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appelés en témoignage. Nous prenons l'épiscopat romain à l'origine du christianisme, nous le suivons à travers les siècles et nous arrivons ainsi à constater : que, pendant les huit premiers siècles, la papauté spirituelle, telle qu'on l'entend aujourd'hui, n'a pas existé ; que l'évêque de Rome, pendant trois siècles, n'a été qu'un évêque au même titre que les autres; qu'au quatrièine siècle, il reçut la primauté d'honneur, sans juridiction universelle ; que cet honneur n'a d'autre fondement que les décrets de l'Eglise; que sa juridiction restreinte sur certaines églises voisines de la sienne n'est appuyée que sur une coutume légalisée par les conciles.

Quant à la souveraineté universelle, absolue, de droit divin, c'est-à-dire quant à la papauté, les faits et les témoignages catholiques des huit premiers siècles la condamnent au lieu de l'appuyer.

L'histoire nous montre la papauté, après quelques tentatives infructueuses, naissant des circonstances et s'établissant au neuvième siècle, avec son double caractère politique et ecclésiastique. Son vrai fondateur est Adrien I""; Nicolas ler a surtout contribué à son développement; Grégoire VII l'a élevée à son plus haut période.

Adrien ser est en réalité le premier pape.

Ceux qui occupèrent avant lui la chaire de Rome ne

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sont que des évêques, successeurs, non pas de saint Pierre, comme on l'a dit et répété à saliété, mais de Linus, qui était déjà évêque de Rome lorsque saint Pierre arriva dans cette ville pour y sceller, par son martyre, la foi qu'il avait prêchée.

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Les défenseurs de la papauté commettent donc d'abord une erreur historique des plus grossières, en faisant remonter la papauté, c'est-à-dire la souveraineté papale, à l'origine du christianisme. Cette erreur les a conduits à mille autres; car ils ont voulu trouver dans l'histoire de l'Église et dans les écrits des anciens Pères des preuves à l'appui de leur fausse théorie. Ils ont donc torturé les faits, dénaturé les témoignages. Ils ont osé s'attaquer même à l'Écriture sainte et, par des interprétations mensongères, anti-catholiques, la forcer à donner un faux témoignage en faveur de leur système.

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C'est ainsi que l'Église de Rome a donné, la première, l'exemple de ces interprétations individuelles qu'elle reproche si amèrement au protestantisme. La première, elle a abandonné la règle catholique de l'interprétation des livres sacrés; elle a laissé de côté l'interprétation collective dont les Pères de l'Église ont été les fidèles échos, et, de sa propre autorité, elle a voulu voir dans l'Écriture ce que l'Église n'y a pas vu. Elle est arrivée ainsi à aitri

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buer à sa souveraineté usurpée une base divine. Elle a tiré de ce principe toutes les conséquences qui en découlent : le pape est devenu le vicaire de Jésus-Christ, le centre nécessaire de l'Eglise, le pivot du christianisme, l'organe infaillible du ciel.

Ces erreurs papales furent si habilement répandues dans les contrées occidentales qu'elles y furent peu à peu

છે généralement adoptées. Les réclamations qu'elles soulevèrent furent permanentes, il est vrai; mais, avec le temps, elles prirent un caractère moins accentué; ceux mêmes qui s'élevaient contre les abus de la papauté admettaient comme incontestable la base divine de cette

institution.

Aujourd'hui, ces erreurs n'ont pas seulement pénétré dans le clergé et parmi les hommes religieux; les rationalistes, les anti-chrétiens eux-mêmes admettent cette idée: que le pape est le chef souverain de l'Église chrétienne; que ses droits spirituels viennent de Jésus-Christ. Les protestants eux-mêmes ne conçoivent pas l'Église catholique sans pape, et ne veulent voir cette Église que dans l'Église romaine.

Nous-même, nous avons été séduit par l'erreur commune qui nous avait été enseignée comme une vérité ré

vélée et incontestable. En abordant les immenses recher

ches que nous avons été obligé de faire pour la composition de l’Histoire de l'Église de France, nous n'avons même pas songé à examiner plusieurs questions qui ne rentraient dans notre sujet que d'une manière indirecte, et sur lesquelles nous avions accepté, les yeux fermés, certaines opinions.

De là quelques phrases trop favorables à la papauté, et quelques erreurs de détail dans notre livre. Nous profitons de l'occasion qui nous est offerte pour en avertir, afin que l'on se tienne en garde contre ces erreurs, qui auront du reste leur correctif dans l'ouvrage que nous publions aujourd'hui.

Rome a censuré l'Histoire de l'Église de France parce qu'elle n'était pas assez favorable à ses prétentions. Nous la censurons, nous, parce que nous y avons fait trop de concessions aux préjugés romains que l'on nous avait donnés comme la vérité, et que nous n'avions pas encore pris soin d'examiner à fond.

Si jamais la Providence nous fournissait le moyen de faire réimprimer l'Histoire de l'Église de France, nous regarderions comme un devoir de conscience de la corriger. Nous l'eussions fait à la demande de Rome, si Rome eût daigné nous convaincre d'erreur. Nous le ferons à la demande de notre conscience, qui est aujourd'hui plus éclairée.

Aucun homme n'est infaillible; c'est pour cela que, autant on se déshonore en changeant d'opinion sans savoir pourquoi, ou en feignant d'en changer pour des motifs intéressés; autant on s'honore en reconnaissant les erreurs que l'on sait avoir commises, et en les rétractant.

Nous sommes donc porté à une grande tolérance envers les catholiques romains qui croient à l'origine divine des prérogatives papales; car nous savons que ce préjugé est donné à tous avec les premiers éléments de l'instruction religieuse, et que tout, dans l'Église romaine, tend à le fortifier dans les âmes. Mais plus ce préjugé est enraciné dans l'Église romaine et, en général, dans tout l'Occident, plus on doit le combattre avec énergie.

Depuis plusieurs années nous le poursuivons avec persévérance, et, grâce à Dieu, nos travaux n'ont pas été sans utilité. Nous espérons que le nouvel ouvrage que nous publions portera aussi ses fruits, et qu'il viendra en aide à ces hommes religieux, dont le nombre s'accroît chaque jour ; qui, en présence des abus, des excès de tout genre, commis par la papauté, ne peuvent plus à son égard conserver leurs anciennes illusions. Habitués à voir en elle

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