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Note de l'Administration.

Monseigneur Boyer, évêque de Clermont, vient de bénir, en cette ville, le jeudi, 19 avril, dans la basilique de NotreDame du Port, l'union de M. le comte RÉGIS DE l'ESTOURBEILLON DE LA GARNACHE, secrétaire de rédaction de la Revue historique de l'Ouest, avec Mademoiselle ANAÏS LE BOURG DE BILLIERS, fille du colonel commandant le 16 régiment d'artillerie.

Par suite de ce mariage, notre livraison. qui devait paraître en mars, a nécessairement éprouvé quelque retard et la chronique a même été supprimée. Nous espérons avec confiance que nos abonnés apprécieront ce motif si légitime, nous promettant d'ailleurs de les dédommager amplement le mois prochain.

Le conseil d'Administration.

Vannes. Imp. E. Lafolye,

LA VIE

LES RELIQUES, LE CULTE

DE SAINT GONÉRI

BRETON ARMORICAIN DU VI SIÈCLE

CHAPITRE PREMIER

(Suite.')

Pour justifier le titre de ce chapitre, pour justifier Albert-le Grand du reproche d'avoir inventé dans son imagination la Vie de saint Gonéri, pour permettre au lecteur de comparer la Vie par Albert-le-Grand à la vie latine écrite au douzième siècle sur des actes plus anciens, pour donner à nos lecteurs une traduction élégante et fidèle de cette vie latine, je reproduis ici le travail du bon dominicain. C'est un travail de pure traduction, se rapprochant de tous points du texte latin. Pas un détail omis, pas un détail nouveau, rien de plus, rien de moins, que la légende des Blancs-Manteaux mise en bon français Quand on présente une vie de saint breton par Albert-le-Grand, bien des gens, aussi superficiels dans leur science que dans leur religion, ont l'habitude de s'écrier. « Albert-le-Grand! ce n'est pas un critique! Tout est à contrôler!» et de là à tout rejeter, il n'y a qu'un pas à faire. Avant l'apparition du jansénisme, nos pères faisaient leurs délices de « La Vie, Geste, Mort et Miracles des Saints de la

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Bretagne-Armorique par Frère Albert-le-Grand'. » Ils y trouvaient profit pour l'érudition bretonne et pour la perfection chrétienne. Ce n'est pas à dire que tout est parfait dans l'ouvrage, le premier recueil de ce genre. Mais Lobineau a vraiment trop rejeté les traditions populaires et trop critiqué dans un auteur qui lui servait si bien et qu'il copiait si sou vent. Après lui, une campagne fut organisée et la mode fut de ne pas croire à la parole d'un religieux dont la doctrine était contraire à la secte des jansénistes et des philosophes, les libres-penseurs de ce temps. Le Buez art Saent breton, imité du P. Albert, a gagné bien des âmes à Dieu, conservé la vraie oi dans nos campagnes, vulgarisé l'instruction religieuse en faisant connaître et aimer les fondateurs et les grands hommes de nos diocèses, de nos abbayes, de nos paroisses. . En lisant la vie de saint Gonéri, en constatant que cette vie est bien recueillie des anciens Légendaires MSS. de l'église cathédrale de Tréguer et de l'ancien Légendaire MSS. conservé autrefois en l'église paroissiale de Plougrescant, admirons le style inimitable, charmant et plein d'onction de l'hagiographe, et restons persuadés que si Albert-le-Grand a pu se tromper ou être trompé lui-même, jamais il n'a voulu tromper l'histoire ou le public en disant avoir profité d'un ancien document écrit lorsqu'il n'aurait eu la pièce entre les mains.

Il existe trois éditions anciennes in 4° d'Albert-le-Grand : 1° N 1637.- 2o Rennes 1859 et 1680. -3° M. de Kerdannet a donné une nouvelle édition d'Albert-le-Grand: Brest, 1837.

La Vie de S. Gonéri Anachorète, Patron titulaire de la paroisse de Plou-Grefkant en Tréguer, le quatrième iour d'Avril.

Son pays.

Il passe en notre Bretagne

Se retire

en solitude.

Saint Gonéri estoit natif de la grande Bretagne, que maintenant nous appellons Angleterre, qui pour l'Amour de lesus-Christ quitta son pays, ses parens et ses moyens, qu'il distribua aux pauvres; car s'estant transporté sur le rivage de la mer, il s'embarqua et vint surgir en notre Bretagne à la coste de Vennes, d'où il passa plus avant en terre ferme, cherchant quelque lieu propre à la retraite et contemplation: enfin il s'arresta en une vaste forest au pays Vennetois, nommée Branguilli, non gueres loin du Chasteau et Bourg de Rohan, là il bastit vne petite celulle et vn oratoire dans lequel il disoit tous les jours la Sainte Messe, lequel Oratoire est maintenant converti en vne belle Eglise il estoit de haute stature, doüé d'vne grande beauté corporelle, fort robuste de membres, vêtu d'vn long Cilice, n'vsant d'autre viande que de pain, eau et quelques légumages, distribuant le reste des viandes qu'on luy donnoit en aumône aux pauvres, ausquels il les cuisoit sans en manger morceau. Il passoit les nuits entières en Oraison, et les jours à travailler de ses mains pour éviter l'oisiveté, et quoy qu'il fust grandement docte et lettré, il ne voulut de conversation parmi le monde.

II.

:

En ce temps là il y avoit un Seigneur fort puissant en la paroisse de Noyal près Pontivy, nommé Alvandus, homme fort cruel, lequel retournant vn jour de la chasse, appercevant Saint Gonéri qui disoit son service, le salua. Le Saint estoit tellement attentif à son Office qu'il ne l'apperceut, et ne le resalua pas, dont ce Seigneur se sentit tellement picqué et offensé qu'il dist à ceux qui le suivoient, qui est celuy-là qui sans mon congé demeure sur mes terres? ie vous assure bien que

Il est outrageu sement battu par des Serviteurs d'un Sei

gneur.

Horrible punition sur les persécuteurs du Saint.

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je luy apprendray à qui il a affaire. Son Sénéchal qui lors estoit à sa suite le volut appaiser, et luy dist que c'étoit vn bon Prestre étranger qui avoit tout quitté pour l'Amour de Dieu, et s'estoit retiré là pour faire pénitence et prier Dieu pour tout le pays, homme fort doux et simple, la Sainteté duquel Dieu avoit manifesté par plusieurs grands miracles. Alvandus ne se tint pas satisfait de cette réponse de son Séneschal, ains commanda à ses lacquais et palfreniers de luy amener le Saint ces canailles qui ne cherchoicnt que proye s'encoururent vers la Cellule du Saint, et l'ayant tiré hors, se ruèrent sur luy, comme loups affamés sur vne pauvre brebis, les vns le frappans à coups de poing et de pied, autres à grands coups de gaules de chasse et autres bastons, le battirent si outrageusement, qu'ils luy rompirent deux costes du costé droit, et le laissèrent pour demy mort. Le Séneschal, craignant que ces méchans garnemens ne fissent plus qu'il ne leur estoit commandé, les suivit le plùtost qu'il peut ayant rendu le Seigneur Alvandus en son Manoir, mais il n'y peut si tost arriver qu'ils n'avoient joué leur tour.

III. Quand il vit le Saint en cet estat, il ne se peut tenir de pleurer, et mettant pied à terre chassa ces cocquins, les menaçans d'étrener d'vne corde celuy qui plus attenteroit le toucher, puis luy tendant la main le releva, Lors l'heureux Saint Gonéri se prosternant à genoux la larme à l'œil, supplia Dieu de leur pardonner cette offense, luy rendit grâces de ce qu'il luy avoit pleu luy faire l'honneur d'endurer quelque chose pour sa gloire. Mais Dieu vengea bien tost et bien rigoureusemet cet outrage fait à son serviteur, car tous ces garnemens devinrent sur le champ tous étourdis, puis après ils commencèrent à trembler de tous leurs membres, ils perdirent la veue et la parole, et la teste leur tourna sur le col, la bouche leur demeurant ouverte sans se pouvoir fermer en façon quelconque. Les misérables sentans à ce coup la pesante main de Dieu sur eux, se jettèrent à terre aux pieds du Saint, et levans les mains au Ciel, monstroient signes de repentance: Le Séneschal voyant tout cela monte hastivement à cheval, et court à toute bride porter ces

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