il ne peut, ni céder son bail, ni sous-louer, à moins que la faculté ne lui en ait été expressément accordée; sinon, le bailleur 1763. a droit de demander la résiliation du bail, avec dommages1764.intérêts. [Le propriétaire ayant droit à une partie des

fruits proportionnée à la récolte, a intérêt que la culture ne soit point abandonnée à toutes sortes de personnes. Remarquez que l'on ne dit pas : Le bail ne peut être résilié ; mais le bailleur a droit, etc. Le fait seul de la cession suffit pour que les juges doivent prononcer la résiliation, si le bailleur la demande.

Il paraît résulter de là que le bail partiaire est toujours censé fait intuitu persona; mais ne pourrait-on pas en conclure qu'en cas de décès du colon, le maître n'est pas tenu d'entretenir le bail? C'est en effet une espèce de société ; et il est de principe que la société finit par la mort de l'un des associés, et surtout de celui cujus industria electa est, comme dans l'espèce.]

Au paiement du prix : La jouissance de la chose étant la cause pour laquelle est dû le loyer, et cette jouissance, dans le bail à ferme, consistant dans la perception des fruits, s'il arrive par cas fortuit que le preneur soit privé de la totalité, où au moins de moitié d'une récolte [ à faire. Secùs, si elle est faite, comme nous le verrons plus bas.], il peut demander une remise proportionnelle sur le prix 1769.de fermage, à moins cependant qu'il ne se trouve indem1770.nisé de la perte par l'excédant de récolte des autres années.

Nous disons par cas fortuit, parce que, si la cause du dommage était existante et connue à l'époque où le bail a été passé, il n'y a plus, à proprement parler, de cas 1771. fortuit; et le preneur ne peut demander de remise. [Si, par exemple, les terres sont voisines d'une rivière sujette aux débordemens: l'on présume, dans ce cas, que le prix du bail a été fixé en conséquence.]

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La disposition qui, dans ce cas, met les cas fortuits à la charge du bailleur, étant seulement de la nature, et non de l'essence du contrat, les parties peuvent y déroger par une stipulation expresse, en observant toutefois que, 1772. si la stipulation est faite simplement pour les cas fortuits, sans rien ajouter, elle ne comprend que ceux qui sont ordinaires, tels que grêle, feu du ciel, gelée, ou coulure [Doit-on conclure de là que, lorsque le preneur ne s'est pas chargé des cas fortuits, la perte résultant de la grêle, gelée ou coulure, n'est pas à sa charge? Non : cela veut dire seulement que, quand il s'est chargé des cas fortuits, il ne peut demander de remise pour la perte provenant de ces sortes d'accidens, quand elle serait de la totalité de la récolte; tandis que, s'il ne s'en est pas chargé, la perte n'est pour son compte que quand elle est inférieure à la moitié.], et non point les cas extraordinaires, comme les ravages de la guerre, ou une inondation, auxquels le pays n'est pas ordinairement sujet. Il en serait autrement, si le preneur s'était expressément chargé de tous les cas fortuits, prévus ou imprévus.

1773.

Nous ajoutons, à moins qu'il ne se trouve indemnisé, etc.: parce que, si le bail est de plusieurs années, la perte de la totalité même d'une récolte ne donne lieu à la remise, qu'autant que le fermier ne trouve pas, sur toutes les récoltes faites, soit avant, soit depuis l'accident, de quoi s'indemniser de la perte. En conséquence, si le cas fortuit arrive dans les premières années, le juge peut bien dispenser provisoirement le preneur de payer une partie du prix, proportionnée à la perte éprouvée; mais le montant de la remise définitive ne peut être fixé qu'à la fin du bail, par un calcul fait sur toutes les années de jouissance. [Une ferme a été louée pour neuf ans. Elle 1769. doit produire, année commune, une récolte de valeur de huit mille francs : la moitié d'une des récoltes a été perdue par cas fortuit; mais deux des huit autres ont été tellement abondantes, qu'elles ont rapporté dix mille francs chacune; les six autres années ont eu une récolte ordinaire. Il est clair que la perte imprévue se trouvant com

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pensée par le gain également imprévu, le fermier ne peut demander de remise.

Il résulte, au surplus, de là, que la remise n'étant pas fixée de suite, le fermier doit avoir grand soin de faire constater la perte au moment de l'accident. Il serait trop tard d'attendre à la fin du bail.

Quid si, l'accident étant survenu dans les premières années du bail, le bailleur a consenti la remise proportionnelle, sans réserve et sans jugement, pourra-t-il encore demander la compensation avec les années abondantes? ULPIEN et PAPINIEN décident qu'il le pourrait (L. 15, S4, ff. Locati conducti), si toutefois les années abondantes sont postérieures à la remise. Et, en effet, nemo donare præsumitur. L'on doit donc supposer qué le bailleur n'a agi que pour prévenir la décision du juge, qui aurait infailliblement ordonné la remise. Or, il est clair que cette raison ne peut s'appliquer au cas où les années abondantes seraient déjà écoulées : car alors le juge eût admis la compensation, et conséquemment n'eût pas ordonné la remise.]

Dans tous les cas, le preneur ne peut prétendre à la remise, qu'autant que la perte des fruits arrive quand ils sont encore pendans par racines; car du moment qu'ils · sont perçus, il en est devenu propriétaire : Res autem domino perit. Par le même principe, si le preneur est colon partiaire, comme il s'établit une espèce de société entre lui et le bailleur, ils doivent supporter tous deux une part proportionnée dans la perte, quelque modique qu'elle soit, même lorsque l'accident est arrivé après la récolte, à moins cependant que le preneur ne fût en demeure de délivrer au bailleur la portion qui lui est due; 1771. auquel cas le preneur est tenu de toute la perte.

Nous avons déjà dit que la contrainte par corps pouvait être stipulée dans les baux de biens ruraux, pour le paiement des fermages. Nous ajouterons qu'elle peut être ordonnée, même sans stipulation, contre les fermiers et colons partiaires, pour défaut de représentation, à la fin du bail, du cheptel, des semences et instrumens aratoires

qui leur ont été confiés, à moins qu'ils ne justifient que le déficit ne procède pas de leur fait.

§ III.

De la Résolution du Bail à ferme.

2062.

Le bail à ferme a cela de particulier, que, même quand il est verbal, il est censé fait pour tout le temps qui est nécessaire au preneur, pour recueillir tous les fruits de l'héritage affermé, et qu'il cesse de plein droit à l'expira-1774. tion dudit temps [sans qu'il soit besoin de congé. Secùs, 1775. comme nous l'avons dit, dans les baux de maisons. La raison de différence, c'est que pour les fonds ruraux, il y a en quelque sorte un terme fixé par la nature pour la durée du bail; c'est le temps nécessaire pour recueillir tous les fruits de l'héritage: or, cela ne peut s'appliquer aux baux des maisons.]

Ce temps est subordonné à la nature du fonds et des fruits qu'il produit. Si donc c'est un fonds dont les fruits se recueillent en entier dans le cours d'une année, comme un pré, une vigne, le bail est censé fait pour un an. Si c'est, au contraire, une terre labourable divisée par soles ou saisons, le bail est censé fait pour autant d'années qu'il y a de soles. [Soit une ferme de cent vingt arpens: la pre- 1774. mière année, quarante arpens sont semés en blés, quarante en avoine ou menus grains appelés mars, et quarante restent en jachère, c'est-à-dire en repos et sans semences. L'année d'après, les jachères se sèment en blé; ce qui était en blé, est semé en avoine; ce qui était en avoine, reste en jachère, et ainsi de suite. Voilà ce qu'on appelle diviser par soles. Il est clair que, dans cette espèce, il faut trois ans pour que chaque partie des cent vingt arpens ait eu les trois soles.]

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