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piéces qui courent le monde, qu'on n'en a pas si tost laiffé fortirvne de fes mains,qu'ils en font les maistres. Il y a auffi de pauures Autheurs qui ne pouuant faire imprimer leurs Ouurages tous seuls, font imprimer ceux des autres, & ils y joignent pour le pardeffus cinq ou fix de leurs Sonnets, ou autres pareilles Piéces qui paffent à la faueur du reste.l'ay doc esté fi mal-heureux que de tomber entre les mains de ces Corfaires du Parnaffe, & de certains copistes ignoras qui auoient tellement défiguré mes Satyres, que ie ne les connoiffois plus moy-mefme, lors que j'en vis quelques-vnes entre les mains d'vn ieune homme, qui les liuroit à vn Libraire, comme les ayant faites. Et vous estes cause, Messieurs, de tout ce qui leur eft arriué, puisque vous les ayant confiées, comme à mes Amis, vous ne les auez peu tenir fecrettes dans vostre Cabinet. Ayant donc conneu que l'impreffion leur eftoit vn mal inéuitable, j'ay crû que leurs fautes leur fuffifoient, fans auoir encore celles des Im primeurs, & des copistes : & i'ay mieux aimé les liurer moy-mefme à la cenfure, & à la médisance, que de fouffrir qu'elles y fuffent liurées par mes ennemis. de trouuer Mais comme vous ne manquerez pas quelqu'vn qui m'objecte que ie deuois faire vn choix plus fcrupuleux de ces Piéces, lors que parmy quel

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ques-vnes de plus fupportables, ils en trouueront de mauuaifes àleur gouft: préparez-vous à leur répondre; Que dans ce fiécle mal-heureux, où on achepte les Liures felon qu'ils font gros, & pefans, fi j'euffe fait vn Liure de la taille d'vn Almanach; mon Libraire n'y eût pas trouué fon compte,& m'eust donné quelques affocicz pour compófer vn Recueil, ce que ie voulois éuiter. l'ay donc efté obligé de laiffer le fon auec la farine, & de vuider mon porte-fueille, jufques à n'y laiffer pas quelques mauuais in promptu, qui n'eftoiet pas nez pour viure auffi logteps que leurs fréres: & tout ce que i'ay peu faire pour les Lecteurs, ç'a efté de leur faire grace de mes Fragments, que ne leur ay pas donné, quoy que d'autres l'ayent fait deuant moy. Cependant affin qu'on puiffe au moins tirer quelque profit de ma faute, le donne ce confeil à tous ceux qui fe meflent d'écrire, quand ils auront fait quelque piéce qu'ils jugeront n'eftre pas assez bonne pour eftre imprimée, qu'ils la iettent incontinent au feu, & qu'ils ne la gardent point dans leur Cabinet, fouz prétexte d'vne forte résolution qu'ils feront de ne la monftrer à perfonne, ou seulement à des amis tres-particuliers. Car ie leur prophétise que l'heure du Berger viendra, & qu'il fe trouuera quelque moment mal-heureux, où la tentation de les pu

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blier fera fi forte,qu'ils n'y pourront réfifter.Et quand ils feroient affez heureux pour l'éuiter, il arriuera que leurs héritiers ou leurs créanciers s'en rendront les maistres, & les feront inuentorier auec des papiers prophanes, comme fi c'eftoient des tiltres d'héritages, à la bien-féance de Courbé & de Sommauille. Ainfi pour auoir négligé cette précaution, on a imprimé tant de mauuaifes Lettres de plusieurs Autheurs qui en fçauoient faire de tres-bonnes, & dont pour vouloir recueillir les Oeuures Posthumes, on a compilé, & immortalizé les fottifes. Enfin, Meffieurs, pour reuenir, fi vous voyez de ces Critiques qui m'objectent que ie tombe en cette Epiftre, dans les mefines fautes que celles que j'ay blâmées dans la Préface de mon Voyage de Mercure, vous leur direz pour toute deffence, que ie ne crains point de me Satyrifer moy-mefme, apres auoir Satyrisé les autres; Cela monftre bien que fiie raille quelqu'vn, ie ne prétens point luy faire de mal: puifque ie ne prétens pas m'en faire à moy-mefme, qui fuis le premier de mes Amis, & celuy que ie crains le plus de bleffer. Vous leur direz encore...... Mais quoy vous auriez trop à leur dire, fi vous vouliez tout deffendre, ie laisse le refte à vostre difcrétion, & à vostre adreffe. Ie fçay que ie fuis entre les mains de perfonnes qui ne man

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queront point de zele, ny d'affection pour moy: & qui excuferont fi ie les traitte icy vn peu familierement, puis qu'on en vse ainfi auec fes bons Amis. En récompenfe, ie seray toute ma vie,

MESSIEVRS,

Voftre tres-humble & tresaffectionné feruiteur,

FVRETIERE.

SATYRES

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