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SECTION PREMIÈRE.

Des Marchés pour transports.

Les marchés pour transports sont des contrats consensuels, synallagmatiques parfaits, et à titre onéreux, par lesquels une personne se charge, moyennant un prix convenu, de transporter, ou faire transporter, un objet quelconque, dans un lieu désigné.

Celui qui se charge de transporter lui-même, se nomme voiturier.

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Celui qui se charge de faire transporter, prend le nom de commissionnaire, ou entrepreneur de roulage. Au surplus, les dispositions du présent chapitre s'appliquent en général à tous ceux qui se chargent du transport d'effets, Com. tels que les maîtres de bateaux, les entrepreneurs de voi- 107. tures publiques, qui sont en outre assujétis à des règlemens particuliers, lesquels font la loi entr'eux et les autres citoyens (voyez les décrets des 14 fructidor an XII, Bul-1786. letin, no 217, et 28 août 1808, Bulletin, no 4005), et notamment à l'obligation de tenir registre de l'argent, des effets, et des paquets dont ils se chargent.

Lorsque l'expéditeur [c'est-à-dire, celui qui envoie les objets] traite directement avec le voiturier, il n'y a qu'un marché, et par conséquent qu'un seul contrat. Mais lorsqu'il traite avec un commissionnaire, il y a deux contrats ou marchés, l'un passé entre lui et le commissionnaire, et l'autre entre le commissionnaire et le voiturier. [Ainsi, dans un transport de marchandises, on distingue ordinairement quatre personnes : l'expéditeur, qui envoie les marchandises; le commissionnaire de roulage, qui se charge de les faire transporter; le voiturier, qui les transporte, et le consignataire, à qui elles sont adressées. ]

1785.

Dans les deux cas, le marché, soit entre l'expéditeur et le commissionnaire ou voiturier, soit entre le commissionnaire lui-même et le voiturier, se forme par laCom. lettre de voiture [ cependant avec cette distinction, qu'en- 101.

tre l'expéditeur et le voiturier, quand il n'y a pas de commissionnaire, ou entre le commissionnaire lui-même et le voiturier, le contrat se forme presque toujours par une lettre de voiture; au lieu qu'entre l'expéditeur et le commissionnaire, il se forme par une convention particulière, qui ne préjudicie en rien aux stipulations contenues dans la lettre de voiture que le commissionnaire doit remettre au voiturier. C'est pour cela que nous disons au commencement de l'alinéa, que le marché se forme, soit entre l'expéditeur, ou le commissionnaire, et le voiturier, et non entre l'expéditeur, le commissionnaire et le voiturier, comme le porte inexactement l'article 101 du Code de Commerce. Car, encore une fois, lorsqu'il y a un commissionnaire, la lettre de voiture forme bien contrat entre lui et le voiturier; mais elle n'a que peu ou point d'effet à l'égard de l'expéditeur, qui est lié envers le commissionnaire par le contrat particulier qu'il a passé avec lui.]

La lettre de voiture est l'avis donné à une personne, de l'envoi qui lui est fait. Elle est ordinairement remise au voiturier.

Elle doit être datée, et signée par l'expéditeur ou par le commissionnaire chargé du transport. Elle doit énoncer : Le nom et le domicile du commissionnaire, s'il y en

a un;

Le nom et le domicile du voiturier;

Le nom et le domicile de celui auquel les objets sont adressés ;

La nature et le poids, ou la contenance, des objets à transporter, avec l'indication, en marge, des marques ou numéros desdits objets ;

Le délai dans lequel le transport doit être effectué; Com. Enfin, le prix de la voiture, et la diminution, qui, en 102. cas de retard, doit être faite sur ce prix.

[Le défaut de date, ou des autres énonciations requises, donnerait-il lieu à la nullité de la lettre? La loi ne la prononce dans aucun cas. Le tout est laissé à l'arbitrage du juge, qui décidera jusqu'à quel point il devrait être ajouté

foi à une lettre de voiture qui ne contiendrait pas les énonciations requises, en observant que les discussions qui peuvent s'élever à ce sujet, doivent, en général, être jugées d'après les règles cominerciales, c'est-à-dire, ex œquo et bono.]

La lettre de voiture forme également contrat à l'égard de celui à qui les marchandises sont adressées, dans le sens que, s'il veut les retirer, il ne peut le faire qu'en remplissant les conditions portées par cette lettre.

En matière de transport de marchandises, ou autres effets, les principaux sont,

1°. Que l'objet, une fois sorti des magasins du vendeur ou de l'expéditeur, voyage aux risques et périls de celui à qui il appartient, s'il n'y a convention contraire, et sauf recours, s'il y a lieu, contre le commissionnaire etCom. le voiturier, ensemble ou séparément [ L'objet voyage100. aux risques et périls de celui à qui il appartient; quand même le commissionnaire ou le voiturier auraient été choisis par le vendeur. L'acquéreur pouvait les désigner lui-même, ou stipuler que la chose serait livrée à son domicile. S'il ne l'a pas fait, il est censé s'en être rapporté, à cet égard, au vendeur, qui est regardé comme son mandataire pour cet objet, et qui, en conséquence, n'est tenu, qu'autant qu'il aurait commis quelque faute ou négligence dans le choix du voiturier.];

2°. Que les marchés pour transports sont des contrats mixtes, c'est-à-dire qui participent de la nature de deux sortes de contrats; le louage et le dépôt nécessaire.

Du louage Relativement à l'obligation contractée par l'expéditeur de payer ou faire payer par le consignataire des effets, le prix convenu pour le transport, et les autres dépenses accessoires [Telles que les frais de péage, ou de réparations occasionées par le vice de la chose, ou par force majeure.]; si toutefois lesdits effets sont rendus en bon état, et dans le délai fixé par la lettre de voiture.

Outre l'action résultant de cette obligation, le commissionnaire et le voiturier ont encore un privilége pour leur remboursement, sur les objets transportés, dont ils sont

2102.saisis, privilége qui leur donne le droit de les faire venCom.dre, avec l'autorisation de justice, jusqu'à concurrence du 106. prix de la voiture. [Si donc ils ont remis les objets, ils n'ont plus de privilége. Le contraire a cependant été jugé à Paris, le 2 août 1809. (SIREY, 1810, deuxième part., pag. 168.) Je n'en persiste pas moins dans mon opinion, et je me fonde,

1o. Sur l'art. 307 du Code de Commerce, qui n'accorde de privilége au capitaine, pour son fret, sur les marchandises qu'il a transportées, que pendant quinzaine après leur délivrance; or, on sait que cette quinzaine est accordée au capitaine pour plusieurs raisons qui ne peuvent s'appliquer aux transports par terre.

La première, c'est que, par l'art. 306, il est défendu au capitaine de retenir les marchandises dans son bâtiment, faute de paiement; et cela, pour éviter les dangers de la mer. D'un autre côté, on ne peut l'obliger d'avoir un magasin pour les serrer, en attendant son paiement. Il est donc tout naturel qu'elles soient transportées de suite dans les magasins du consignataire.

La deuxième, c'est que le montant du fret peut être, et est, le plus souvent, beaucoup plus considérable que le prix d'un transport par terre. Il faut donc laisser au consignataire le temps de réunir des fonds.

La troisième, c'est que l'on peut assigner, à un jour près, l'époque de l'arrivée d'un transport par terre. Le consignataire peut donc tenir ses fonds prêts pour le paiement. Il n'en est pas de même à l'égard des transports par mer, l'époque de l'arrivée en étant toujours incertaine. Malgré toutes ces raisons, et toute la faveur due au commerce maritime, l'on n'a cependant accordé que quinzaine au capitaine pour réclamer le privilége du fret, et encore si l'objet n'a pas passé en main-tierce. Peut-on, d'après cela, prétendre que le voiturier par terre pourrait exercer le sien indéfiniment? Car, comme il n'y a point de terme fixé par l'art. 2102, il s'ensuivrait, dans le système de la Cour de Paris, que le voiturier pourrait, à quelque époque que ce fût, réclamer son privilége.

Je me fonde, 2o sur l'art. 577 du même Code de Commerce, qui n'accorde le droit de revendiquer, au propriétaire vendeur, qu'autant que les marchandises ne sont pas encore entrées dans les magasins de l'acheteur, ou du commissionnaire chargé de les vendre pour le compte de ce dernier. Or, on ne peut dire que le privilége du voiturier soit préférable à celui du vendeur.

3. Sur ce que c'est une espèce de gage tacite qui ne peut avoir plus d'effet que le gage conventionnel. Or, le privilége du créancier engagiste ne subsiste qu'autant que le gage est resté en sa possession (art. 2076).]

Du dépôt nécessaire : Pour les obligations du commissionnaire et du voiturier, qui sont soumis, pour ce qui concerne la garde et la conservation des objets, à la même responsabilité que les aubergistes; ils sont, en conséquence, 1782. tenus de la perte et des avaries des choses qui leur sont confiées, à moins qu'il n'y ait stipulation contraire, ouCom. qu'ils ne prouvent que ces pertes, ou avaries, sont arri- 98. vées par force majeure, ou par le vice de la chose.

[Remarquez, 1o que le voiturier est tenu de toute faute, et que la présomption est contre lui; en sorte que, s'il y a avarie, ce n'est pas au propriétaire des effets à prouver qu'il y a eu faute de la part du voiturier; c'est à celuici à prouver qu'il y a eu force majeure, ou vice de la chose.

2°. Que la force majeure doit, dans l'usage, être constatée dans le moment même, ou peu de temps après. Sic jugé avec raison, à Colmar, le 6 janvier 1815. (SIREY, 1816, 2o partie, page 286). Il y aurait trop d'inconvéniens à admettre la preuve après un long intervalle.

3°. Que le voiturier peut être tenu, même du cas fortuit, quand l'accident a été précédé d'une faute qui y a donné lieu. Si, par exemple, il a voyagé de nuit, n'ayant pas d'ordre exprès pour cela, et qu'il ait été volé la nuit, il est tenu de la perte.

4°. Que les voituriers, bateliers, ou leurs préposés, qui altèrent des vins, ou toute autre espèce de liquide ou de marchandise, dont le transport leur a été confié, et qui

103.

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